Laetitia Kugler : le docteur des scénarios

Laetitia Kugler est script doctor. Un métier atypique qui consiste à soigner les textes audiovisuels. Rencontre avec celle qui permet à de nombreux films d’exister.

Laetitia Kugler, la guérisseuse des scénarios …

 Laetitia Kugler est passionnée par le monde littéraire, elle apprend à lire alors qu’elle n’a que quatre ans et dévore les livres. Ayant grandi, ce qu’elle aime le plus, c’est l’écriture par l’image. En parallèle à ses études Universitaires de Lettres et de cinéma, Laetitia kugler est assistante monteuse pendant cinq ans. « J’ai fait du montage documentaire. Mais, j’ai fait un syndrome de l’imposteur, car je n’avais pas de diplôme, je montais, mais à un moment je ne me sentais plus légitime pour cet exercice». C’est une période difficile pour cette passionnée de l’audiovisuel, qui se redirige vers l’écriture. Une écriture bien particulière, puisqu’il ne s’agit pas d’un art immédiat à l’instar de l’écriture romanesque romancier, mais d’une écriture en vue d’une réalisation, qui deviendra tout de même un art visuel. « Je suis une scénariste un peu particulière. Car j’écris à partir de la matière des autres ».

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Script doctor, une profession atypique

 Laetitia Kugler a un statut qui change des auteurs «  ordinaires », puisqu’elle est script doctor, une profession peu connue en France. Laetitia Kugler, analyse chaque scénario qu’on lui envoie et fait un diagnostic des forces, des faiblesses, afin de remanier, d’ajouter des choses et de trouver des solutions pour améliorer l’état du texte.  « Ce sont des scénaristes qui viennent me voir, pour les accompagner dans l’écriture, parfois avant de démarcher une production, pour savoir si leur projet tient la route. Je peux aussi être appelée par une société de production, qui va me demander de superviser un travail déjà commencé ». Aujourd’hui, c’est une réelle passion pour Laetitia Kugler, qui prend plaisir à découvrir une personnalité et un univers différents à chaque fois. Des journées qui la font voyager à travers de nouveaux mondes. « Le matin, je peux co-écrire une série documentaire sur l’Iran. L’après-midi, je peux trouver des pistes de réécriture pour une comédie romantique et en fin de journée diriger l’écriture de la bible d’une série d’action ». Laetitia, est toujours surprise par l’imagination des auteurs qui l’emmènent dans des lieux et des univers où elle n’aurait jamais pensé aller, « où je vais avec un plaisir non dissimulé ».

 L’amour de la transmission

Un plaisir qui lui prend beaucoup de temps, puisque la script doctor travaille sur plusieurs films en même temps. Pourtant, elle garde de l’énergie pour enseigner.

« C’est très important pour moi de transmettre, j’ai commencé à enseigner à la fac, quand j’ai commencé à faire une thèse. J’enseignais l’esthétique et l’analyse filmique donc rien à voir avec les cours de scénario ». Laetitia quitte les bancs de l’université qui ne lui convenait plus pour enseigner dans les écoles telles que 3IS, ESRA, où elle donne des cours professionnalisant et des séminaires sur la lecture. « J’ai fait des séminaires sur la lecture, car les scénaristes sont d’abord lus par des lecteurs, qui sont soit embauchés par des producteurs soit par des studios, des chaînes, par des institutions et c’est important d’expliquer aux futurs scénaristes, qui va les lire et comment ». Elle fait également des formations pour les professionnels avec séquences 7, qui est une association de scénaristes émergents. L’association propose des formations à ses adhérents, notamment celles proposées par Laetitia Kugler, sous forme d’ateliers courts : sur la note d’intention, sur le synopsis, et sous forme d’ateliers plus longs, comme celui sur l’écriture de long-métrage : « C’est un atelier de 5 séances, du pitch au traitement. Les auteurs construisent vraiment leur film et quand ils quittent l’atelier, ils peuvent aller démarcher avec leur projet. La transmission et la formation, c’est très important pour moi ». Une transmission de savoir, qui l’emmène jusqu’à la présidence de Lecteurs Anonymes , une association qui permet aux lecteurs de scénarios et de romans de pouvoir échanger sur leur travail, se rencontrer, mais aussi de connaître leur droit tarifaire, qui n’est malheureusement pas toujours respecté. « Par ailleurs, l’association a mis en ligne une scénariothèque pour la pédagogie et la formation, parce qu’il n y avait pas de scénario de long-métrage français accessible gratuitement pour les scénaristes. On est allé demander aux auteurs la permission de mettre en ligne leur scénario. C’est important, car les étudiants, les scénaristes et les cinéphiles peuvent télécharger en PDF des scénarios qui ont été tournés ». Une fierté pour Laetitia, qui part du principe que le meilleur apprentissage pour être capable d’écrire un scénario, est de pouvoir analyser les codes de l’écriture cinématographique : une écriture en images où il est essentiel de respecter les séquençage du récit, de travailler la caractérisation des personnages et l’incarnation des dialogues, entre autres choses.

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La frustration de la non production !

Un métier qui n’est pas tous les jours facile et qui peut parfois être très frustrant. « Sur la proportion de ce que l’on écrit et de ce sur quoi on travaille, le taux de production est très faible. J’ai travaillé ces dernières années sur une centaine de projets et il n’y en a peut-être que quinze ou vingt qui ont été réalisés. C’est injuste, surtout quand tu sais que ce sont de bons projets, pour la majorité. Tu ne penses même pas à toi, tu penses à l’auteur et au fait que personne ne va voir son film ou sa série. C’est parfois une question de case de diffuseur. En création française par exemple, il n’y a pas énormément de cases sur les chaînes et tout ne peut pas aboutir ». Mais aujourd’hui, Laetitia Kugler a cette chance de pouvoir elle même choisir les films sur lesquels elle veut travailler, dont elle connait les potentiels pour être diffusés.

Script doctor, un métier de l’ombre, qui devrait pourtant être reconnu à sa juste valeur. Car si les personnes comme Laetitia Kugler n’existaient pas, les auteurs seraient plus seuls et les projets moins bien accompagnés.

Mathilde Dandeu