8-Mars : Les militantes chaussent leurs pancartes avant la Marche

Pour la Journée Internationale des Droits des Femmes, 60 000 personnes ont battu le pavé à Paris. Deux jours avant la Marche, le collectif Nous Toutes ouvrait ses portes aux militantes pour confectionner des affiches et pancartes. Immersion avec PressEyes.

Non, Salima n’abandonnera pas. Agenouillée et silencieuse, l’étudiante de 22 ans se concentre devant un vulgaire bout de carton. Dans la salle Eugène Varlin à la Bourse du Travail, la confection de pancartes mène à la révolution ! Alors, elle cherche ses mots. Ceux qui, elle l’espère, frapperont les esprits. Munie de son arme, un stylo-marqueur noir, elle s’apprête à graver sa pancarte qu’elle brandira lors de la marche du 8-Mars. La quête de l’égalité entre les femmes et les hommes la tient en haleine. Lors de cette journée de lutte pour les droits des femmes, sa voix fera écho à la consternation dans les rues parisiennes.

“Nous aussi on a envie de donner notre opinion.”

Salima, étudiante en RSE et développement durable

Ses pensées s’entremêlent. Dérouiller la société, envoyer valser les préjugés, exprimer son aversion et magnifier les femmes. Voilà ce qu’elle espère ! Mais comment le résumer en une seule phrase ? “Les hommes nous donnent l’impression d’être inférieures. Mais non ! Nous aussi on a envie de donner notre opinion”, déclare-t-elle. Soudain, l’étincelle d’une révélation illumine son regard. D’une main pourtant délicate, elle grave un slogan enragé. “Hystérique = femme avec une opinion”. Rien ne l’agace plus que les justifications. Mais cette fois-ci, elle s’efforce de donner une explication à sa devise. “Dès qu’on dit quelque chose, ils nous demandent toujours le fondement de nos pensées. C’est pénible et fatiguant de devoir toujours donner des explications sur ce que l’on pense. C’est pour ça que je suis là ce soir !”

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À ses côtés, une jeune femme aux cheveux courts acquiesce. En apparence, sa voix douce et son visage angélique ne laissent entrevoir sa grogne. Mais Inès incite ses congénères à se réveiller de leur torpeur ! Féministe convaincue et révoltée, la nomination de Roman Polanski aux César, récompensé en tant que meilleur réalisateur, l’horripile. Si Adèle Haenel se lève et quitte la salle, alors elle marchera sur ses pas. Rien ne peut l’arrêter. Encore moins les sornettes des hommes ! Pour saluer le geste de l’actrice, l’étudiante en licence de langues étrangères appliquées de 19 ans reprend le titre d’un de ses films et le transforme en slogan. “Portrait de la jeune fille en feu” devient alors “Portrait de la jeunesse en feu”. Comme pour donner du poids à ses mots, elle entoure son cri de ralliement avec de vives flammes. Aussi grandes que sa colère.

Une prise de conscience générale

“Dans l’esprit collectif, on pense que les femmes ne sont pas unies entre elles.” Salima jette un oeil discrètement à la salle, puis reprend. “Mais ce soir, j’ai tout vu. Une femme voilée, des gens de couleurs mais aussi des personnes de la communauté LGBT+. Il y a même des femmes âgées et des hommes ! On est tous solidaires pour préparer cette marche.”

Dans un coin, Sonia, 40 ans, et Dorothée, 39 ans, apprécient le spectacle.Au-milieu de toutes ces jeunes filles, ni l’une ni l’autre ne se sent en décalage. Bien au contraire. Toutes les deux dédient leurs engagements à la Femme depuis quatre ans. Au quotidien, elles militent contre les violences gynécologiques et obstréticales. “Il y a beaucoup d’oppression des femmes dans ces milieux-là. Mais ça, les jeunes ne le savent pas encore”, constate l’une d’elles.

On a besoin de tout le monde pour détruire le patriarcat.”

Sonia Bisch, Collectif « Tou.te.s Contre les Violences Obstétricales et Gynécologiques »

Alors pour bâtir un édifice solide, chacune doit apporter sa pierre. “On a besoin de tout le monde pour détruire le patriarcat”, persiste Sonia. Comme pour ne pas perdre de vue son objectif, elle transperce son interlocuteur du regard. “Cela nous procure énormément de bien de retrouver une sororité. Jusqu’ici, ils nous ont divisé pour être dominées.” Entre deux coups de crayon, Dorothée intervient. “Ce que l’on veut dire, c’est que nous nous sentons puissantes lorsque nous sommes ensemble.”

Si les femmes se lèvent et se révèlent, Hugo les encourage. Militant depuis 20 ans, il trempe dans le bain de la consternation. Lui aussi a contribué à la création du collectif Nous Toutes. Casser les stéréotypes définit son combat. Lorsqu’il ne manifeste pas, le père de famille ne baisse pas sa garde pour autant. “J’ai trois filles et je leur enseigne qu’elles peuvent tout faire ! Etre femme ne doit pas être un frein. Alors, j’oriente mon féminisme vers l’égalité homme-femme dans la sphère économique.”

Ce soir, le quinquagénaire veille au bon déroulement de la préparation, si toutes les personnes présentes aient de quoi fabriquer leur propre pancarte. Un détail le frappe. “Pendant longtemps, le féminisme était considéré comme des valeurs d’arrière-garde, dépassées. Mais depuis deux ans, on constate une diversité. Cela apporte de la vivacité et une nouvelle manière de combattre !” La clef de la réussite ? La coopération et le collectif. 

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Le mouvement féministe gagne des activistes

De l’autre côté de la salle, une ambiance de “troisième guerre mondiale”. D’autres combattantes se préparent pour cette journée du 8-Mars. Dans chaque recoin se cache une arme. Mais faut-il encore mettre la main dessus dans ce champs de bataille. Quelques phrases se distinguent au dessus du brouhaha. “Quelqu’un peut me prêter l’agrafeuse ?”, “Qui veut un autre carton ?”, “N’oubliez pas de ramener vos pancartes à la marche”.

La détermination et la solidarité neutralisent l’énergie des activistes féministes. En une heure seulement, 500 pancartes s’entassent dans le couloir. “Ce soir, 200 personnes ont passé la porte successivement”. Une véritable fierté pour Pauline, coordinatrice et responsable presse du collectif Nous Toutes. Voir autant de femmes s’activer ne l’étonne en rien. D’après elle, “le coup de Polanski a bien remotivé tout le monde”. 

Si les mots lui manquent face à une telle déception, elle ne mâche pas ceux qui lui restent. “Je pense qu’ils n’ont pas encore compris. Plus ils vont nous mettre des bâtons dans la gueule, moins on lâchera.” Un sourire gagne son visage. Galvanisée par la hargne, elle a hâte de transformer cette marche en véritable orage. Que souffle la tempête, les femmes resteront debout !