« Les Grands » : des adolescents dépeints avec authenticité et engagement

« Les Grands », une série diffusée depuis 2015 sur Canal +, suit les aventures de cinq adolescents : Ilyes, Avril, MJ, Quentin et Hugo. Ils n’ont pas de super-pouvoirs, personne ne se fait assassiner et ils ne font pas d’enquête. Pourtant, ils nous tiennent en haleine.

« Les Grands » ne débutent pas au lycée, mais en troisième. Une période souvent oubliée par les séries, où l’on retrouve nos héros directement en seconde. Pourtant, l’adolescence débute bien durant cette dernière année de collège où nous sommes les plus grands. On fait peur aux classes de sixième, avant de se retrouver perdu au milieu des élèves de terminale, peu conciliants avec les petits nouveaux.

Loin des séries pour adolescents, ici, ces derniers ne prennent pas la place des adultes. Nous avons affaire à des jeunes lambda, que nous pouvons rencontrer dans la vie de tous les jours.

Stop aux archétypes de groupe

Ilyes ( Sami Outalbali), Avril (Pauline Serieys), MJ ( Adèle Wismes), Quentin (Grégoire Montana) et Hugo (Théophile Baquet) ne font pas non plus partie du groupe le plus populaire du lycée. Une valeur importante pour certains téléspectateurs, leur offrant la possibilité de s’identifier plus facilement. Le but de ces cinq adolescents est de rester unis, malgré leurs doutes sur cette amitié éternelle. Ils ont parfois même du mal à accepter d’agrandir la bande.  Notamment Kenza (Romane Lucas), la petite copine de Boogie. Elle ne se sent pas forcément à sa place au sein de ce groupe lié à jamais.

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Une confrérie sans archétypes : il n’y a pas l’intello du groupe, le bagarreur, le Don Juan. Rassurez-vous, ils ont tout de même leur propre caractère, leur propre traits de personnalité, mais sans aucune caricature, que l’on peut observer dans certaines séries. Débuter la série en troisième permet à ces personnages d’évoluer considérablement. Le spectateur se retrouve surpris face à un comportement qu’il n’imaginait pas forcément avec l’arrivée du lycée.

Les faces cachées

Si les cinq personnages se rebellent tous, MJ est peut-être celle qui exprime le plus ce côté. Elle est perçue comme l’adolescente que rien ne peut atteindre. Au fil du temps,  elle révèle un aspect sensible : elle est proche des gens qu’elle aime, toujours là pour ses amis. Attention, elle ne devient pas non plus une fleur bleue. Elle exprime ses sentiments, mais tout en pudeur. Sans en faire trop, et à sa façon. Elle garde cette facette de l’adolescente qui n’a peur de rien, fêtarde et curieuse . Son personnage met en lumière que l’on peut se manifester, se mettre en colère, envoyer balader le monde, mais avec circonstance, pas avec n’importe qui ou n’importe comment.

Boogie alias Quentin est le « rigolo » de la bande, celui qui parle sans trop réfléchir même devant des centaines de personnes. Boogie aime dire aux gens ce qu’il ressent, rien ne lui fait honte. Bien qu’extravagant, il a une âme très « poétique » quand il le veut – et ça fait du bien. Il reflète une image loin de ce que l’on pouvait imaginer dans la saison 1. Boogie ne pensait qu’à une seule chose : être dépucelé ! Pourtant, c’est celui qui s’assagit, toujours à l’écoute de la gente féminine, à essayer de les comprendre. Il est celui qui a ce besoin d’être en couple et de se sentir aimé, l’image contraire de son ami Hugo. 

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En troisième, Hugo se montre très prude avec les filles. C’est un garçon timide, presque effacé. Le lycée lui donne une nouvelle force. Il enchaîne les conquêtes, essaie de se trouver ou du moins de trouver sa place dans ce monde de grands qui le dépasse très souvent. Avril, qui croit au prince charmant, se retrouve vite confrontée à la réalité de la vie et des hommes… Ses histoires d’amour lui permettent de renforcer peu à peu son caractère. Elle reste tout de même la plus fragile de ses camarades à penser que quelqu’un de bien l’attend.

Le visage obscur d’Ilyes 

Parlons d’Ilyes qui est sans doute celui qui évolue le plus au fil des saisons. Sans compter que son personnage apporte des messages importants. En troisième et en seconde, il est un élève exemplaire, s’inscrit dans les équipes sportives et refuse de prendre de la drogue… Mais tout bascule en terminale. Le jeune homme valse entre fêtes, alcool et substances illicites.

La série apporte ce dernier détail de façon intéressante à travers Ilyes. Sous l’emprise de la drogue on voit un garçon s’amuser, se laissant transporter dans un univers parallèle, pour lâcher prise. Des scènes où l’acteur transporte avec lui le public dans cet « idéal ».  

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Mais au fur et à mesure, le spectateur réalise à quel point cet addictif est dangereux. Ilyes a du mal à s’en passer, jusqu’à se mettre dans des situations compliquées pour obtenir une dose de « bonheur ». Pire, il ressent le besoin d’en prendre pendant son baccalauréat et se persuade que ça l’aidera à rendre une meilleure copie. Du petit garçon sage, Ilyes devient l’adolescent secret, difficile, frôlant tous les interdits.

Une nouvelle image 

À travers ce personnage, le réalisateur évoque l’homosexualité, avec une toute autre image. Si en troisième l’adolescent a des doutes sur sa sexualité, il ne cachera pas à ses amis qui il est lorsqu’il comprend son attirance pour les garçons. Un fait peu évoqué dans les séries, où l’on montre souvent des jeunes garçons ou des jeunes femmes ayant peur du regard des autres et de la réaction de leur entourage. 

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Dans « Les Grands », loin de l’image du garçon gay aux multiples stéréotypes, Ilyes a sa propre personnalité. Il est un garçon casse-cou, pour ne pas dire bagarreur – quand il le faut. Le jeune homme ne fait pas de « coming out », comme on pourrait tous se l’imaginer. Il le dit entre deux couloirs du lycée à sa mère, bien qu’elle lui réponde : « Tu dis ça pour me blesser… N’importe quoi (…)». « Les Grands » décline  ce cliché du repas de famille, où l’adolescent prend le temps d’avouer sa sexualité. Ce qui apporte un réel vent de fraîcheur à la série et colle aux évolutions des moeurs et des idées ! 

Une parole libérée

Si les personnages évoquent par eux-mêmes des messages cruciaux. Certains faits sont rapportés avec plus de profondeur. Notamment le harcèlement entre élèves auquel Boogie se retrouve confronté avec le « fantôme » de l’une de ses camarades qui a tenté de mettre fin à ses jours après des moqueries. Il en est de même pour MJ, qui se retrouve face à l’image de son père. Une relation conflictuelle qu’elle essaie de comprendre pour accepter qui elle est ou comprendre qui elle est. Le spectateur est plongé directement dans les pensés des lycéens, que l’on peut entendre. Les acteurs communiquent seulement par mimiques, notamment pour l’épreuve du BAC,  une technique peu utilisée qui offre une connexion entre le public et les acteurs. Cela apporte un peu de fantaisie et adoucit la forte tonalité du propos mis en avant.

« Les Grands » est un savoureux mélange entre une actualité obscure, existante et une hilarité dans le comportement de chacun des protagonistes. Que ce soit dans les répliques des personnages principaux et secondaires comme ce duo Dylan ( Rio Vega) et Enzo (Paul Scarfoglio), ainsi que les professeurs. Dans la série, le corps professoral pris très à la légère, avec beaucoup d’humour. Pas de professeur amers, les élèves sont sans filtre avec eux, osent se confier, dire ce qu’ils pensent sans que cela ne devienne un grand problème avec des heures de colle. Ils sont un peu l’image des professeurs que l’on aurait peut-être rêvé d’avoir. 

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« Les Grands » est bien plus qu’une série d’adolescents pour adolescents. C’est toute une réalisation et une scénarisation réfléchie, qui encourage, l’ouverture d’esprit sur ce monde dans lequel nous vivons. Un monde qui parfois ne se base que sur la loi du plus fort, alors qu’il serait plus judicieux de favoriser l’écoute, tout comme le prône « Les Grands ».


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