Simone Veil, la disparition d’une battante

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L’ancienne ministre de la Santé, Simone Veil, s’est éteinte à l’âge 89 ans vendredi 30 juin – après quelques jours d’hospitalisation à Avignon. Déportée pendant son adolescence, elle sera mise à l’honneur lors d’une cérémonie dans la cour des Invalides mercredi 5 juillet. Emmanuel Macron, nouveau président de la République, y prononcera un discours. Grande militante de l’avortement, elle devrait même être inhumée au Panthéon.

Shoah, droits des femmes, construction européenne, … Simone Veil a traversé les combats du Xxème siècle. Pour la plupart, elle représente le vaisseau de l’émancipation de la gente féminine. Afin de lui rendre hommage, l’association féministe Politiqu’elles lance une pétition pour son inhumation au Panthéon – monument national situé à Paris. Un projet soutenu par le groupe socialiste du Parlement européen. Mais, ce n’est pas l’unique distinction qu’elle reçoit pour sa carrière. En novembre 2008, elle rejoint l’Académie française. Quelques mois plus tard, elle accepte même le titre de Grand Officier de la Légion d’Honneur.

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Son combat commence à ses 16 ans, lorsque sa famille est arrêtée par les Allemands. Née dans une fratrie juive à Nice, elle est déportée et voyage dans des wagons pour animaux d’élevage pendant deux jours et demi. Dès son arrivée au camp d’Auschwitz, elle prétend qu’elle a 18 ans pour échapper aux chambres à gaz. Puis, elle enchaîne les travaux forcés, sur la rampe de débarquement notamment. En janvier 1945, elle entreprend un périple de 70 kilomètres dans la neige et le froid avec sa mère. La « marche de la mort » direction le camp de Mauthansen et de Bergen-Belsen.

« J’ai le sentiment que le jour où je mourrai, c’est à la Shoah que je penserai »

Des débuts en politique difficiles

Matricule “78651” tatoué sur le bras, Simone Veil se (re)construit une vie. Elle étudie à Sciences Po. Elle se marie avec Antoine Veil et élève trois garçons. Une routine qui ne suffit pas à calmer ses ardeurs d’ambition. Elle obtient le concours de la magistrature en 1956. A l’élection présidentielle de 1969, elle vote pour Georges Pompidou, son mentor politique. Un an plus tard, elle devient la première femme secrétaire générale du Conseil Supérieur de la Magistrature. Elle est également la première femme à siéger au conseil d’administration de l’ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française) – établissement public chargé de la publication audiovisuelle nationale et régionale.

Entre incertitudes et doutes, Simone Veil accepte le poste de ministre de la Santé, proposé par Jacques Chirac – alors premier ministre en 1974. « Pendant plusieurs semaines, je me suis dit que j’allais faire des bêtises », avoue l’apprentie politicienne. De plus, elle débute dans un contexte tendu, où Planning familial rime avec avortement clandestin. Le 26 novembre 1974, elle s’adresse à la tribune de l’Assemblée nationale pour défendre un texte autorisant l’IVG. Un discours prononcé pendant une heure devant 9 femmes et 481 hommes.

Ce projet de loi suscite un débat où se succèdent 74 orateurs. Insultes, isolement, mépris, … la ministre travaille dans une atmosphère étouffante. Les invectives sur son passé de déportée défilent. L’avortement est « le choix d’un génocide » selon le député gaulliste Hector Rolland. Pour Jean-Marie Daillet, député du centre, ce sont des embryons « jetés au four crématoire ». Malgré les obstacles, la loi est votée 284 voix contre 189, trois jours après son discours d’ouverture. Elle est promulguée le 17 janvier 1975, autorisant l’avortement pour cinq ans. Une durée prolongée en 1979.

Une carrière riche en rebondissements

A peine élue députée, Valéry Giscard d’Estaing lui propose de se présenter à la tête du Parlement européen. Simone Veil candidate sur les conseils de son ami. Elle est choisie lors de la première séance et devient présidente du premier Parlement européen élu au suffrage universel. Passionnée par la construction de l’Union européenne d’aujourd’hui, elle finit son mandat en 1982 mais reste députée au sein de l’hémicycle européen.

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De 1993 à 1995, elle occupe le poste de ministre des Affaires sociales dans le gouvernement d’Édouard Balladur. Dans les années 90, elle rejoint le Conseil constitutionnel, qu’elle quitte en 2007. Puis, à partir de 2000, elle devient présidente d’honneur de la Fondation pour la mémoire de la Shoah – qui subventionne le mémorial de la Shoah et participe à l’élargissement des connaissances sur le génocide.

Pour raconter son histoire et son parcours mouvementés, elle rédige une autobiographie. « Une vie » écoule 550 000 exemplaires.

Source Photo : Le Monde

Marie Boetti