Et si on brisait le tabou du vaginisme ?

Si le plaisir féminin se démocratise, certains troubles sexuels restent une source de honte pour les femmes qui en souffrent. Le vaginisme, caractérisé par des contractions involontaires des muscles du périnée, rend la pénétration douloureuse voire impossible. Peu de chiffres existent. Pourtant, il est plus fréquent que l’on ne l’imagine.

Le vaginisme ? Vous n’en avez sûrement jamais entendu parler. Peut-être une fois, dans l’épisode final de la saison 2 de Sex Education sur Netflix. Le personnage de Lily n’a qu’une seule obsession : perdre sa virginité. Lorsque la jeune fille s’apprête à franchir le cap avec sa petite amie, un cri de douleur interrompt leur moment d’intimité si attendu. “Ce n’est pas toi, c’est moi. Je souffre de vaginisme”, confie honteusement l’adolescente. Pour elle, la pénétration relève de l’impossible. Ses muscles pelviens se contractent involontairement à chaque tentative. “Mon vagin est comme une plante carnivore.”

Se sentir différente, mal-formée, incomprise, voilà un sentiment que partage Margot*, âgée de 21 ans. “J’ai vécu ma première expérience avec un garçon qui n’en avait rien à faire de moi. J’ai ressenti les pires douleurs de ma vie, et j’ai peur de les éprouver à nouveau.” Depuis cet événement, cinq ans se sont écoulés. Plusieurs hommes ont partagé sa vie, jamais son lit. La peur et la honte de ne pas vouloir être pénétrée l’empêchent de passer à l’acte. Pire encore ; la jeune femme s’engouffre dans le silence. Personne n’est au courant. Ni ses amis, ni sa gynécologue. Margot se retrouve seule, face à elle-même et son traumatisme.

“Je n’osais pas lui dire. J’essayais d’éviter d’avoir un rapport avec lui.”

Le secret pèse lourd. Surtout depuis sa nouvelle relation avec un homme avec qui elle se sent, pourtant, en pleine confiance. Au début, elle “n’osait pas lui dire et évitait d’avoir un rapport avec lui”. Pour son partenaire, les questionnements fusent. Alors, les masques tombent. Margot passe aux aveux. Le couple pense d’abord à une malformation. Après avoir fouillé Internet, ils établissent un diagnostic : le vaginisme. “Grâce à cette relation, je me suis rendue compte pourquoi il était impossible pour nous d’avoir des rapports sexuels normaux.” Dans l’imaginaire collectif, la pénétration finalise l’acte. Elle serait essentiel à l’épanouissement sexuel. Mille façons permettent pourtant de “se donner du plaisir autrement”. En couple depuis un an et demi, Margot et son conjoint mènent une quête éternelle aux nouvelles sensations. “Et tout se passe bien”, affirme la jeune femme. L’amour leur suffit. Du moins, c’est ce qu’elle espère.

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La voix de la guérison

Elle l’a vécu et l’a vaincu. Mame Badiane, coach pour femmes et thérapeute, s’est spécialisée dans la guérison du vaginisme. Une orientation professionnelle qui ne relève pas du hasard. Pendant 27 ans, la jeune femme a préservé sa virginité. Jamais elle n’avait imaginé une telle déception le soir de sa nuit de noce. “J’avais l’impression que mon vagin était un mur”, se rappelle la coach, en tapant son poing contre la paume de sa main. Plusieurs tentatives, en vain. Les maux la pesaient. Les mots lui manquaient. Consultations après consultations, aucun médecin n’a su expliquer cette incapacité à être pénétrée. Puis elle a découvert le vaginisme. “Ce trouble se présente sous plusieurs formes. Mon cas est un vaginisme primaire. On s’en rend compte dès le premier rapport”, éclaire Mame. Il en existe d’autres, notamment le vaginisme secondaire. Celui-ci intervient après un événement, comme un accident,un divorce, un accouchement ou un licenciement. Et ce, même après avoir vécu une vie sexuelle épanouie. La sexothérapeute prévient : “Toutes les femmes peuvent en développer un. Personne n’est à l’abri.”

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Pour la coach, il n’y a pas de doute. Quelle que soit la forme de son vaginisme, il ne faut pas “chercher à fuir la douleur”, mais plutôt “l’accueillir et essayer de la comprendre”. Même si ce trouble sexuel s’exprime par un blocage physique, il cache un aspect psychologique “qu’il est bon de déterminer”. Plusieurs causes peuvent alors être à l’origine. D’abord, la non-méconnaissance de son corps. “Beaucoup de femmes ont une vision complètement erronée de leurs parties intimes. Elles se limitent à la partie externe de leur vagin, qu’elles représentent par un simple point noir”, confie Mame.

D’autres ont grandi avec une éducation stricte, dans laquelle la sexualité est rarement – voire jamais – abordée. Le culte de la virginité pèse alors un véritable poids sur l’hymen. “Dans certaines familles, on considère l’acte sexuel comme mal, voire sale. Alors, les femmes n’y arrivent pas. Pour d’autres, ce trouble se justifie par un traumatisme sexuel, tel qu’un viol, des attouchements ou de l’harcèlement.

Et les hommes alors ?

Mame, sexothérapeute, ne démord pas. “L’homme est un allié pour la femme”. Mieux encore, cette dernière le considère comme “la clef de la guérison”. Après être venue en aide à une centaine de femmes, le constat est sans appel : leurs partenaires sont, pour la plupart, “très patients et à l’écoute”. Comme Gabriel*, 23 ans. En deux ans et demi de relation, il n’est jamais parvenu à pénétrer son amie, effrayée à l’idée d’avoir mal. “J’étais amoureux. Cela ne me dérangeait pas d’attendre.”

Même son de cloche pour Antoine*, étudiant en cinéma. “Un doigt était déjà trop douloureux, regrette-il. Lorsqu’elle se crispait, je ne ressentais plus l’envie de pénétration. Cela a engendré un cercle vicieux.” Peu à peu, l’excitation s’est émancipée. Le désir aussi. À ses yeux, accorder autant d’importance à ce geste, “agréable mais pas sacré”, a participé à ce blocage physique. L’aurait-il empiré ? Cette relation, aujourd’hui terminée, semble lui avoir laissé quelques séquelles, ressenties lors de ses derniers rapports. Le fait “d’avoir oublié la sensation” lui aurait “fait perdre de
l’assurance
”. Cette situation n’a rien d’anodin pour Mame Badiane. Au contraire. “La patience d’un homme révèle souvent un trouble sexuel de son côté.”

Ce qui est sûr pour la coach, “la sexualité ne doit pas être une corvée” et ces troubles “ne sont ni une fatalité, ni une maladie”. D’ailleurs, la clef de la guérison se trouve à la portée de tous ; l’amour de soi. “C’est une valeur importante sur le chemin du développement personnel”, insiste-elle. “Apprendre à s’aimer, c’est se libérer de ses conditionnements, lâcher ses peurs, écouter son corps et rester en cohérence avec ses valeurs et ses désirs.”

*Afin de préserver leur anonymat, leurs prénoms ont été modifiés.