Atanaz : son voyage introspectif de la musique

David Laplace, Atanaz, AK Communication, portrait, Mathilde Dandeu, PressEyes

Atanaz - Crédit Photo David Laplace

Atanaz a grandi à Paris, bercé par la musique, il partira à New York pour la comprendre. Pour l’artiste, rapper, composer n’est pas suffisant pour se sentir ancré dans l’art musical. Il a besoin de la découvrir en profondeur : de son aspect artistique à celle plus technique et nous ouvrir ainsi les portes de son univers. 

Atanaz, se rappelle des premières notes de musiques qu’il a écoutées avec son père, un grand fan de Jazz, de musique classique, américaine, “ou encore (sa) soeur qui écoutait beaucoup de reggae“. Le gamin qu’il était le sait, il sera musicien, rappeur… qu’importe, mais la musique le fera vivre. Depuis, elle l’accompagne tous les jours, il la voit comme “la BO de notre vie“: “Elle est partout avec nous : dans les moments de joies, dans les fêtes, dans les décès, dans la tristesse…“. Et sa musique c’est ce qu’elle représente : l’humain face à ses différents états d’âme, face aux épreuves de la vie. “Chaque morceau est comme une synthèse, avec des questions dans lesquelles on trouve une réponse et puis une fois que c’est fait, c’est classé, c’est rangé dans un tiroir, on passe à autre chose. C’est des moments de vie, des périodes et puis c’est …“, le rappeur marque une pause, dubitatif, il n’ose pas la comparer à une « psychanalyse », car « c’est trop fort et trop poussé »,  mais il avoue à demi-mot que « c’est un petit peu ça. »

Comprendre d’où vient le rap 

Un projet musical qui démarre d’abord, par des études de droit. Atanaz n’envisage pas seulement d’être un artiste, il veut créer son propre “empire musical“, mais pour ça, il faut en connaître les droits, le business. En parallèle, il décide de partir à New York qu’il décrit comme “le berceau du rap“ : “C’était important pour moi de partir là-bas pour en comprendre ses origines et sa culture. En France, notre culture du rap est très prononcée, mais la source, ça reste les États-Unis.“ Sur place, Atanaz fait une introspection du rap, de sa nature artistique, à celle de sa gestion technique et commerciale. Il prend le temps d’observer comment les artistes travaillent, comme ils s’organisent, comment ils gèrent leur entreprise artistique . “J’ai rencontré pas mal de producteurs, des indépendants qui avaient leur structure, et surtout qui produisaient leur musique. Ils réussissaient à créer très rapidement un système économique en gérant vraiment tout : de la création à la distribution à la création d’évènements aux  concerts et au merchandisingue.“  Une fois les bases en tête, le rappeur revient sur sa terre natale et co-fonde son propre label DMG. “C’est là que j’ai commencé les choses sérieusement.

Vivre : du contact à l’isolement 

En 2014, il sort son premier EP : “Flight 282“, suivi d’“Aporie“ en 2016, de “Perception“ en 2019 et enfin sa dernière création “Vivre“, sortie le 10 décembre dernier. Sans grande surprise, c’est sur Vivre que nous nous sommes attardés. 

Un EP qui s’est fait main dans la main, avec ses compositeurs, ses musiciens et  ses beatmaker : “On l’a fait soit dans les locaux du label où on était tous présents : on discutait  – de là une première boucle d’instru partait, on modifiait, moi j’écrivais à côté, on enregistrait… on l’a vraiment fait tous ensemble. On est parti en séminaire plusieurs jours pour faire des morceaux. C’est vraiment un travail de groupe, ou chacun a participé à chaque étape de la création.“ Puis, vient le moment fatal : le Covid-19. Comme des milliers de Français, Atanaz se retrouve confiné. Une situation compliquée, mais qui ne décourage pas l’artiste qui continue à faire grandir “Vivre“. Les regroupements se transforment en réunion sur Zoom. Atanaz prend le temps de se remettre en question, pour aller puiser au plus profond de lui ce qu’il a envie de révéler à son public. Il s’inspire de sa vie : ses relations amoureuses, ses combats, ses luttes… 

Une oeuvre romanesque et cinématographique 

“Vivre“ n’est pas un EP comme les autres, il faut l’écouter dès son premier titre du même nom, qui est la base de toute son histoire. Il est une première étape à ce voyage, et nous prépare à l’atterrissage, en réunissant tous les thèmes des autres morceaux qui composent l’EP, jusqu’au dernier, intitulé Ailleurs. Atanaz peut alors se délivrer de tous ses maux, pour avancer et pourquoi ne pas commencer une nouvelle vie ailleurs… Un raisonnement qui plaît au rappeur et acquiesce avec beaucoup d’enthousiasme «  C’est exactement ça » :  “On part sur Vivre avec beaucoup de questions, on sent qu’il y a un poids que je laisse derrière moi. Au fur et à mesure du projet, on répond à ces différents questionnements pour justement arriver sur une note beaucoup plus positive qui est Ailleurs, une réponse au morceau Et Si…

Pour comprendre Atanaz, il est vivement conseillé d’écouter l’EP dans l’ordre, tout comme on lit les chapitres d’un roman. Un résultat que le rappeur explique par ce confinement presque indéfini dans le temps, qu’il lui a offert cette possibilité de créer dans la durée, tout comme l’écriture d’un livre, voire d’un scénario pour le cinéma. 

Une musique indivisible des mots 

Lorsque vous écoutez les titres un à un, il est impossible de ne pas remarquer la cohérence entre les instruments, et les paroles. La musique fusionne avec les mots, tout comme elle peut être indissociable des images au cinéma. Atanaz s’en réjouit, car oui, sa musique est faite sur mesure : “Il n’y avait pas un compositeur qui travaillait d’un côté et qui m’envoyait une prod pour que je puisse écrire après. On allait ensemble au studio pour créer chaque morceau.“  

Comme les acteurs qui s’adonnent à leur rôle pour apporter une véritable authenticité à leurs personnages, Atanaz n’a pas voulu tricher et laisse transparaître ses émotions du moment : “Une fois que le morceau était terminé, on y touchait plus. On aurait pu enlever certaines imperfections, lisser des choses, revoir du texte, mais on n’a pas voulu. On voulait garder l’émotion de l’instant présent qui en est ressorti ce jour-là, pour être le plus honnête possible.“ Vivre, met en scène une partie de sa vie, que le musicien a envie de défendre en concert. 

Se retrouver 

C’est très important de partir à la rencontre des gens, à la réalité. Le digital c’est très bien, mais à part faire des clips, ça garde une distance. C’est important de rencontrer les gens, son public, de prendre des critiques qu’elles soient positives ou négatives, car la musique c’est du partage.

Cette notion du partage est d’ailleurs un critère que l’on retrouve souvent chez Atanaz : une musique qu’il a découvert grâce à son père qui lui a transmis cet amour, une musique qu’il a appris à connaître grâce au savoir des personnes qu’il a rencontrées aux États-Unis. Le rappeur a lui aussi eu envie de livrer sa conception de la musique au plus grand nombre. En plein confinement, il créer OVF sur Twitch qu’il a co-animé avec Yannick Chris. 

Une expérience riche humainement 

Le concept est simple, chaque nuit a droit à son propre son. Ainsi, en 6h les artistes ont la mission de composer un morceau, écrire les paroles, enregistrer le titre, le mixer et tourner un clip. Tout un processus, que les fans et les amoureux de l’univers musical ont pu suivre en direct : « Il y avait ce côté où on partageait notre musique et on partageait avec les gens, car ils étaient vraiment dans le processus de création de A à Z ». 

Grâce au tchat, le public peut interagir avec les artistes, soumettre des idées pour que les musiciens puissent rebondir dessus et créer des morceaux inédits. Quand Atanaz parle de ce projet, on sent une certaine fierté d’avoir pu faire vivre cette expérience à ses fans et/ou amateurs de musique. “Ce qui était intéressant, c’est que les gens qui sont intéressés par la musique, ils ne savent pas vraiment comment elle se crée. Les artistes marchent beaucoup à la rencontre, c’est rare qu’il y ait du partage. Il y a toujours ce truc ou chacun essaie de garder ses techniques. Justement, nous c’était de montrer ce que l’on utilisait comme logiciel, comment on faisait pour créer, comment on mixait, les instruments que les beatmaker utilisaient. Avoir accès à ces coulisses de la musique en tant que jeune compositeur,  ça te forme et ça te fait gagner du temps.

Il insiste aussi sur le fait que c’était une opportunité de pouvoir mélanger les genres musicaux, découvrir encore une fois les influences des autres et avoue même que c’est ce qu’il a préféré : “On a eu pas mal d’artistes de différentes époques et divers milieux : des très jeunes, des plus vieux, des journalistes… On pouvait avoir des gens inconnus qui venait pour faire des feat avec  Mahyem ou Cinco.. tout le monde a joué le jeu.“  Une émission qui révèle en même temps l’une des qualités du rappeur qui est sa générosité. 

Atanaz n’est pas un simple rappeur qui compose dans son coin et cherche à atteindre le plus de personnes possible pour sa propre visibilité. Non, il a créé une véritable identité, celle d’un univers musical qui prône la transmission et l’humain avant tout. 

Une discussion qui prend fin avec ces jolis mots d’Atanaz : “La musique c’est ce qui nous fait vivre“, alors continuons, nous en tant que public, à soutenir les artistes, pour qu’elle vive encore longtemps pour s’évader un peu de ce monde parfois fou.