Pierre Perrier, l’image obscure d’un cinéma complexe

L’acteur Pierre Perrier, connu pour ses rôles voilés de mystère, a accepté de nous parler de son parcours, de sa passion pour son métier et de Chris, son personnage dans la série « Romance », diffusée depuis le 10 juin sur France 2.

Aujourd’hui, rencontre avec l’acteur Pierre Perrier. Tout comme son personnage, le comédien est assez mystérieux. À l’ère où les réseaux sociaux envahissent notre quotidien, lui a décidé de ne pas faire partie de cette génération 2.0. J’appréhende un peu. Sera-t-il aussi ténébreux et sombre que ses rôles ? Je me rassure en me disant que justement ce ne sont que des rôles… 

Il est 14h quand je le vois apparaître sur l’écran de Skype avec ce regard à la fois noir et rieur. On se salue respectueusement, avant qu’il me lance « on va se dire ‘tu’, ce sera quand même plus détente », tout en se roulant une cigarette. Je suis soulagée de voir qu’il est en réalité très souriant et comme il l’a si bien affirmé « détente ». Il me pose quelques questions sur PressEyes, avant que je prenne mon pouvoir de journaliste, qu’il nous plonge dans son parcours et la construction de ses personnages énigmatiques.

L’acteur débute en tant que figurant. Devenir acteur n’est pas dans ses projets. Mais la vie nous pousse sur le chemin de certaines personnes qui ont ce petit truc et font que notre trajectoire prend une direction inattendue ou du moins à laquelle on ne songer pas. « J’ai eu l’opportunité de rencontrer quelqu’un qui m’a dit ‘Tu devrais passer des castings’. » Pierre Perrier écoutera ce précieux conseil qui le conduira devant la caméra. Le comédien n’a suivi aucune formation, il apprend sur le fil, tournage après tournage. Le terrain, n’est-ce pas le meilleur apprentissage ? « Tu apprends beaucoup sur les tournages, tu découvres au fur et à mesure, tu t’améliores au fil des expériences. »

Percer le mystère

Par sa personnalité, Pierre Perrier se dévoile dans des comédies dramatiques, des thrillers ou des sciences-fictions. « C’est ce que j’aime, mais surtout je ne suis pas très drôle (rire). Je ne serais pas très bien dans un registre comique ou dans la comédie, ou sinon il faut vraiment que ce soit un univers très décalé. » L’acteur préfère les histoires plus profondes. Il fait partie de ces acteurs qui dégagent cette faille à l’écran. Une faille que l’on a du mal à discerner avec des personnages intrigants qui happent le spectateur.

Pierre Perrier a ce pouvoir de nous donner l’envie de découvrir ce qui se cache à l’intérieur de chacun de ses protagonistes. « Les acteurs que j’aime bien justement, ce sont des acteurs qui ont des aspérités. Ils ne sont pas toujours en train de poser et tu as un doute… Les acteurs qui me réactivent sont ceux qui ont ce truc là. Aujourd’hui, tu prends Joaquin Phoenix par exemple, le mec est insondable et tous ses personnages sont intéressants d’une manière différente, mais toujours avec ce truc un peu mystérieux. »

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Des personnages sombres qui demandent parfois à l’acteur une grande implication pour comprendre l’histoire de l’homme qu’il doit incarner. C’est le cas notamment pour Simon Delaître, dans la série « Les Revenants », diffusée en 2012 sur Canal+. Le jeune homme se suicide le jour de son mariage et ressuscite dix ans plus tard. Sa femme a vieilli et il apprend qu’il a une fille. « Et là tu te dis oh la la la , comment je fais pour créer une base d’empathie avec le personnage ? Il faut inventer, c’est un peu plus déstabilisant. Tu dois prendre plus de risques et tenter dans une direction. (…) C’est hyper excitant, car tu sors vraiment de tes zones de confort et c’est intéressant. »

Enrichir ses connaissances 

Pierre Perrier se donne à 100%. Pas question pour lui de jouer sans s’investir réellement. « Un jour j’ai joué un serial killer, je me suis bouffé une vingtaine de bouquins sur le truc. Le réalisateur m’a forcé à bosser pendant six mois pour vraiment entrer dans un univers et c’était génial. » Être comédien est pour lui une source pour enrichir ses connaissances personnelles et s’ancrer au mieux dans ses rôles. « C’est un luxe, un privilège de faire toutes ces choses et ça m’amuse trop. »

Un métier où il peut évoquer une sensibilité, un point de vue, mais aussi la grandeur de ce que le cinéma peut nous apporter par le biais de certaines catégories de films. « Je suis un grand fan du cinéma américain des années 60, 70, 80. Il y a aussi la grandeur. J’adore la science-fiction et le fantastique, ça me perd. Ce sont vraiment des choses dans lesquelles je me perds avec beaucoup de plaisir », m’explique-t-il,  sourire aux lèvres et regard passionné. 

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Depuis le 10 juin, Pierre Perrier s’est glissé dans la peau de Chris, pour la série « Romance » du réalisateur Hervé Hadmar. Une série qui nous fait voyager dans le temps pour nous dévoiler la vie trépidante des années 60. Nous sommes en 2019, Jérémy (Pierre Deladonchamps) est un ancien interne. Sa copine vient de le quitter, il n’a pas vraiment d’amis… Il se console avec la musique, l’une de ses passions. Le soir du réveillon, il se rend dans un bar pour fêter la nouvelle année. Une soirée qui va être chamboulée lorsqu’il tombe sur cette photo d’une jeune inconnue. Quelques jours plus tard, il sera projeté dans les années 60, sur une plage où il reconnaît Alice (Olga Kurylenko). Au même moment, la sœur de Chris se noie. Se faisant passer pour médecin, il réussit à la sauver.

Jérémy est dérouté par cette situation, il explique à Chris qu’il a perdu ses papiers et qu’on lui a volé sa voiture. Pour remercier le jeune homme d’avoir redonné le souffle à sa sœur, ce dernier lui propose de le loger. « Et là on découvre que cette famille, sous des allures un peu parfaites, est hyper bizarre. Chaque personnage a un secret ou une part sombre que l’on découvre au fur et à mesure, je ne peux pas trop en dire… Mon personnage a quelques problèmes à régler avec lui-même et c’est ce qui est intéressant. »

Le Gatsby de France 2

Les premières minutes de la série montrent Chris de façon très solaire. L’homme est d’une grande hospitalité et ne se prend pas vraiment la tête. Puis peu à peu, le spectateur comprend qu’il cache une part obscure… « Justement, Hervé, le réalisateur, en ayant toute l’évolution du personnage, voulait un maximum de contraste. Il voulait un côté Gatsby, avec rire, soleil, générosité, tout cool, jamais un problème, pour que le moment où ça se retourne, ce soit plus saisissant. »

Une évolution qui se fait en douceur, laissant une grande place aux questions, aux doutes. « On a rajouté un peu de contraste et de noirceur au fur et à mesure, ça a été distillé par plein de petites touches très mystérieuses, on ne comprend pas tout de suite. Il faut vraiment attendre la fin de la saison pour comprendre l’histoire dans son intégralité. » Une écriture judicieuse ensorcelant le spectateur. Ce dernier se retrouve piégé par cette famille aux multiples secrets.

« Romance », c’est aussi ce triangle amoureux entre Chris, Alice et Jérémy, à l’instar de  « La Piscine, de Jacques Deray », précise Pierre Perrier. On peut y voir également une allusion à  « Plein Soleil » par cet amour obsessionnel poussant les personnages à des actes irrévocables. « Ce triangle amoureux  va se tendre au maximum et va exploser. C’est l’un des enjeux intéressants et moi c’est l’enjeu de mon personnage pendant toute la saison. » Pierre Perrier nous avait prévenus, très peu pour lui les personnages lumineux sans complexité. Après les sourires et l’âme charitable, Pierre Perrier nous embarquera au cœur de cet amant possessif et tourmenté. 

« Retourner dans les années 60, ça ne serait pas très malin »

Au-delà du jeu exceptionnel des acteurs, c’est une décoration et des costumes qui nous plongent en plein cœur des années 60. De belles voitures de collections, des villas immenses et colorées, bercées par une modernité dans le langage des personnages révélant l’identité unique de la série.

« J’ai trouvé le projet hyper intéressant, j’aime bien les voyages dans le temps, même si là ce n’est pas le sujet du film. Véritablement, j’ai bien aimé le parti pris fantastique et cette espèce d’atmosphère des années 60 qui est une époque hyper cinématographique, avec les costumes et le coup du bar Wonderland dans lequel on est. Le décor est sublime, ce sont des années de liberté géniales (…) C’était une très belle offre. Quand Hervé m’a proposé le rôle, j’avais tout lu la veille, j’étais hyper excité, je trouvais ça super. C’est vraiment l’intégralité du projet que j’ai trouvé bien et j’ai trouvé l’écriture géniale. »

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Si les années 60 font écho à ce brin de liberté, de joie et de fête, Pierre Perrier affirme qu’il vaut mieux tout de même vivre au 21e siècle. « Je pense que clairement avec les progrès que l’on est censé faire en ce moment, retourner dans les années 60, ça ne serait pas très malin. Pour les femmes, l’environnement et les émeutes qu’il y a en ce moment, je pense que les années 60 c’est bien qu’on les ait dépassées sur plein de points de vue  »

La discussion enivrante sur la construction des personnages de l’acteur prend peu à peu fin… J’évoque ses futurs projets, mais le comédien ne peut pas trop en dire. Le coronavirus aura été un véritable fléau pour le milieu artistique qui a dû stopper toutes les productions. « Je ne peux pas trop m’avancer pour ne pas dire de conneries. Mais petit à petit, les tournages vont pouvoir reprendre, les rendez-vous aussi. Car là, il va y a voir un trou dans le programme télé à force (rire). Mais pour le moment, je suis content de ‘Romance’ et j’ai hâte que tout reprenne, car on a quand même envie de faire notre métier. »

Un beau métier qui a permis à de nombreuses personnes de faire face à cette crise sanitaire en se plongeant dans de nouvelles histoires chaque jour ! Pour ce cadeau, on te dit tout simplement merci, Pierre.