Jonas Bloquet : l’acteur qui disparaît derrière ses personnages

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Crédit Photo : Guillaume Plas

En vacances quelque part en France ou dans le monde, c’est donc par téléphone que se déroulera mon interview avec le comédien Jonas Bloquet. Et avoir Jonas Bloquet par téléphone, c’est se laisser bercer par sa voix douce et suave. Son intonation est basse, comme s’il racontait une histoire à un enfant avant de s’endormir. Pour PressEyes, c’est lui le héros. Il livre ainsi son parcours : de ses débuts dans “Elève Libre” en 2008, à son dernier film actuellement au cinéma : “La Nonne 2”. Rencontre.

C’est dans “Elève Libre” de Joachim Fosse, que l’on se laissera transpercer pour la première fois par les yeux bleus de Jonas Bloquet. Du haut de ses 15 ans, il incarne Jonas, qui après un énième échec scolaire, il pense pouvoir tout miser sur le tennis. Mais là encore, le jeune garçon vit une déception : il échoue aux portes de la sélection nationale. Jonas décide de quitter l’école publique, pour suivre des cours avec Pierre (Jonathan Zaccaï), un ami de sa mère, qui touché par l’adolescent, le prend sous son aile. Mais cette relation sans limite, va devenir une éducation sexuelle.

 
 
 
 
 
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Pour son premier film, Jonas Bloquet décroche un rôle complexe, dans une oeuvre où l’ouverture d’esprit est de rigueur. Les scènes se veulent osées et parfois même provocantes. L’adolescent qui n’avait jamais envisagé de devenir acteur, vient avec ce long-métrage de marquer les esprits et de s’ouvrir une porte dans le monde du cinéma et de la télévision. “J’ai fait ce casting après un match de tennis. Dans mon club, ma mère a trouvé une annonce, cherchant un jeune joueur de tennis, ce qui était mon cas. Je n’étais pas vraiment emballé par l’idée, mais c’est ma mère qui m’a poussé à le faire.” On ne le dit pas assez, mais il est toujours important de suivre les conseils de sa maman.

Le petit prince du cinéma

Ce premier tournage, Jonas Bloquet le vit comme des vacances. D’ailleurs, il se souvient bien de cette jouissance de pouvoir “rater deux mois d’école“, sans compter le fait qu’il était “chouchouté comme un petit prince“. Une vie de rêve quand on n’a que 15 ans. En cet instant, le comédien en devenir ne se pose pas vraiment la question s’il en fera son métier. Il se laisse porter par tous ces bons moments : “Je voyais que du kiff, avec une table de régie toujours fournie avec des gaufres, et je trouvais ça génial.

Mais ces pauses gourmandes n’étaient pas les seules choses motivantes pour Jonas Bloquet… L’adolescent aimait surtout jouer. “J’étais très décontracté. Je n’avais pas cette pression de me dire que j’allais devenir un grand comédien. J’étais juste devant la caméra et ça m’amusait de rentrer dans un rôle.

 
 
 
 
 
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Une aisance qu’il aurait en lui depuis tout petit, puisque Jonas Bloquet ne loupait jamais une occasion pour faire le show devant ses parents ou sa famille. “Je pense que ça a toujours été ancré en moi. Mais ce n’était jamais devenu une réalité…” Jusqu’à ce jour fatidique, où on lui refusera un rôle.

La prise de conscience

Après “Elève Libre”, Jonas Bloquet décide de passer d’autres castings et de rencontrer un agent. Le monde du cinéma lui est finalement inconnu. Jonas Bloquet reste naïf quant à la réalité de cet univers qui peut s’avérer féroce. Le jeune garçon qu’il était, s’imaginait pouvoir passer de rôle en rôle sans que rien ne puisse lui faire barrage.

Malheureusement, il déchantera vite avec un premier non. “Je suis allé jusqu’en finale et j’ai rencontré Thierry Lhermitte. J’étais persuadé que j’allais être pris. Pendant 4/5 mois, j’ai été très triste et j’ai compris que ce serait un milieu compliqué.” Une période morose, ou de bad mood, comme le diraient les jeunes d’aujourd’hui, qui lui fera prendre conscience qu’il ne peut se passer de jouer la comédie. Il prend alors sa valise, quitte son pays natal, la Belgique, pour rejoindre Paris et faire une école de théâtre.

La consécration

Jonas Bloquet travaille d’arrache-pied pour s’imposer dans ce milieu si fermé, où les places sont chères. Mais cinq ans après “Elève Libre”, le voilà de retour sur le devant de la scène en enchaînant les projets comme “Malavita” (2013), “3 days to Kill” (2014) de Luc Besson, “ELLE” de Paul Verhoeven (2016), en passant par “La Nonne” (2018) de Gary Dauberman, “Tirailleurs” (2022) de Mathieu Vadepied ou encore la série télévisée “Germinal” (2021) de David Hourrègue.

Une chance, ou tout simplement son talent, le mène à enchaîner les réalisations, mais surtout à se faire diriger dès le début de sa carrière par les plus grands du cinéma international et de la télévision. Une aubaine pour le comédien, lui permettant désormais de mieux appréhender chacune des propositions avec des castings 5 étoiles. “J’ai rapidement joué avec des acteurs réputés : Isabelle Huppert, Omar Sy ; Kevin Costner… ça forge quelque chose et je n’ai plus ce sentiment de  starification, d’admiration. Bien évidemment j’admire beaucoup de comédiens et de réalisateurs, mais je n’aurais pas cette sensation de me sentir en infériorité ou ce sentiment d’imposture.”  Et dans les acteurs qu’il admire le plus, on peut citer James Dean.

La férocité du jeu 

Je l’aime beaucoup. Le mec est quand même devenu une légende avec seulement trois films. J’aime beaucoup son jeu et sa décomplexion. J’aime son côté très animal, hyper habité dans son corps. Il n’avait pas peur d’aller très loin dans les émotions et moi ça me parle. Je trouve que le jeu d’aujourd’hui est très manichéen, parfois même un peu froid, très concentré et c’est un peu dommage.”

Pourtant, dans cette description du jeu de James Dean, on retrouve un peu de Jonas Bloquet. Dans chacun de ses films, le comédien n’est pas là pour être sublimé (sauf quand il le faut), mais là pour montrer la réalité. Et pour ça, il n’a pas peur de faire ressurgir ses émotions les plus profondes, les plus sombres parfois. Jonas Bloquet n’est plus, il laisse place à son personnage pour lui donner vie.

Par exemple dans ‘Germinal’, le personnage Antoine Chaval est un personnage difficile à aimer de par ses actions. Mais à interpréter c’est assez génial. C’est que de l’instinct, il n’y a aucune réflexion, ou d’arrière-pensée, il n’y a pas de double jeu avec un personnage comme ça. C’est ce qui nous permet de rentrer à fond dans quelque chose d’assez viscéral, d’instinctif, de primaire, d’animal et j’aime bien. Ça amène le corps, ce sont des personnages que j’aime bien interpréter, des personnages physiques, plus que cérébraux.

 
 
 
 
 
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L’acteur a ce naturel de s’imprégner de chacun de ces hommes qu’il interprète, pour des rôles toujours maîtrisés avec grande justesse. Et pour cela, il me révèle la clé de cette authenticité : “Je fais assez confiance à ma propre animosité, à ma propre violence et à mes propres terreurs aussi et je pense que ça fonctionne assez bien.” Ces personnages sont comme une “seconde nature” pour l’acteur qui refuse de se laisser cantonner à un seul et même genre de rôle. Jonas Bloquet aime se défier et jouer des hommes loin de son image et de ce qu’il peut véhiculer.

Composer

Le personnage que j’ai eu de plus compliqué à interpréter est le lieutenant Chambreaux dans ‘Tirailleurs’.” Un rôle de composition, où le spectateur voit l’état psychologique de ce soldat se déchoir. Tiraillé par la guerre, l’homme à la fois autoritaire et bienveillant, devient peu à peu l’ombre de lui-même, sombrant dans la folie à la poursuite de l’ennemie. “C’était assez difficile de bien comprendre le personnage, de comprendre le réalisateur. On n’était pas vraiment sur la même longueur d’onde et j’ai souffert“, lance-il tout en rigolant.

Se challenger, se surpasser, un trait de caractère ancré en Jonas Bloquet depuis bien longtemps. Un comédien audacieux, qui ne s’est pas laissé effrayer par le genre de l’horreur en jouant dans “La Nonne”. Un véritable partie prix, qu’il relève encore une fois avec brio. Jonas Bloquet a évité toutes caricatures de l’épouvante, émanant, angoisse, anxiété et terreur. 

Ce talent vient de sa faculté à entrer totalement dans un rôle, sans avoir peur de se donner à 100%. “Il faut faire confiance au réalisateur et ne pas se poser de questions. Quand on joue la peur, on doit la jouer à fond. Il ne faut pas penser à la réaction des spectateurs sinon on réfléchit trop et ça en devient superficiel. Je pense qu’il faut essayer de réagir en fonction de soi et se demander comment on réagirait dans une situation entourée de nones ensanglantées, avec des draps, dans une abbaye, en Roumanie. Moi ça me filerait la trouille, donc je me suis dit que j’allais le jouer comme ça, sans trop me questionner.

Ainsi, Jonas Bloquet aime nous faire peur, nous faire pleurer, se faire détester… Et ce qu’il aime aussi, ce n’est pas seulement raconter les histoires des autres, mais raconter ses propres histoires en enfilant la casquette de réalisateur.

Après sa troisième année d’école de théâtre, Jonas Bloquet a envie de plus. Le jeune homme s’ennuie de se contenter d’interpréter. Il veut imaginer ses personnages, écrire leurs histoires et les réaliser : “Jouer et réaliser, je ne trouve pas que ce soit deux métiers différents. Ça se jumelle parfaitement. Tout comédien devrait avoir des notions de réalisation et tout réalisateur devrait avoir des notions de comédien.

 
 
 
 
 
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Réaliser est l’une de ses facettes qui lui tient à cœur. En effet, si James Dean se voulait être un acteur éternel, Jonas Bloquet n’a pas vraiment cette même philosophie du comédien. “Je m’en fous un peu d’être éternel ou pas. Je préfère marquer les gens avec les films que j’ai réalisés, pas forcément avec les personnages que j’ai interprétés. Pour moi être un bon acteur, c’est s’effacer derrière ses personnages. Et si on ne me reconnait pas dans la rue, c’est que j’ai bien travaillé.

S’effacer, s’oublier avec maestria derrière ses personnages, il n’y a aucun doute, Jonas Bloquet à ça en lui et a su le prouver dans chacun de ses rôles. Un acteur d’une grande prouesse qui n’a pas fini de continuer à nous happer, mais aussi et malgré lui, à marquer les esprits pour devenir un éternel du 7e art.