Anaïs Volpé : la réalisatrice qui veut changer les codes

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Crédit photo : Aurélie Lamachère

Comme toutes réalisatrices, Anaïs Volpé souhaite continuer à raconter des histoires le plus longtemps possible. Des histoires qui la touchent, la font avancer et peut-être même qui feront bouger les choses que ce soit au cœur de la société ou celui du cinéma. Rencontre.

Jury au Champs-Elysées Film Festival 2022, Anaïs Volpé, qui ce soir-là a peur d’être trop maquillée, m’a accordé un peu de son temps. Bien évidemment, je pends un petit instant pour la rassurer : son maquillage est parfait et souligne à merveille ses beaux yeux bleus. Elle s’installe. Eblouie par le soleil couchant, elle s’excuse de mettre ses lunettes de soleil.

Raconter des histoires

Si aujourd’hui elle parcourt les plus grands festivals et qu’elle est l’une des réalisatrices les plus reconnues par ses pairs, son souhait premier n’était pas vraiment de faire partie de ce milieu. Toutefois, elle me confie qu’elle a conscience que c’est un “passage logique pour pouvoir faire des films.” Mais ce qu’elle veut, c’est réaliser et surtout raconter des histoires. “Au début j’étais principalement comédienne de théâtre. Un jour, je suis tombée sur une affiche pour un festival qui permettait d’apprendre à réaliser ses propres films.

C’était en 2012, une année ou tout va basculer pour Anais Volpé qui va s’éprendre pour la réalisation. “Je me suis découverte une passion pour le montage. A partir de ce moment-là, j’ai demandé à des amis de me prêter des caméras.” Elle commence par faire des petits films de deux à trois minutes, puis des films de 20 minutes avant de proposer des chefs d’œuvre comme “Heis” ou encore “Entre les vagues”. Et si la réalisation était ancrée en elle depuis toujours ?

L’impatience

Je n’ai pas eu l’occasion de faire une école“, m’a-t-elle expliqué. Une fois le bac en poche, Anais Volpé veut s’envoler de ses propres ailes. Faire une école n’est pas vraiment dans son tempérament. Autodidacte, elle observe, analyse, pour ensuite s’entrainer, pratiquer, tenter, essayer, échouer, recommencer : “Il faut savoir sentir sa méthodologie. Certains ont besoin d’un cadre et d’apprendre dans une école. Je ne faisais pas partie de ces gens. Apprendre seule est une méthode qui me convenait et c’était un choix.” Un procédé qui lui réussit, puisque sa première réalisation “Lettre à ma sœur” va être rachetée par France 3.

A l’époque, il était distribué par un label qui s’appelle label héroïne et effectivement, c’est parti de cette boite de production qui a vendu plusieurs films à France télévisions dont le mien.” S’en suit “Heis”, qu’elle réalise à seulement 25 ans et s’impose ainsi en tant que réalisatrice. Son cinéma est reconnu, chose pas vraiment simple dans un milieu si fermé, surtout quand on est une femme.

Mais rien ne freine Anaïs Volpé, elle veut faire du cinéma et va raconter ses histoires :  peu importe si elle doit se battre. Elle a cette force en elle, qui la pousse à continuer à écrire, réaliser et montrer ce qu’elle vaut : “J’avais l’impression que si je ne réalisais par ‘Heis’, je ne pourrais pas passer à une étape suivante dans ma propre vie et c’est comme ça pour chacune de mes réalisations. Il faut que j’en ai besoin pour moi, pour me réparer à un certain moment.”

Pour « Heis », les difficultés sont grandes, mais son envie est immense, elle doit le faire, elle n’a pas le choix : “C’était une nécessité, j’avais envie de faire ça parce que je savais que j’allais déprimer. Quand c’est trop fort comme ça, l’envie quelles que soient les difficultés, je crois que l’on s’en donne les moyens.

Si elle tient tête à ce cinéma parfois trop “masculin”, elle admet tout de même qu’il a évolué mais “pas assez“.

Où sont les jeunes ?

La parité n’existe pas et j’ose à espérer que naturellement dans les années à venir ça se fera.”  Bien que la question d’égalité entre homme et femme lui est importante, une autre problématique lui tient à cœur à “résoudre” celle d’une diversité plus fluide dans le cinéma : “On ne parle pas assez des jeunes dans ce milieu, qui sont trop peu.” Anais Volpé se désole de voir que se sont toujours les mêmes noms qui apparaissent et à qui on donne la chance : “Les jeunes réalisateurs et réalisatrices, sont presque inexistants dans les grands festivals et ne sont pas considérés au même titre que les réalisateurs très établis et je trouve ça dommage.

Comme pour l’histoire des hommes et des femmes, elle ne veut pas que ce soit un mouvement qui en remplace un autre, mais que les deux mouvements puissent apprendre à vivre ensemble, cohabiter ensemble, briller ensemble et avoir du succès ensemble. Un travail collectif, qui doit se faire main dans la main.

Réalisatrice, Anaïs Volpé est aussi actrice. Une autre facette qu’elle prend avec un peu plus de légèreté.

La comédienne

Interpréter un personnage c’est pour moi la partir fun de ce métier.” Si elle a un peu mis sa carrière de comédienne de côté, pour se consacrer principalement à la réalisation, Anais Volpé prend beaucoup de plaisir à jouer lorsqu’elle en a l’occasion. “Je le fais avec beaucoup de passion, beaucoup de cœur. Je suis animée par ça et je le fais avec beaucoup de sérieux tout en étant détendue.” Incarner un personnage ne la stresse pas, bien au contraire, c’est sa petite cours de récréation entre la direction de ses propres films. “Le métier de réalisatrice est tellement plus stressant que de jouer“, me confie-t-elle.

En tant que scénariste et créatrice, ce qu’elle aime c’est de pouvoir donner naissance à une idée. En tant que réalisatrice, ce qui l’anime, c’est la suite logique : “Pour l’instant je réalise des scénarios que j’ai écrit. C’est génial de pouvoir mettre en scène une idée que j’ai eu il y a un an, deux ans.” Sur le plateau de tournage, elle est excitée à l’idée de diriger des acteurs et des actrices, qui ont chacun leurs propres rôle à tenir et qui vont devoir donner le meilleur d’eux même pour répondre à son histoire. Une histoire qu’ils vont s’approprier jusqu’à ce qu’elle devienne également la leur : “Je trouve ça fabuleux de me dire qu’avec une troupe tout entière on va fabriquer quelque chose qui va être vu en France par beaucoup de gens ou même à l’international. Il y a quelque chose de très excitant de diriger un peu tout le monde à tous les postes.

Mais pour qu’il y ait un film, il faut qu’il y ait une idée…

L’intime

Elle en est persuadée, avec le temps ça changera… une évolution qu’elle constate déjà dans ses films. Mais pour le moment, ce qu’elle écrit sont des choses très personnelles qu’elle raconte dans une fiction très loin d’elle : “Ce ne sont pas des idées qui sortent de nulle part. J’ai un besoin absolu de parler d’un sujet parce qu’il est important à ce moment-là dans ma vie et de le partager avec des gens qui semblent vivre des choses similaires.” Elle est là son inspiration, celle qui sort de ses tripes d’un quotidien qui l’entoure.  La réalisatrice n’a pas peur de le dire, mais il lui arrive que les mots ne viennent pas : “Parfois, c’est un peu le vide, mais j’essaie de ne pas stresser. Ça va, ça vient, c’est comme tout et c’est ce qui fait la vie.

Des scénarios qui se veulent pour le moment dramatiques, dont elle réussit à prendre du recul par rapport à sa vie personnelle : “Je les mets dans une fiction qui est suffisamment loin de moi.” Des films où le drame prime, mais dans lesquels elle cherche à montrer des zones de lumières : “J’aime montrer ce qui ne va pas, mais je veux en tirer le beau et/ou le drôle. Car même si tout n’est pas toujours rose, il y a toujours une source de bonheur ou en tout cas une morale à en retenir.” A l’avenir, elle aimerait se tourner vers la comédie, d’ailleurs, l’un de ses projets en sera une : “Je ne sais pas si ça sera mon prochain film, car je ne sais pas lequel va se développer le plus vite, mais en tout cas il y en a un qui est basé sur l’humour.” Il ne reste plus qu’à patienter, avant de pouvoir dévorer une nouvelle œuvre d’Anaïs Volpé.

Une réalisatrice à suivre de près, qui par son engouement réussira à proposer le cinéma que tout le monde attend : celui d’une diversité plus grande ou tout le monde y trouve sa place.