Liberté de la presse en Turquie, le combat des journalistes

Le Monde et Reporter sans frontières se mobilisent en faveur de la liberté de la presse en Turquie. Plus d’une centaine de journalistes sont actuellement en prison sans inculpation formelle et parfois dans de mauvaises conditions.

Source photo : La Croix

 Au total, ils seraient 166 journalistes emprisonnés en Turquie selon les dernières estimations. «  Cela fait de la Turquie la plus grande prison pour les journalistes, et ce nombre a décuplé depuis la tentative de coup d’Etat d’il y un an », explique Pierre Haski, nouveau président de Reporter sans frontières (RSF).

Pierre Haski (source photo mouv.fr)

Les conditions de détention de certains de ces journalistes, dont la plupart ont plus de 70 ans comme Sahin Alpay, Nazli LLIcak, sont très mauvaises : régime d’isolement, une heure de visite par semaine, entretiens avec les avocats filmés et en présence de gardiens… Les peines sont très élevées, dix années de prison et plus voir même la réclusion à vie.

Une liberté qui ne s’arrange pas et qui diminue d’année en année… «  Des dizaines de journaux, radios et télévisions sont aujourd’hui fermés, 150 journalistes sont connus comme ayant fui à l’étranger dont par exemple le rédacteur en chef du grand quotidien Cumhuriyet, qui vit aujourd’hui en Allemagne. Sa femme est restée en Turquie, on lui a retiré son passeport pour qu’elle ne puisse pas revoir son mari.

Un retour en arrière

« 750 journalistes ont perdu leur carte de presse, ils ne peuvent donc plus travailler. Il y a une régression phénoménale de la liberté de la presse dans ce pays » confie Pierre Haski.

C’est en faveur de tous ces journalistes privé de leur métier, de leur passion d’écrire, de filmer, de parler que le Monde et reporter sans frontière ont pris la décision de s’associer pour lancer un appel pour lutter contre cette répression et redonner la liberté de la presse à la Turquie. Un an après le coup d’Etat manqué du 15 juillet 2016 qui avait vu une mobilisation sans précédent de la société civile pour s’opposer aux putschistes, le pouvoir du président Recep Tayyip Erdogan s’est enfermé dans une spirale répressive et paranoïaque en menant de gigantesques purges touchant tous les pans de la société.

Coup d’Etat Turquie 2016 ( Source photo radio-canada)

Privé le pays de la presse c’est donc le faire reculer. Un pays qui avait pourtant montré qu’il aspirait à la démocratie, avec une presse libre et indépendant qui est la base de toute démocratie !

 

Libérer les journalistes

Le Monde et RSF appellent donc les autorités turques à libérer dix hommes et dix femmes, ainsi que tous les journalistes détenus sans preuve d’une implication individuelle dans la commission d’un crime.

Ils demandent aussi l’arrêt des poursuites pour motif politiques, notamment celles visant Eril Onderoglu, représentant de RSF en Turquie depuis 1996, membre du conseil de l’International Freedom of Expresson Exchange (IFEX) et du collaborateur régulier de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), a qui il est reproché d’avoir pris part à une campagne de solidarité en faveur du journal prokurde Ozgür Gündem, suspendu en aout 2016.

Pierre Haksi dénonce non seulement la menace de la liberté de la presse en Turquie mais souligne le fait qu’aujourd’hui elle est présente partout et même en France. Un phénomène qui s’engendre dû au « fake new » qui est dangereux pour le métier. Car les gens se posent des questions sur les informations données par les journalistes. Ce qui demande un plus grand contrôle des autorités envers les journalistes qui sont alors privés de leurs mots. “Et puis, il y en a une autre, qui est claire et qu’on voit également, qui est la précarisation du métier de journaliste, la crise économique que traverse une bonne partie de la presse dans les pays industriels, parce qu’il y a un changement de modèle, un changement d’époque, une concentration accrue des médias en quelques mains, et, tout ça, ce sont des phénomènes qu’il faut analyser ; il ne s’agit pas de tout mettre dans le même sac, mais en tout cas de comprendre que la liberté de l’information n’est pas simplement menacée par des dictateurs avides de pouvoir, mais qu’ elles peuvent être de plusieurs formes“, conclut Pierre Haski pour RTBF.BE 

Mathilde Dandeu