Blandine Bellavoir : son implication extrême auprès de ses personnages

Blandine Bellavoir, TF1, Une affaire française, Mathilde Dandeu, PressEyes

Crédit Photo : Charlotte Szczepaniak

De flic à maman, à femme indépendante, voire libre, Blandine Bellavoir est un véritable caméléon télévisuel. Elle se glisse dans la peau de personnages totalement différents pour relater une histoire, mais aussi apporter une certaine prise de conscience sur des sujets essentiels à notre société. Rencontre avec une actrice qui n’a pas peur de prendre des risques.  

Blandine Bellavoir ne sait pas vraiment à quel moment elle a su qu’elle voulait devenir comédienne. Mais ce sont des rencontres qui l’ont mené à faire ses premiers pas sur scène, puis devant la caméra. Il y a tout d’abord cet instituteur de CE2, qu’elle qualifie de “formidable” et de “ceux qui marquent votre enfance et votre scolarité“, qui lui a permis de découvrir l’art du théâtre : “Il était un peu en marge du système scolaire dans le sens ou sa pédagogie était très différente. Il nous faisait faire de la méditation, des salutations au soleil le matin quand on était assis à notre bureau. Etant breton, il nous faisait faire de la danse bretonne, du chant… on faisait plein de spectacles et donc du théâtre. On adaptait des contes et légendes de Bretagne. Mon premier rôle c’était la reine des Korrigans : Les Korrigans c’est les petits lutins malins qui peuvent être bien lunés ou pas, que l’on peut croiser dans les landes bretonnes la nuit, un peu comme les petits lutins verts irlandais, sauf que eux ils sont rouges.” 

 

 
 
 
 
 
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Après une longue pose théâtrale, c’est en cinquième qu’elle reprendra à nouveau cet atelier, avec un autre professeur lui aussi “formidable” : “Il écrivait les spectacles pour 30 comédiens et c’était chouette.” Un enseignant qui prend le temps d’amener ses élèves au théâtre, offrant à Blandine Bellavoir l’occasion de découvrir de véritables spectacles professionnels : “Je viens d’un milieu plutôt populaire. Mon père était facteur, ma mère travaillait dans un hôpital, mes grands-parents du côté de ma maman avaient une exploitation de vaches laitières et du côté de mon papa, mon grand-père travaillait sur les chantiers navals de Saint-Nazaire. On est sur un petit grand écart avec ce milieu. Je n’allais pas trop au théâtre, ce n’était pas une habitude que l’on avait dans ma famille.

Une destinée toute tracée 

Blandine Bellavoir continue son chemin. Bien qu’elle soit aussi passionnée par l’architecture, la vie la ramène toujours dans le milieu de l’acting. Petit à petit, elle passera des planches au cinéma, puis à la télévision. La comédienne assure que c’est des occasions qui se sont offertes à elle, comme si son destin était tracé : “J’étais au conservatoire de Nantes et un jour un copain m’appelle et me dit : ‘il y a un casting, ils cherchent une petite brune,  je suis sûr que c’est pour toi. J’y suis allée, j’ai passé le casting et c’était pour un premier long métrage, d’Alice Isserman et j’ai donné la réplique à Bruno Salomone, Alexandra Lamy, j’ai croisé Claudia Cardinale , Isabelle Gélinas, un casting de fou, de super comédiens et ça se tournait en Bretagne, en Guérande, c’était à domicile et j’avais vraiment l’impression que ce métier venait me chercher.” C’est à 21 ans qu’elle décidera de quitter sa Bretagne pour venir s’installer à Paris. Sur place, elle intègre un conservatoire et monte une compagnie avec des amis, avant de poser ses bagages quelques mois en Biélorussie à Minsk. 

L’impact du corps 

J’ai appris tellement de choses en si peu de temps“, s’exprime avec enthousiasme Blandine Bellavoir. La comédienne se laisse porter par une toute nouvelle approche du jeu et de l’importance du corps, qui est pour elle un déclic. “Dans leur apprentissage, tout passe par le corps et après on met des mots. C’est le corps qui vous amène vers les mots. En France, c’est totalement différent on intellectualise tout et après on prend conscience qu’effectivement on a un corps.” Bien qu’elle l’ait travaillé avec plus de profondeur à Minsk, ce rapport au corps n’est pas vraiment nouveau pour Blandine Bellavoir :  “J’ai fait un peu de Del Arte qui est très corporel. Pour mon premier spectacle dans ce genre j’étais très maquillée, j’avais des postures importantes, des costumes qui prennent beaucoup de place. Je faisais la jeune première donc elle est fardée de blanc tout en étant haute en couleur. On pourrait la comparer à une geisha.” Cette vision du jeu et du corps est devenue plus que nécessaire pour Blandine Bellavoir, qui a compris qu’il était un vecteur de message : “Une fois que vous avez à le faire pour des personnages, vous apprenez à lire les gens.” L’actrice, conseille même le théâtre pour tous : “Ça vous apprend à placer votre voix, à avoir un peu plus confiance en vous, à comprendre ce que votre corps dégage, et ça apprend à mieux regarder les autres, à vivre avec les autres, on devrait tous en faire un petit peu.” Vous avez compris ce qu’il vous reste à faire  ! 

 

 
 
 
 
 
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Si elle porte le théâtre dans son coeur, Blandine Bellavoir c’est aussi de nombreux rôles au cinéma et à la télévision. Une comédienne qui a cette chance de s’exprimer dans des genres totalement différents : comédie, drame, en passant par les séries policières. Quand on lui demande dans quel genre elle se sent mieux, il est pour elle difficile de choisir. 

Une télévision évolutive 

“Je dirais que chaque genre amène quelque chose, un défi différent, plus on peut varier, mieux c’est. C’est comme quand on était enfant et que l’on jouait dans la cour de récréation, on a envie de jouer tous les personnages, on n’a pas envie de jouer que la maman, on veut jouer le policier (rire).” Blandine Bellavoir porte un regard positif concernant la télévision et surtout vis-à-vis des femmes comédiennes. Selon ses propos, le petit écran donne une belle visibilité aux actrices en leur accordant la possibilité de jouer des personnages variés et importants : “On est pas là pour servir la soupe. Et puis ça se démocratise tellement avec l’arrivée des plateformes,  ça a beaucoup changé la façon de faire de la télévision, notamment en développant l’envie d’avoir des choses plus qualitatives, parce qu’ils veulent suivre et que la concurrence est forte. Du coup, ça fait que l’on a de plus en plus de projets qui sont intéressants.

Des programmes de qualités, mais aussi des risques que prennent aujourd’hui les chaînes. Blandine Bellavoir fait référence à la série Plan B avec Julie De Bona, qui amène le téléspectateur dans un univers mêlant science-fiction et fantastique : “Il y a cinq ans, on n’aurait pas imaginé voir ça. Je trouve que ces deux dernières années et avec la pandémie, j’ai l’impression que les imaginations sont parties dans tous les sens, et les chaînes attrapent les propositions.” Elle n’omet pas de parler des séries d’époques qui reviennent sur le devant de la scène, comme Le Bazar de la charité sur TF1 ou encore La garçonne, sur France 2, qu’elle voit comme une chance : “On a tellement de choses à raconter, les films de capes et d’épées, c’est nos westerns un peu à nous. Il ne faut pas avoir honte de notre histoire, car c’est notre force, c’est notre authenticité. À l’heure de la mondialisation, il serait temps de la mettre en valeur.

Le fil de la discussion nous mène à parler des propres projets de Blandine Bellavoir qui est en ce moment même dans la série Une affaire française, sur TF1. Une série qui a chamboulé sa vie tant professionnelle que personnelle. 

S’approprier des émotions

Blandine Bellavoir est arrivée sur le projet à ses prémices. “Je connaissais très bien Christophe Lamotte, avec qui j’avais tourné il y a quelques années, ‘Insoupçonnable’ avec Emmanuelle Seigner et Melvil Poupaud. On s’est extrêmement bien entendu. C’est un réalisateur qui est très intelligent, très élégant. Il a une intelligence du coeur et de bienveillance dont j’ai envie de m’entourer maintenant quand je travaille, et parce que j’ai compris avec Christine Villemin, avec ce personnage, que ce métier n’était pas si commun. » En évoquant cette phrase, Blandine Bellavoir, se questionne : “Qu’est-ce que vraiment la norme ?“, en avouant qu’elle avait peut-être bien le syndrome de l’imposteur : “Je n’ai pas grandi à Paris, ce n’était pas attendu que je sois là et j’ai toujours eu l’impression que les gens de cette ville et de mon métier allaient me renvoyer dans mes pénates, ‘elle s’est égarée la petite fermière, il faut qu’elle rentre’. Dans ma famille c’était l’inverse, quand je rentrais et que je parlais avec mon grand-père, qui est une autre génération :  Il a fait la guerre d’Algérie, il a été à l’école jusqu’à 13 ans, il est allé à l’usine très vite… c’est toute une histoire qui est tellement loin de la notre, donc quand je rentrais et que je lui racontais ce que je faisais, il ne comprenait pas vraiment et on m’appelait la Parisienne et ça me blesse parce que je me dis : ‘non je n’ ai pas changé, c’est un métier tout à fait normal’.” C’est Christine Villemin, qui lui a bien fait comprendre que non, ce n’est peut-être pas un métier commun. 

Notre outil de travail c’est notre corps, notre voix et puis surtout les émotions par lesquelles on est traversé.  Même si ce n’est pas les nôtres, il n’empêche que les sourires que l’on fait, les larmes qui coulent sur notre visage créent un sillon, supplémentaire, ils accroissent déjà un sillon qui est peut-être présent dans ma vie. Ça marque sur notre corps et notre âme et laisse une empreinte sur la personne que l’on est.” Des états d’âme que l’actrice n’a pas vraiment choisi, mais qu’elle met au service d’une histoire, se laissant parfois chambouler tout comme pour interpréter Christine Villemin qui n’est pas un simple personnage, puisque cette femme a existé. Comédienne, mais aussi engagée, féministe et humaniste, elle s’est sentie proche de cette femme qui a été attaquée par la presse parce que justement c’était une femme : “Comme on l’est toutes, on est un peu la chasse aux sorcières. J’ai l’impression que ça ne s’arrêtera jamais, et je l’ai ressenti vraiment en interprétant ce personnage.

Se protéger 

Désormais heureuse d’avoir pu faire partie de cette histoire, Blandine Bellavoir a tout de même pris pour la première fois de sa carrière un temps de réflexion avant d’accepter le rôle : “Les histoires sordides, les faits divers, on en fait beaucoup et ça marche très très bien, parce que c’est fascinant de voir que l’homme est capable du pire, mais ce n’est pas le genre de projet que je regarde beaucoup. J’aime y participer parce que tout à coup il y a un rôle, qui est plus original qu’un autre, quelque chose que je n’ai pas fait. Il y a toujours de l’humanité même à jouer la pire des raclures et si il n’y a pas d’humanité, on ne peut pas jouer correctement son personnage donc il faut la trouver, et je trouve que c’est un défi excitant.

Mais pour interpréter Christine Villemin, son inconscient l’a mise en garde avant de dire oui, comme pour se protéger des éventuelles répercussions que cette histoire pouvait avoir : “C’était un rôle où j’apprenais de nouvelles choses. J’étais en train de devenir maman. Pour moi c’est un long procès de devenir maman, ce n’est pas on accouche et on le devient. L’instinct maternel c’est un mythe, pour moi il n’existe pas, il a été fabriqué de toute pièce.” Désormais, elle sait qu’elle a eu raison d’avoir dit oui. Un rôle qu’elle n’est pas près d’oublier et qui lui donne cette impression d’avoir grandi. Elle s’est vue propulsée encore plus dans sa maternité : “Devenir parent c’est fou et interpréter ce personnage en même temps que je devenais maman, c’est incroyable, c’est un cadeau de la vie des rencontres comme ça.

Une rencontre fictive, puisque Blandine Bellavoir n’a pas souhaité rencontrer Christine Villemin. 

Un renouveau de l’enquête

Pour être au plus proche de cette femme, elle a fait un long travail de recherches et s’est imprégnée des vidéos et des images qu’elle trouvait : “J’avais envie de comprendre et j’avais envie de prendre des éléments clés de ce personnage et d’être au plus proche de sa vérité. Cette vérité, c’est moi qui l’interprète, quand on me demande : comment vous avez fait pour être le plus juste possible. Je cherche surtout d’être proche de ce que j’ai ressenti dans la compréhension, dans la lecture d’un personnage à travers la lecture des archives de l’INA que j’ai trouvée sur internet, à travers le documentaire Netflix qui est très bien fait.

 

 
 
 
 
 
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Au fil du tournage, Blandine Bellavoir prend conscience à quel point cette affaire est compliquée, et qu’elle ne la connaissait pas vraiment. Puis, elle souligne le fait qu’elle a fait évoluer la façon d’enquêter et a changé la place du journaliste :  “La série est  très chorale dans la manière de raconter l’histoire. Il y a des points de vue des journalistes, de l’intérieur et un renouveau de ce que c’était ce métier.” C’est aussi une rivalité entre la gendarmerie et la police qui va se creuser et desservir l’affaire sur de nombreux points. Des problèmes de procédures, qui ont finalement été utiles pour acquérir de nouvelles lois, par exemple le fait de ne plus pouvoir donner un interrogatoire à un mineur sans qu’il soit accompagné. Pour la comédienne , “il y a eu un avant et un après pour la société française grâce à cette affaire Villemin et je trouve que l’écriture de la série rend ça et montre la violence dont l’humain peut être capable, tout en étant très factuel.”

Pas de pause 

Une affaire française est une histoire éprouvante, qui a valu de longues nuits d’insomnie à Blandine Bellavoir. Heureusement, elle a pu compter sur le soutien de son partenaire de jeu Guillaume Gouix, qui comme elle ne dormait plus : “Il y a quelque chose d’évident qui s’est passé. C’est un comédien très bienveillant. C’est un partenaire de jeu très chouette qui est très entier et accessible, comme je le suis, peut-être parce qu’il vient de Marseille et qu’il y a un truc populaire chez lui, et une volonté d’être au service du personnage et de s’amuser.” S’amuser, des moments indispensables pour les comédiens lors de ce tournage. Un soulagement pour Blandine Bellavoir, dont son personnage ne lui a donné aucun moment de répit. “C’est très rare dans les films, même dans le pire des drames, le personnage se repose, réfléchit, et là il n’y en avait aucun parce que c’est très dense, il fallait tout raconter.” Un tournage qui n’a pas été de tout repos tant sur le plan émotionnel que physique. Bien que bousculée par cette histoire, ce rôle, la comédienne peut être aujourd’hui fière de ce qu’elle a accompli. On pourrait même dire de ce défi qu’a été de se glisser dans la peau d’une femme meurtrie par la disparition de son fils et par la justice qui l’a pointée du doigt. Blandine Bellavoir offre une interprétation poignante, tout en restant dans la pudeur et l’authenticité. Après ce long échange autour d’Une affaire Française, la conversation prend peu à peu fin avec cette comédienne que l’on sent captivée par beaucoup de sujets et d’angles que chacun d’eux peut apporter. 

Avant de se quitter, Blandine Bellavoir, fait part de ses futurs projets avec un documentaire pour Wajda film, sur la dépression post-partum. Un sujet qu’il lui tient à coeur et qu’elle a co-écrit avec Jeanne Bournaud : “Elle réalise et moi je mène l’enquête en mon nom.” À partir de mi-octobre, l’actrice se rendra à Marseille pour tourner le film J’en veux pas  de Caroline et Eric Du Pontet. Un film  sur le non désir de la maternité avec un personnage haut en couleur. Blandine Bellavoir y incarnera une architecte, qui vient d’acheter une maison pour faire des gîtes avec son compagnon. Comme la société l’impose, après l’achat d’un bien, se pose la question du bébé. Une pression que la jeune femme ne veut pas subir et va trouver le courage, d’exprimer son non-désir de maternité  en se l’exprimant d’abord à elle-même, puis aux autres qu’elle ne veut pas d’enfant. 

À travers ses projets, ses rôles, on peut souligner que Blandine Bellavoir a ce devoir de divertir, mais surtout elle va au-delà puisque chacun de ses personnages ont une morale et sont un modèle d’apprentissage. Et nous terminerons ce portrait avec cette belle phrase d’une actrice aussi passionnée que passionnante : “C’est très important que les projets passent par la télévision parce que l’on touche plus de gens. C’est aussi pour ça que la télévision est un outil d’éducation très noble.