À Fleur de Peau : L’hommage de Walid Ben Mabrouk aux Algériens

Walid Ben Mabrouk, A Fleur de Peau, Algérie, 17 octobre 1961, Mathilde Dandeu, PressEyes

Walid Ben Mabrouk dans A fleur de peau

Il est scénariste, comédien, réalisateur. Avec ces trois cordes à son arc, Walid Ben Mabrouk se devait de mettre en lumière ce 17 octobre 1961. Une journée macabre pour la communauté algérienne, SA communauté. Avec “À Fleur de Peau”, il éveille les consciences, toutes générations confondues. Une œuvre poignante et bouleversante, sur ces jeunes algériens parfois impuissants face à leurs proches qui ont connu cette manifestation. Rencontre.

Comme beaucoup de gens, Walid Ben Mabrouk connait le sort qu’a été réservé à plusieurs dizaines d’Algériens le 17 octobre 1961 (le chiffre exact n’étant toujours pas établi à ce jour). Lui-même d’origine algérienne, fils d’immigrés, il y a cinq ans, il prend le temps de connaître L’Histoire de ce jour macabre. “Mon père faisait partie de cette manifestation, de ce massacre. Pour moi, c’était important que ce soit lui qui me raconte les faits. Cela avait une plus grande valeur bien plus prenante.” Les phrases, les mots, les silences de son père défilent. Le choc, la peine et d’autant plus intense. Face à sa figure paternelle, le comédien, réalisateur, producteur, ne peut rester sans rien faire. Il se doit de raconter ce récit au plus grand nombre. Il prend sa plume, un carnet et écrit. “J’ai écrit plusieurs versions de ce projet avec le scénariste Hakim Soudjay, jusqu’à ce que je trouve la bonne.” Le scénario entre les mains, les scénaristes le baptiseront “À Fleur de Peau”.

Un arrêt dans le temps

Le court-métrage raconte l’histoire de Yacine, un jeune français d’origine algérienne qui travaille dans une entreprise de maintenance. Le jeune homme se sent quelque peu mis à l’écart par sa famille et ses nombreux secrets non révélés. Mais sa vie va prendre un nouveau tournant, quand il fait la rencontre d’Huguette (Liliane Rovère), chez qui il vient installer un escalier électrique.

 
 
 
 
 
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Huguette est une vieille femme qui vit seule dans une grande maison, depuis la disparition de son mari. Mais quelque chose trouble Yacine, la demeure est pleine de photos d’Algérie. “On voulait une maison qui s’arrête dans le temps et montrer que cette petite vieille est restée dans les années 1960.” Curieux, Yacine interroge Huguette sur cette période. Mais très vite, on comprend qu’il cherche des réponses au passé de ses ancêtres, lui dont les origines viennent de ce pays. Le jeune homme n’est pas au bout de ses peines, quand il découvre l’horreur de ce 17 octobre 1961.

Comme Yacine, de nombreuses personnes ignorent ce qu’il s’est passé ce jour-là, quand d’autres connaissent vaguement les faits. “Quand on a fait l’avant-première, beaucoup de gens nous ont dit qu’ils ne connaissaient pas l’histoire. Parce qu’on l’a cachée.

Ce n’est qu’en 2012, que François Hollande a reconnu “une sanglante répression“. Puis, le 15 octobre 2021, Emmanuel Macron prend à son tour la parole et dénonce “des crimes inexcusables pour la République commis sous l’autorité” du préfet de l’époque, sans faire remonter explicitement au-dessus la responsabilité, pour ne pas qualifier ce jour de crime d’État.

Écrire “À Fleur de Peau”, était essentiel pour Walid Ben Mabrouk. Avec cette œuvre, il rétablit l’Histoire, celle oubliée dans les manuels scolaires. “On ne peut pas oublier les morts“, insiste-t-il.

Impacter

Par le biais de ce film, le comédien veut toucher tous les français et même au-delà. Il a le souhait que l’on se sente tous concerné.es par cette période. En effet, si l’on parle du 17 octobre 1961, les algériens ont subi des violences policières sur l’ensemble des mois de septembre et d’octobre.

 
 
 
 
 
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Une manière pour lui, de rendre un dernier hommage à cette communauté algérienne, mais aussi de faire son deuil, tout comme le fait son personnage à la fin du film. “Mes parents sont nés sous l’occupation française en Algérie. Pour moi, il n’y a pas de différence entre l’Algérie et la France. Les pieds-noirs, ils étaient heureux de vivre en Algérie, ils ne voulaient pas quitter le pays. Huguette est pied-noir et je voulais renforcer cette idée qu’elle ne peut pas oublier ce pays qu’il l’a accueilli pendant des années. Elle est restée ancrée dans cette Algérie qu’elle a connue.

Dans “À Fleur de Peau”, l’acteur se met presque à nu, puisque “Yacine c’est moi, c’est Walid“, tient-il à préciser. Un jeune homme drôle, mais à la fois touchant et parfois perdu dans tous ces non-dits, au sein de sa famille. Pour protéger son fils, sa mère préfère lui cacher certaines vérités. Incomprise par son fils, il n’hésite pas à lui tenir tête, lui dire ce qu’il pense. “Je suis très direct avec ma mère et devant elle, je prends beaucoup de responsabilités“, explique Walid Ben Mabrouk.

Avec Huguette, Yacine est un autre homme. Plus taquin, il laisse place à ses émotions. Petit à petit, entre Yacine et la vieille femme une complicité se créer. Il aime se rendre chez elle, l’écouter, elle qui lui apprend qui il est vraiment. Pour rendre ce duo si attachant, l’acteur s’est imprégné de sa relation avec son papa. Un homme avec qui il peut être dans l’affront, comme dans l’humour et dans la tendresse. “Mon père il m’a tout donné. Il m’a élevé pendant que ma mère allait travailler.”

“À Fleur de Peau”, c’est donc deux générations et nationalités différentes, faisant de ce court-métrage un véritable devoir de mémoire. Le devoir de rappeler que toutes les générations et nationalités confondues, se doivent de prendre conscience ce que les algériens ont subi ce 17 octobre 1961. Un film, avec lequel beaucoup d’enfants d’immigrés pourront s’identifier, notamment ceux qui ignorent leur passé, par des parents parfois silencieux. Il ne faut pas les considérer comme lâches, mais tout simplement comme des personnes, n’ayant plus la force de se replonger dans la douleur. Un film qui pourra éclairer les jeunes, leur donnant le choix d’en faire leur combat.