Baya Rehaz : fervente d’une société libre et contemporaine

Baya Rehaz, Tandem, En famille

Crédit Photo : Sabrina Ghames

Alors que la saison 5 de “Tandem“ vient de prendre fin, Baya Rehaz est de nouveau sur le plateau de tournage pour la saison 6. Réalisatrice, elle prépare également une session de tournage pour la série “En famille“, diffusée sur M6. Sans oublier tous ses projets en cours d’écriture. Rencontre avec une actrice, une réalisatrice, une scénariste qui n’a pas peur d’être sur tous les fronts.

On devait se rencontrer, mais nous avons terminé par nous appeler. En pleine préparation pour ses prochains projets, la réalisatrice, scénariste et actrice Baya Rehaz ne s’arrête plus. Une chance pour la comédienne, qui a su très tôt que raconter des histoires par le biais de personnages serait son métier. “C’était lors d’un atelier théâtre qui avait lieu dans mon école primaire.“, s’est-elle souvenue.

Le cinéma : une passion personnelle

C’est au CM2 que cette passion pour le jeu éclot, lors d’un atelier de théâtre obligatoire, tous les après-midis du dernier trimestre. La fin d’année sonne, mais avant de quitter l’école primaire pour s’envoler dans la cour des grands, les élèves font une représentation sur “Les sept femmes de barbe bleu“. “J’ai eu le rôle principal de cet atelier, parce qu’ils ont vu que j’aimais ça et ils ont estimé que je pouvais le tenir et j’ai adoré.“ Un moment exceptionnel pour la petite fille qu’était Baya Rehaz. Depuis, les planches ne l’ont plus quittée.

Une âme d’artiste qu’elle tient de sa famille, avec une mère qui a toujours rêvé d’être chanteuse et deux oncles qui eux, ont réussi à se faire une place dans l’industrie de la musique. Mais elle tient à insister : “La passion du cinéma, elle est venue par moi-même.“ Baya Rehaz aime “pouvoir occuper mille et une vies“ et s’échapper à son quotidien, quand les périodes se font plus difficiles. “ En tant qu’humain on est lié à notre finitude, à notre mortalité. Jouer permet d’explorer plein d’autres choses, plein de familles, plein d’amis, d’autres personnes à aimer, plein de sentiments, plein d’émotions, de traverser des choses que l’on ne traverserait jamais dans notre vie.“

Interpréter un personnage c’est aussi pour l’actrice faire passer un message, avoir un impact sur la vie des gens, les faire réfléchir, qu’ils puissent s’identifier, se rassurer… Un métier libérateur, mais qui peut nous ramener à une certaine réalité à la fois douce et amère. En effet, le milieu du cinéma n’est pas toujours évident, les rôles peuvent se faire plus rares et l’attente plus longue. Mais hors de question pour Baya Rehaz de rester assise à attendre que le téléphone sonne. Elle décide de prendre sa plume, une page blanche et d’écrire ses propres histoires.

Une plume pour de belles histoires

Depuis que je suis petite, je fais des mises en scène avec mes frères et soeurs, mais je ne m’en suis souvenue que récemment. C’est ma soeur qui m’a dit : ‘ tu faisais toujours des mises en scène à la maison’ et j’adorais ça.“ Le cinéma est donc ancré en Baya Rehaz depuis toujours, comme si son destin était déjà tout tracé au cœur du 7e art. La scénariste se met à écrire des petits sketches, des morceaux de répliques et réalise son premier programme intitulé Paris un jour de… : “C’est là que j’ai confronté pour la première fois mon écriture à l’image tout simplement“. C’est un succès, le public est au rendez-vous et les professionnels y voient un véritable talent. “J’ai été primé en festival, il y a eu beaucoup de vues, les productions s’intéressaient à moi et les portes se sont plus ou moins ouvertes.“ Un tel engouement, qui pousse Baya Rehaz à écrire de plus en plus et même venir en aide à d’autres scénaristes.

Parfois, elle s’écrit des rôles, parfois elle dirige seulement derrière la caméra. Dans ces cas, jouer ne lui manque pas forcément, bien qu’il lui soit impossible d’arrêter d’interpréter. “L’actrice Zendaya dit : You can have it all ( tu peux tout avoir) elle multiplie tout. On pense que l’on doit choisir, parce qu’on nous a mis ça dans la tête. Je n’ai pas envie de choisir. J’ai envie de tout faire et le mieux possible.“

Sa vision, ses univers

Écrire, c’est aussi pour Baya Rehaz pouvoir défendre ses propres idées, ses propres combats. “Je décide de ce que vont faire mes personnages, où ils vont aller, comment ils vont interagir, ce que j’ai envie de leur faire dire, ce que j’ai envie de défendre, mes points de vue, mes questionnements, mes doutes, mes angoisses en tant qu’être humain, et eux mes vecteurs. Mais très vite, ils prennent le pas sur moi et une fois que je les connais bien, c’est eux qui me guident.“ Baya Rehaz s’inspire de sa vie, de celle de ses proches, de la société, pour qu’il y ait une résonance universelle. “ En réalité se sont les sujets qui nous choisissent. Sans savoir pourquoi, une thématique, une histoire devient plus forte qu’une autre et c’est celle-là que nous avons envie de défendre.“ Comme pour sa mini-série Baby Clash, disponible sur sa chaîne YouTube.

 
 
 
 
 
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À travers ces cinq épisodes, la réalisatrice avait envie de mettre en lumière ces jeunes couples qui sont poussés dans un précipice auquel ils ne sont pas prêts. Maman de deux enfants, ce sujet est venu la chercher, alors qu’elle venait d’avoir sa première fille avec le comédien Amaury De Crayencour : “Elle avait cinq mois, et faisait la sieste chez mes parents. Je suis restais à côté d’elle à réfléchir, et je me suis dit, waouh, on vient de traverser une espèce de tsunami. C’est-à-dire que l’arrivée d’un premier enfant, c’est un énorme bouleversement, nous en tant que femme on se prend un camion. C’est un changement dans l’énergie, dans l’esprit et le couple, c’est très dur, parce qu’on est très fatigués.“ Mais au fur et à mesure de ses pensées, elle est rassurée de voir qu’ils s’en sont bien sortis. “Une tempête“ à laquelle leur couple a survécu haut la main. “Je me suis fait cette réflexion : nous, on était prêts, on était assez matures, on savait que l’on voulait un enfant, on l’avait préparé et on avait beaucoup communiqué et échangé autour de ça et je me suis dit : ‘ que vit-on quand l’enfant arrive trop vite et que le couple n’est pas prêt ?’ Je me suis renseignée dessus et je suis tombée sur le babyclash. Il s’avère que c’est la crise que traversent les parents lors de la naissance de leur premier enfant, et qui conduit à une séparation. C’est-à-dire qu’il y a un point de non-retour pour eux.“ Ce qui a donné naissance à la réalisation de Baby Clash.

Baby Clash : Entre poésie et déchirure

Ce mini programme raconte l’histoire de Thomas (Mickaël Lumière) et de Mina ( Yasmina Talibi). Après une soirée, ils décident de coucher ensemble. Mais cette histoire d’un soir devient une véritable histoire d’amour, ils tombent fou amoureux et quelques mois plus tard, ils deviennent parents. Réalisé en huis clos, chaque détail compte, de la décoration aux couleurs, qui sont le reflet de l’évolution des personnages. En effet, dans le premier épisode, les téléspectateurs sont face à une chambre d’étudiant ou le bazar règne. Mais petit à petit, cet espace évolue en même temps que le couple, jusqu’à devenir un petit studio pour accueillir leur bébé. “ J’ai travaillé avec Quentin Guiot, mon chef déco et accessoiriste. Il a fait un travail extraordinaire à une vitesse épatante. On a tourné dans des conditions restrictives, en peu de temps et en huis clos dans mon appartement. Et même les gens qui connaissent mon appartement, ne l’ont pas reconnu à l’écran. Je voulais travailler sur le temps qui passe et pour ça, il fait que ce soit impactant, notamment visuellement. On a travaillé sur la lumière à l’étalonnage pour qu’elle devienne de plus en plus grise, que les plantes fanent au fur et à mesure. C’est une chambre qui d’un petit studio d’amoureux devient une maison, un appartement familial et qui s’encombre de plus en plus, comme eux sont encombrés par leur vie.

Au départ, on voit un couple heureux, qui semble prêt pour ce premier enfant, dont l’annonce de la grossesse est faite avec beaucoup de poésie. On y voit Thomas prendre un rouge à lèvres et dessine sur le visage de la future maman le signe positif. Mais très vite, la réalité les rattrape. Lui est encore ancré dans sa jeunesse, quand elle rêve d’un véritable foyer pour son fils. “C’est passionnel, toutes les émotions sont décuplées, c’est génial et boom il y a la réalité de la vie, du quotidien qui va leur tomber dessus et qui leur demande une logistique assez impressionnante. L’amour il est fort, mais ne suffit pas à faire tenir un couple dans notre société actuelle où il faut assurer sur tous les fronts. La pression est telle, que beaucoup de couples se perdent“ Si cette mini-série met en avant la grossesse, elle peut parler à tous les jeunes.

Le danger des réseaux sociaux

En effet, Baya Rehaz interpelle sur cette pression que la société et les réseaux sociaux peuvent parfois infliger sur cette précipitation : avoir un bon boulot, une vie bien rangée, se marier et avoir des enfants avant 30 ans. “ Les réseaux sociaux ont malheureusement beaucoup d’effets néfastes et on le sait. Le conseil que je peux donner, c’est d’éviter de suivre des profils que nous jalousons, parce qu’ils cochent des cases gold, de la vie : le couple, le bébé, le travail, l’appartement, le premier achat et nous ça nous met une pression. Il faut essayer de se débarrasser de cette pression même si c’est dur et se déconnecter le plus souvent possible.“

Heureusement, il existe des personnes qui veulent vivre avec leur temps, donner à cette société parfois coincée dans une époque patriarcale, un vent de fraîcheur. Une liberté que Baya Rehaz prône dans le rôle d’Inès dans la série “Tandem“, diffusée sur France 3.

“Tandem“ : une série moderne

La série Tandem, essaie d’avoir des personnages féminins assez forts, qui véhiculent des messages un peu féministes. Elle donne le pouvoir aux femmes et moi je suis très fière d’avoir apporté ça sur le personnage d’Inès. Elle est vraiment une fille de son temps, qui est débarrassée des normes et de toutes pressions sociales.

 
 
 
 
 
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Inès fréquente un homme, Paul, mais elle lui fait bien comprendre que même s’ils couchent ensemble, cela ne veut pas dire qu’ils sont en couple. La comédienne félicite, la série d’avoir apporté ce regard à travers une femme et non un homme, qui sont parfois plus sujet à vouloir rester libres plus longtemps. À travers Inès, Baya Rehaz offre à ces femmes indépendantes la possibilité de mieux s’identifier, de se sentir comprises et se rassurer. “Pourquoi les mecs seraient des Don Juan et les filles, des filles faciles quand c’est le cas. C’est toujours ce même questionnement. “ Inès est un personnage important pour la représentation féminine à l’écran, tout comme “Miss“, le film de Ruben Alves, dans lequel elle y joue Miss Saint Pierre et Miquelon.

“Miss“ : un film réalisé avec intelligence et vigilance

Baya Rehaz, qui partage l’affiche du film “Miss“ de Ruben Alves, tient à m’expliquer l’histoire des Miss originaires de Saint-Pierre-et-Miquelon : “J’ai beaucoup aimé le rôle, que j’ai dû composer, tout en le ramenant vers moi. Il faut savoir que sur l’île de St-Pierre-et-Miquelon, une fois sur trois, il n’y a pas de Miss parce qu’il n’y a pas assez de candidates.“  Pour Baya Rehaz, cette Miss doit vivre cette aventure comme un conte de fée, comme un rêve où règne la douceur : “Elle voit le positif partout, elle est très optimiste, contente de tout et ne voit le mal nulle part.“ Un personnage que la comédienne affectionne par sa bienveillance et son grand cœur. Une générosité qu’elle a su retrouver dans la manière d’être dirigée par le réalisateur :  “ Il a été d’une grande vigilance sur tout ce qu’il filmait et s’interrogeait sur la moindre réplique, le moindre personnage.

 
 
 
 
 
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Baya Rehaz n’a pas hésité à féliciter le travail de Ruben Alves, qu’elle désigne de “cage dorée.“ “C’est tellement onirique, ses univers sont à chaque fois comme des contes.“ Pour l’actrice, il est bien plus qu’un simple réalisateur, mais “un créateur d’univers“. L’histoire de “Miss“, aurait pu devenir too much, mais il n’en est rien. Grâce à son professionnalisme, Ruben Alves a réussi à apporter à cette comédie un côté drôle, sensible et dramatique. “On se sert de la comédie, pour essayer d’amener des questionnements qui sont très profonds dans la société dans laquelle on vit. Ce sont des sujets importants, hyper forts sur le genre, la transidentité, sur le fait de pouvoir exploiter sa part de féminité et de masculinité comme on le souhaite, que l’on soit assigné au sexe féminin ou masculin.

Baya Rehaz est une actrice, une réalisatrice, une scénariste qui va au-delà de sa plume, de son jeu. Elle prend le temps de comprendre les êtres humains, les observer et analyser leurs relations. Grâce à ses œuvres, elle nous permettra peut-être de trouver des réponses à nos questions.

Pour écouter la conversation dans son intégralité, le podcast Les Rencontres de PressEyes, avec Baya Rehaz est disponible sur Spotify et Apple Podcast :