Jean-Baptiste Shelmerdine : Un comédien structuré pour libérer la folie de ses personnages

Jean-Baptiste Shelmerdine, Matthieu Dorthomb, La Famille et le potager, Marie Anne Chazel, Régis Laspalès, Mathilde Dandeu, PressEyes

Jean-Baptiste Shelmerdine ( Crédit Photo : Matthieu Dorthomb)

Rendez-vous à l’hôtel Saint Roch à Paris,  pour y rejoindre Jean-Baptiste Shelmerdine. On le connaît en tant que voisin très relou dans “Nos chers voisins“, en tant que réceptionniste très chelou (et coincé) dans “Halal Police d’État“, ou encore fils à maman dans la pièce de théâtre “La famille et le Potager“. Des personnages quelque peu loufoques et pourtant très éloignés de la véritable personnalité du comédien. Heureusement non ? Dans une longue conversation avec le comédien, nous avons pu revenir sur son parcours, son amour pour ces personnages dénués de sens et la préparation de son EP. 

Qu’est-ce qui a bien pu donner l’envie à Jean-Baptiste Shelmerdine de devenir comédien ? Assis sur le canapé bleu de la chambre de l’hôtel, il m’avoue dire toujours la même réponse. “Mais je suis en train de réfléchir si c’est vraiment ça“, me lance-t-il en rigolant. Un petit temps de réflexion qui laisse planer le silence : “J’ai l’impression d’être chez le psy“. Puis, il s’allonge à moitié comme une véritable séance thérapeutique. 

Réflexion faite,  c’est donc au primaire que cette envie de devenir comédien lui a pris, après une blague au téléphone avec ses camarades. “Pour cette blague, je faisais un personnage. Et je me rends compte que j’ai toujours aimé faire des voix, des personnages. J’ai toujours aimé, alors ne pas mentir et être mythomane, mais jouer la comédie.“ Il y a aussi “La cage aux folles“, qui a été pour lui un déclic : “J’ai tellement ri, et là, je me suis dit : ‘ce n’est pas possible que quelqu’un en face me donne quelque chose de tellement jouissif dans le rire’. Comme j’aimais rire et faire rire, il y a eu à ce moment-là une porte qui s’est ouverte sur ce que je voulais faire de ma vie.“ 

Pourtant, ce n’est pas une obsession pour Jean-Baptiste Shelmerdine, qui ne se voue pas au départ à devenir acteur. Une vocation qui ne va donc pas le suivre, mais le rattraper. 

S’entraîner, travailler 

Son père qui a débuté une carrière de comédien avertit son fils, que c’est une profession compliquée, avec de longs mois d’ attente. Un avertissement qui ne fait pas peur à Jean-Baptiste Shelmerdine qui veut être un artiste : “Je me suis accroché. Je pense qu’il faut avoir un peu de talent et je dis ça sans prétention. Mais j’ai quand même un peu de lucidité, je sais que je peux faire des personnages, ils ne sont peut-être pas tous bons, mais il faut avoir un peu de talent, le goût du travail et la patience.“  Et c’est sans aucun doute, que Jean-Baptiste Shelmerdine, qui pour le moment s’est illustré dans des comédies comiques, à cette capacité à faire rire, grâce à sa bonne mesure du rythme : “Oui c’est vrai, il y a un rythme, mais comme dans la vie, lorsque tu lances une vanne, il faut qu’elle soit pile bien placée, au bon niveau sonore. C’est beaucoup plus compliqué que le drame où tu commences… (Il imite une personne se mettant à pleurer) et puis l’autre en face de suite il va être dans l’empathie.“ 

 

 
 
 
 
 
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Le rire est plus complexe, mais comme tout, pour réussir à le communiquer au public, il faut le travailler. Pour Jean-Baptiste Shelmerdine, loin l’idée que ce soit inné. «C’est juste que tu aimes ça depuis longtemps et tu le bosses depuis tout petit , qu’avec le temps, tu sais ce qui fait rire. Inconsciemment, on étudie la mécanique du rire et après ça vient tout seul. Ça devient une seconde nature sans t’en rendre compte, comme pour plaire à tes parents. Ou  les gens qui sont très séducteurs, ils le font sans s’en rendre compte, mais c’est parce que depuis le départ ils savent que c’est ça leur arme et ils en jouent.

Son opposé 

Ce qu’il aime à travers ses personnages comiques, c’est pouvoir se moquer et “brocarder les défauts des autres“ : “ C’est pour ça que j’ai souvent des choses comiques avec des personnages poussés  au ridicule et j’aime ça.“ Il aime explorer toute la complexité humaine et de son ridicule, comme une revanche envers les gens un peu cavaliers ou tout simplement idiots, pour rester poli : “Alex, mon personnage dans ‘Nos chers voisins’, je ne l’aimais pas. J’adorais le jouer, mais si je l’avais eu en tant que voisin, j’aurais été le premier à sonner pour lui hurler dessus.“ 

Le haïr, lui a permis de se donner complètement à ce rôle, comme le rêve de jouer un ultra méchant : “Tu sais que ce n’est pas toi, mais tu t’éclates, car tu ne seras jamais ce personnage.“ Le comédien regrette tout de même de ne pas avoir des personnages “normaux“ : “Je suis quand même en manque de personnages sobres, et qui me ressembleraient, qui seraient sympas, le bon pote, mais seraient pas timbrés, je fais toujours des timbrés… même Alex, il est capable de foutre le feu à l’immeuble parce qu’il n’avait plus de feu pour sa clope.“ Alex, un personnage un peu fou, mais qui lui a appris beaucoup de choses. 

 

 
 
 
 
 
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Avant de m’en dire un peu plus sur son expérience dans “Nos chers voisins“, Jean-Baptiste Shelmerdine, qui a trop chaud, enlève son pull Lacoste, bleu pétrole, assorti aux murs de la pièce. Plus à l’aise en t-shirt, il est prêt pour la suite de l’interrogatoire artistique. 

Une rencontre avec un personnage 

Avant d’être mis en lumière par cette quotidienne sur TF1, Jean-Baptiste Shelmerdine a côtoyé les plus grands du cinéma français comme Alain Delon. Et c’est fièrement qu’il précise qu’il a “joué une seule scène, mais je me suis retrouvé tout seul dans une pièce avec lui.“ Le comédien à également joué pour François Ozon dans “Potiche“. Des films de niches, qui remettent en question l’acteur sur ce qu’il veut vraiment. L’idée d’intégrer “Nos chers voisins“, ne lui plaît pas vraiment : “J’ai commencé par la pub et quand j’ai voulu passer à la fiction, j’ai du arrêter d’être comédien pendant deux ans, pour être vendeur à temps plein. Je ne bossais plus du tout, parce que : théâtre privé, théâtre public, Pub, télé, cinéma… ce sont des mondes séparés et c’est très rare que l’on puisse mélanger, peut-être maintenant un peu plus, mais à l’époque, il y a quinze ans, non. Et je ne voulais pas le faire (Nos chers voisins), sauf que je n’avais plus de tune du tout. Il y a des périodes comme ça, tout le temps chez les comédiens et je l’ai fait en passant le casting en me disant que je n’avais pas le choix.“ 

Alex : une ouverture au théâtre 

Aujourd’hui, avec le recul, Jean-Baptiste ne regrette rien de cette expérience et de ce personnage qui était une évidence, tant il est fait pour lui. “Il y a des rôles comme ça qui sont des rendez-vous ou tu sais que tu vas tellement t’éclater dedans que c’est dommage s’ils prennent quelqu’un d’autre, sauf si la personne est bien. Pardon, j’aime bien me lancer des fleurs (rire) ». 

Au-delà de l’interprétation, c’est aussi un rythme de tournage intense. Étant l’un des rôles principaux, Jean-Baptiste Shelmerdine enchaîne dix sketches, et ce, cinq jours sur sept, pendant un mois et demi. Il se compare même à “une machine de guerre en termes d’apprentissage du texte et d’efficacité sur un plateau“. C’est aussi son jeu du rire qu’il a pu approfondir, avec l’apprentissage de plus de 1000 sketches.Tout en claquant des doigts, il explique qu’il y a “une sorte de mécanique du rire. En tant que metteur en scène, avec la comédie que j’ai co-écrit, ça m’a beaucoup aidé“.  

Alex, lui a également offert une mise en lumière auprès du public, “je ne suis pas Catherine Deneuve“, mais les gens le reconnaissent. C’est aussi auprès des professionnels que ce coup de projecteur lui a été bénéfique. Après avoir visionné quelques épisodes, la metteuse en scène Anne Bourgeois, n’hésite pas le faire venir à l’une de ses lectures et lui donne sa chance au théâtre dans la pièce “La famille et le potager“ avec Marie-Anne Chazel et Régis Laspalès. 

Patienter encore et toujours 

Avant de recevoir les ovations du public sur scène, c’est un long parcours du combattant qui attend Jean-Baptise. Alors qu’il a le même agent que Marie-Anne Chazel, il reçoit le scénario d’une pièce dans laquelle figure l’actrice. Emballé par l’intrigue portant sur le féminisme, le comédien décide de se rendre à la lecture au Théâtre des Variétés : “On fait la lecture, mon personnage, lui arrive à la fin. Comme c’était marrant et que j’avais bien bossé, ça a réveillé un peu le moment.“ L’acteur recevra même les félicitations de Marie-Anne Chazel. Le projet est finalement abandonné. Mais l’interprète de Zezette dans “Le père Noël est une ordure“, reçoit une nouvelle pièce, “La famille et le potager“ écrite par Anne Bourgeois, spécialement pour elle. Le texte qui implique l’histoire d’une famille qui ont un fils, la comédienne suggère à la metteur en scène Jean-Baptiste Shelmerdine. 

Marie-Anne Chazel, Régis Laspalès et Jean-Baptiste Shelmerdine, sont alors réunis pour faire une lecture. Le sors s’acharne encore une fois, puisque le covid pointe le bout de son nez…. Après de longs mois sans une aucunes nouvelles d’Anne Bourgeois, Jean-Baptiste Shelmerdine, finit par recevoir un appel de sa part. Elle lui donne rendez-vous dans un café, pour lui faire quelques retours sur son interprétation. Assis face à elle, l’acteur va vite désenchanter : Anne Bourgeois ne mâche pas ses mots et lui dit en toute franchise qu’elle n’a pas aimé ce qu’il a fait le jour de la lecture. Toutefois, elle le rassure, en admettant que Tom est un personnage complexe. Après une longue conversation, ils arrivent à trouver une belle entente sur leur vision du personnage. La metteuse en scène, donne à Jean-Baptiste Shelmerdine une seconde chance. “En décembre, mon agent m’a appelé pour savoir si c’était toujours bon pour moi, car la pièce allait se lancer pour septembre 2021. On s’est vu avec Anne pour bosser chez elle en janvier et j’ai fini par trouver le personnage, enfin, on l’a trouvé ensemble“,  a-t-il tenu à préciser.  

Un apprentissage en continu 

Depuis septembre, Jean-Baptiste Shelmerdine s’illustre à merveille sur scène, dans la peau d’un personnage à la personnalité encore une fois quelque peu déjantée. La trentaine, Tom vit avec l’argent de ses parents et plus précisément celui de sa mère, une grande bourgeoise. Il n’est pas très intelligent, un peu naïf, bien que peu à peu, par toutes ses maladresses, il s’impose auprès de ses parents et va leur faire subir ses actes. « Il est très compliqué à jouer. La metteuse en scène me l’avait dit et c’est pour ça que même si elle n’avait pas aimé ce que j’avais fait à la première lecture, elle a voulu réessayer. Elle avait raison, parce qu’il fallait beaucoup de boulot pour arriver à ce que l’on a fait. Il est complètement écrasé par ses parents et en même temps, il fait des conneries énormes.“ 

 

 
 
 
 
 
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Un personnage qui est passé par de nombreuses couleurs, avant de satisfaire son interprète et sa créatrice. Même encore, le comédien lui apporte quelques nuances pour continuer à le faire évoluer. “Tous on essaie différentes choses, on essaie de mieux comprendre, où l’on se dit : ‘ah peut-être que si cette phrase il l’a dit comme ça, ça va mieux préparer la suite ou on va mieux comprendre la suite’

Jean-Baptiste prendre le temps de tout bien décortiquer pour être le plus juste possible pour son personnage et être cohérent dans sa psychologie : “Si ce n’est pas cohérent, je me pose la question à savoir si ça l’est quand même. Parfois dans la vie, on fait des choses qui ne sont pas cohérentes, même si ça l’est dans l’absolue. Tu vois là, si je casse le miroir derrière toi, au départ on ne va pas trouver ça cohérent, sauf si on sait que je suis schizophrène. Je suis vraiment au taquet sur la cohérence, parce que c’est ça qui fait que je peux aller très loin dans un personnage en termes de bizarre ou de drôle , car souvent le drôle vient du bizarre, du décalé.“

Un long travail, qui permet à “La famille et le potager “,  d’être portée par des comédiens qui réussissent à embarquer le public dans leur histoire farfelue. Sur scène, Marie-Anne Chazel, Régis Laspalès et  Jean-Baptiste Shelmerdine nous inquiètent, tout comme ils nous font rire à travers un sujet quelque peu macabre… Mais je n’en dirais pas plus, et comme le dit Jean-Baptiste Shelmerdine : “Il faut aller voir la pièce.

Désormais, on peut dire que Jean-Baptiste a réalisé son rêve d’enfant : faire rire les gens. Ce qu’il aime aussi, c’est  les transporter dans un voyage symphonique…

Retour à la sérénité 

Si la comédie l’a rattrapé, la musique, elle, ne l’a jamais quitté : “J’ai toujours fait de la musique : j’ai fait du violon, j’ai fait du piano… depuis que j’ai 8/10 ans, j’écris des paroles et à l’adolescence je me suis mis à composer au piano, puis au synthé.

La musique est presque vitale pour l’artiste, qui après une soirée frénétique sur les planches aime rentrer chez lui, s’installer confortablement et se laisser aller au grès des notes. “Même si je ne sors jamais un album, je ferais toujours de la musique.“ Elle souligne une autre facette de lui : un Jean-Baptiste plus vrai, structuré, loin de la folie de ses personnages. “Je suis vu comme un rigolo et ce n’est pas forcément de la chanson rigolote. Je pense que ceux qui me connaissent, s’ils lisaient mes paroles, ils ne seraient pas surpris…“

Tout comme il aime jouer sur scène ou devant la caméra, il aime jouer avec les mots et trouver encore une fois cette cohérence entre eux, pour raisonner avec justesse. Alors qu’il me parle avec fascination de son univers musical, son réveil nous interrompt : il est 18h30, il est temps pour lui de se rendre au théâtre. “Je te laisse quand même deux minutes pour ta dernière question“, me dit-il toujours en rigolant. Oui, avec Jean-Baptiste on ne s’ennuie pas vraiment. 

Ma dernière requête est assez simple : quel est ce projet musical qu’il prépare ? “J’ai écrit un album, mais je vais d’abord sortir un EP. ”  L’artiste , fait part de ses hésitations : “Je ne sais pas si je vais le sortir moi-même ou si je vais l’envoyer à des labels pour que ça fasse une vraie sortie. Parce que si je le sors moi-même, il va exister, mais il ne va pas cartonner. Il y a toute une industrie derrière et ce n’est pas pour rien.“  Jean-Baptiste Shelmerdine a hâte que son public puisse le découvrir en tant que musicien, qui peut-être sera pour le comédien, une brèche au coeur de la comédie dramatique. 

L’acteur, compositeur, interprète, me remercie, avant d’enfiler son manteau pour vite partir. Il était très agréable de converser avec Jean-Baptiste Shelmerdine, qui fluide dans ses réponses, les a rendu chacune d’elles captivantes. Il a su les rythmer avec une belle gestuelle et de nombreux exemples pour rendre ce moment vivant. N’est-ce pas le reflet de l’âme d’un artiste ?