Le Calendrier : l’horreur d’un bonheur individuel

Le Calendrier, Patrick Ridremont, Eugénie Derouand, PressEyes, Mathilde Dandeu

"Le Calendrier" réalisé par Patrick Ridremont avec Eugénie Derouand (Alba Films)

En salle le 23 décembre, “Le Calendrier” réalisé par Patrick Ridremont est un subtil mélange entre le film de genre et l’horreur sociale.

Eva paraplégique, se voit offrir par sa meilleure amie un calendrier de l’Avent le jour de son anniversaire. Un calendrier allemand avec des règles assez strictes, à l’image d’une Allemagne en guerre. La personne qui en est détentrice, doit si elle ne veut pas mourir, se soumettre à ses règles et manger tous les chocolats. Au fil des jours, la découverte d’une nouvelle gourmandise s’endurcit. Jusqu’à cette case meurtrière, où le calendrier la confrontera à la mort.  

Du rêve au cauchemar

Dès le départ, cette “chasse” aux chocolats est assez troublante. Les messages, les gourmandises correspondent à un bout de vie d’Eva :  Le chocolat préféré de son père atteint d’Alzheimer, une citation de Jésus incitant tous les paraplégiques à remarcher. Eva le voit comme le génie d’Aladin, qui réalise ses plus grands souhaits. Mais très vite,  ces moments de bonheur vont devenir une porte vers l’enfer.

Le calendrier est bien plus qu’un simple objet maléfique. Il devient le personnage central. Dénué de parole, il est pourtant l’élément communicateur entre Eva, les autres personnages et le téléspectateur. Par le biais de ses ordres, il rythme le film, contraignant Eva à prendre les bonnes décisions et implique le spectateur au cœur de ses menaces, en l’invitant dans son univers.

Le souffle coupé

Au début de l’intrigue, le calendrier de l’Avent fait du public le premier témoin de ses terreurs, avant même qu’Eva ne puisse réagir ou ne soit au courant. Chaque scène devient un véritable suspense du sort donné par l’objet macabre, mais aussi de la réaction de la jeune femme face à ce qu’elle va découvrir. Au cours de l’histoire, elle perd pied et ne fait plus qu’un avec le calendrier. Un moment crucial, qui fait basculer les rôles : le public devient le témoin secondaire, dans l’attente de connaître le verdict.

Des moments suspendus où la crainte est à son comble. Des silences dénués de musique, qui pourtant est dans les films d’horreur habituellement omniprésente, permettant d’induire une certaine pression. Le Calendrier, porté par Eugénie Derouand, arrive seule, accompagnée du calendrier à insuffler de la peur. L’objet la désoriente, emplie de doutes, elle les transmet au téléspectateur qui flanche en même temps qu’elle. Les chocolats la font-elle halluciner ? Est-ce la réalité ? Ou tout n’est que le fruit de son imagination…

Eva la mystérieuse

Le Calendrier est d’une grande noirceur qui va au-delà de l’horreur. La pénombre des images font écho à la personnalité d’Eva : une jeune femme sombre et mystérieuse.  Les seules touches de couleurs sont ces lueurs orangées qui flottent autour d’elle, telles les flammes de l’enfer ou celle d’une revanche ardente sur la vie.

On ne connait pas grand-chose d’Eva. Elle refuse de parler de son accident et garde en elle ce lourd secret, donnant ainsi de l’ampleur à cette attente tout au long du long-métrage. Réalisé par Patrick Ridremont, il ne reprend pas les codes du film du genre classique. Eva ne vit pas dans un vieux manoir au fond de la campagne, c’est le manoir, représenté par le calendrier de l’Avent qui vit chez elle. Une demeure hantée dont les personnages sont sous son emprise, tout comme Eva devient dépendante du calendrier.

L’individualisme

Ce long métrage va au-delà de l’horreur. Patrick Ridremont apporte un nouveau regard sur le handicap. Eva n’est pas réduite à se lamenter, mais à vivre un nouveau traumatisme. Une expérience qu’elle seule peut avoir la force de surmonter suite à son accident. Rien ne peut-être pire que devenir infirme du jour au lendemain…

Grâce à Eugénie Derouand, on ne voit pas une paraplégique, mais une femme. Le handicap est omniprésent dans son quotidien de part cette chaise roulante, ses propres réflexions envers elle-même ou encore le regard que certaines personnes peuvent lui porter. Mais comme tout le monde, elle rêve d’une histoire d’amour, elle travaille et se rend même à la piscine.

Le film mène à une véritable réflexion sur la condition humaine, ses ambitions, ses propres envies. Une société individualiste, renforcée par le personnage de Janis Abrikh, forçant Eva à ne penser qu’à son propre bonheur. On peut donc voir le film comme une quête au sacrifice pour assouvir ses propres envies, mais à quel prix ?