Un fils du sud : un nouveau regard sur le combat pour les droits civiques des afro-américains

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Avec “Un fils du Sud“, Barry Alexander Brown, soulève une problématique historique : celle de la ségrégation aux États-Unis, mais aussi du racisme profond qui règne depuis tant d’années. Dans cette oeuvre, il donne la parole à la communauté noire, sous la narration de Bob Zellner, un militant fervent d’une égalité pour tous. 

1961, les États-Unis sont en pleine ségrégation raciale, mise en place en 1877. Les blancs d’un côté, les noirs de l’autre. Et si seulement les faits s’arrêtaient là… ce qui n’est pas vraiment le cas. Non, la race blanche est privilégiée quand la race noire est soumise. “Un fils du Sud“, réalisé et écrit par Barry Alexander Brown,  met en lumière la violence instaurée par l’homme blanc envers les noirs; tout comme on a pu le voir dans “12 years a Slave“, “La couleur des sentiments“, “Green Book: sur les routes du sud“, “BlacKkKlansman : j’ai infiltré le Ku Klux Klan…“ tout autant de films qui révèlent la condition des noirs en ces années atroces sous les lois ségrégationnistes. Mais ce qui différencie “Un fils du Sud“ de ces autres oeuvres, c’est qu’ici le héros n’est pas noir, mais blanc et tout part de son point de vue et de son désarroi face à ce racisme “viral“. 

Une remise en question 

Inspiré de l’oeuvre autobiographique de Bob Zellner “The Wrong Side of Murder Creek“, le film retrace son combat aux côtés des Freedom riders. Du haut de ses 22 ans, le jeune homme doute : doit-il aller jusqu’au bout de ses convictions ? Celles qui prônent la liberté pour tous : blanc ou noir ? Ou doit-il ignorer toutes ces injustices, pour vivre sereinement et réaliser ses projets aux côtés de celle qu’il doit épouser : Caroll Ann. Une jeune femme qui ne comprend pas vraiment les engagements de son futur époux, envers ces personnes qu’il ne connaît pas. À travers ces questions, se cache aussi la peur : la peur des émeutes, la peur de donner une mauvaise image à sa famille, la peur que l’on s’en prenne à eux ou pire : s’il lui arrivait quelque chose, que deviendrait sa mère… Face à toute cette pression, Bob Zellner, incarné par Lucas Till préfère penser qu’il n’a pas à choisir. Pourtant, s’il ne veut contrarier personne, notamment son grand-père qui fait partie du Ku Klux Klan, ses actions le trahissent. Bob Zellner, veut se battre pour une liberté égalitaire entre tous les Hommes. 

Imposer ses convictions 

Bien que Bob Zellner est présenté comme le personnage central de l’histoire, il n’a pas cette figure du héros qui vient à la rescousse de la communauté noire. Bien au contraire, il est parfois même un peu trop lisse, un peu trop gentil, s’interpose peu ou seulement quand il est dans l’obligation. Bob Zellner est dans “Un fils du Sud“, surtout le narrateur des évènements qui se sont déroulés en 1961, il est celui qui donne la parole aux noirs et à son grand-père, pour essayer de les comprendre et tenter une vie ensemble. 

Fidèle à lui-même, lorsque Bob Zellner se retrouve avec son grand-père, il ne le contredit pas et va même le rassurer, lui faisant croire qu’il ne veut pas être du côté des noirs. Jusqu’à ce jour, où sur un banc, l’homme d’un certain âge prend le temps d’aller voir son petit-fils, qui fait désormais partie de l’association NAACP (National Association for the Advancement of Coloured People). Joué par Brian Dennehy,  il ne se considère pas comme raciste. Ses agissements sont pour lui normaux “pour sauvegarder la race blanche“, des propos que l’on peut qualifier d’absurdes et pourtant une réalité qui subsiste encore. Bob Zellner écoute attentivement, il laisse parler son aîné sans s’énerver, sans le contrarier, mais sera dans l’obligation de lui affirmer qu’il ne partage pas les mêmes jugements. Une scène importante, puisque pour la première fois, le héros assumera son choix face à la figure patriarcale de la famille. 

Le film, au rythme plutôt lent révèle la cruauté des paroles des hommes et des femmes blancs grâce au flashback, narré par Bob Zellner. La violence s’y fait rare, mais lorsqu’elle est présente à l’écran, le réalisateur n’épargne pas le spectateur. Les images difficiles à regarder mettent en lumière non pas des êtres humains, mais des sauvages sans âme et sans coeur. On peut citer la scène qui revient sur ce fameux 14 mai 1961, lorsqu’un car rempli de jeune a été incendié à Anniston, dans l’Alabama.  Il transportait un groupe de noirs et de blancs, faisant partie du mouvement Freedoms Riders, pour propager au sud réfractaire la déségrégation dans les transports entre États. Les jours suivants, d’autres Freedom Riders furent arrêtés par des élus ségrégationnistes de Jackson et incarcérés dans le pénitencier d’État du Mississippi. Au cours des quatre mois suivants, des militants venus des quatre coins du pays persévérèrent dans la même démarche. Au total, ils furent quatre cent trente-six à risquer leur vie face à des foules en colère et à un Ku Klux Klan prêt à tout. Au coeur de ce combat social, Barry Alexander Brown n’a pas omis de porter une grande importance à la place de la femme. 

La puissance féminine 

Noires ou blanches, les femmes sont représentées comme fortes et égales à l’homme. Toutes savent ce qu’elles veulent, comme la petite amie de lycée de Bob Zellner. Interprétée par Lucy Hale,  elle a en tête son avenir tout tracé. Elle n’hésite pas à se rebeller contre l’homme qu’elle aime, pour lui faire ouvrir les yeux sur ce qu’elle pense être son destin : celui d’une vie paisible, dans une belle maison, à la tête d’une entreprise, sans entrave et sans ennui. 

Bien qu’évoquée furtivement et peu trop présente dans le film, Rosa Park (Sharonne Lanier) fait quelques apparitions. Refusant de laisser sa place à une personne blanche dans un bus, elle est très vite devenue une des figures emblématiques des femmes noires. Bob Zellner, admire cette femme par sa façon de vouloir faire bouger les choses et son audace. De Rosa Park, il fera la connaissance de Virginia Durr (Julia Ormond). Une femme aimante, prête à tout pour venir en aide, non pas seulement à la communauté noire, mais à toutes ces personnes victimes de discriminations comme Derek Ang (Ludi Lin) d’origine asiatique. Dans ces visages, se dessine celui de Joanne, l’intellectuelle. Une rencontre qui va bouleverser le militant. 

L’intellectuelle 

Pour la première fois, celui vu comme l’homme de la réussite a trouvé plus ingénieux que lui, une femme et d’autant plus noire. Joanne (Lex Scott Davis) parle 5 langues et a voyagé dans les quatre coins du monde. À ses côtés il grandit, il apprend, il devient un Homme. Quatre femmes aux profils différents, mais qui sont liées par leurs passions, leurs persévérances et leurs devoirs de résister pour donner vie à leurs aspirations. 

Par le biais de ces personnages, se décèle dans “Un fils du Sud“, trois visions : celles des Freedoms Riders, les militants qui réclament leur liberté par la force, mais sans violence, celles des Klu Klu Kan, qui veulent abolir la race noire et puis celles des personnages centraux qui s’entremêlent et affichent peu à peu leur appartenance dans cette belligérance.

Un scénario qui tend à brandir que ce duel entre racistes et cosmopolites qui existe depuis des siècles n’est pas près de s’arrêter. D’ailleurs, Derek Ang, bien que blanc, mais les yeux bridés a peur pour son avenir et sait qu’il sera lui aussi confronté à ces regards désobligeants. 

Un film de mémoire, de prise de conscience, d’éclairage sur la société actuelle toujours encline dans une distinction de couleur.