Quentin Delcourt : le cinéaste qui prône la liberté féminine et celle de la différence

Quentin Delcourt, Festival Plurielles, Pygmalionnes

@camille_colin79

Créateur du Festival Plurielles, avec Laurence Meunier, Quentin Delcourt est venu nous parler de cet événement majeur, qui se tiendra du 11 au 16 juin 2021 et sera le premier à annoncer la saison des festivals ouverte. Un homme passionné par le cinéma, mais aussi par les femmes et les gens qui ont une certaine sensibilité. Rencontre avec ce cinéaste qui apporte un œil nouveau au 7e art.

Quentin Delcourt est un amoureux du cinéma, mais aussi des femmes. Le 22 janvier 2020, dans son long-métrage “Pygmalionnes“, le réalisateur fait découvrir aux cinéphiles, aux cinéastes et au grand public, le visage de femmes, mais pas n’importe lesquelles. Réalisatrices, scénaristes, documentaristes, actrices… toutes témoignent sur cette industrie qu’est le 7e art. Quentin Delcourt les fait revenir sur “leur carrière, sur tous les aspects que représente une carrière artistique : des premiers élans, des premiers émois, jusqu’aux doutes, mais aussi des déceptions. Puis des sujets abordés tels que la différence de salaire, les différences de rapport avec les hommes, les luttes sur les tournages, la sensualité, le harcèlement et tout ce que l’on peut vivre de discriminatoire ou non d’ailleurs.“ Un film réalisé avec beaucoup d’amour, porté par dix femmes exceptionnelles : Aïssa Maïga, Laurence Meunier, Isabelle Gibal Hardy, Céline Bozon, Nathalie Marchak, Naidra Ayadi, Alix Benezech, Hafsia Herzi, Stefi Celma et Élisabeth Tanner.  

Prendre le temps d’écouter

Trente-trois heures de rush, qu’il faut transformer en 1h27, tout en donnant le même temps de parole pour chacune de ces artistes. Un travail minutieux, que Quentin Delcourt, réussit avec brio. “L’idée, c’était de recueillir la parole des femmes, pas du tout de la leur donner, parce qu’elles n’ont pas besoin de moi pour prendre la parole, mais plutôt de recueillir ces témoignages et d’en faire un petit peu une synthèse actuelle, de ce qui me touchait, ou me semblait intéressant ou de ce que j’avais appris. Et je peux vous dire que j’ai appris énormément. Lorsque l’on prend le temps de poser sa caméra pour écouter quelqu’un parler de son travail, il n’y a rien de plus gratifiant.“

 

 
 
 
 
 
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Une introspection assez inédite, pour certaines de ces femmes, qui n’ont pas l’habitude de se livrer. Quentin Delcourt nous a confié que l’actrice et réalisatrice Hafsia Herzi, n’aimait pas vraiment parler d’elle : “Elle aime que les œuvres parlent, mais elle est toujours très discrète, très timide. Quand elle est arrivée sur le set de Pygmalionnes, elle m’a dit ‘c’est la première fois que j’accepte de parler comme ça à cœur ouvert de moi, de mon travail.’ Mais le réalisateur a en tête ses femmes, pour son film. Il patientera même auprès d’Élisabeth Tanner qui, au départ, était réticente : “J’ai attendu un an avant de pouvoir avoir trois heures de son temps. Je n’ai rien lâché et je lui disais  ‘de toute façon Élisabeth, je ne sortirai pas le film, sans t’avoir eu en entrevue, j’attendrai.’ Parfois la patience paye, puisque, effectivement, elle s’est livrée et c’était une preuve de confiance et de réciprocité dans l’intérêt que l’on peut avoir avec les gens.“ Une réflexion soulignant la bienveillance qu’il porte aux personnes qui l’entourent et son professionnalisme, nous amenant ainsi à parler du Festival Plurielles.

Une programmation enrichie et enrichissante

Après une longue période de confinement, le Festival Plurielles, signe le grand retour des festivals. Un événement unique, créé en 2018 par Quentin Delcourt et Laurence Meunier la PDG du Majestic Compiègne, un multiplex de 14 salles à Jaux, classé art, essai et indépendance. Quentin Delcourt tient à mettre en avant que le Festival Plurielles, est un festival d’inclusion tourné autour de la femme, des différences et des nouveaux talents qui émergent avec une programmation internationale et nationale. Depuis sa création, le Festival Plurielles, se développe chaque année. Et si le Covid-19 a été un coup dur pour la troisième édition qui n’a pas pu avoir lieu, le confinement a permis à Quentin Delcourt et Laurence Meunier, de travailler d’arrache-pied. Pour 2021, ils proposent de nombreuses nouveautés qui viennent enrichir cet événement, comme une table ronde autour de la représentation des personnages asiatiques au cinéma ou encore la sélection Émergence. “ Il était toujours difficile pour nous de ne pas pouvoir présenter tous les films français qui vraiment nous bouleversaient. Car, quand on veut faire une compétition internationale, forcément sur une sélection de douze films, on ne peut pas avoir six films français, ce n’est pas possible.

Un jury aux talents confirmés qui prônent la nouvelle génération

Une nouvelle catégorie qui, comme son nom l’indique, fait émerger des courts métrages de réalisateurs et réalisatrices françaises, des premiers films français mettant ainsi l’accent sur de nouvelles voix du cinéma. “Il y a un jury qui est réuni. Un jury de professionnels qui viennent de divers panels du cinéma, qui sont des schémas positifs. J’aime beaucoup ce terme, c’est ce que l’on a voulu faire avec“ Pygmalionnes“, montrer les nouveaux schémas positifs, c’est-à-dire, les nouvelles figures inspirantes. Elles prouvent que tout est possible et permettent aussi à des plus jeunes ou à des personnes dont ça a toujours été le rêve, de se dire que c’est possible et que l’on peut tout réussir quand on travaille fort.

 

 
 
 
 
 
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Dans ce jury Émergence, on retrouve l’auteur et acteur Kevin Elarbi, qui l’année dernière nous a fait voyager dans les pontes du 7e art avec son ouvrage “Ma Folle Histoire du cinéma”, Olivier Lallart qui a fait un court métrage sur l’homophobie dans le milieu des lycées, intitulé “PD“. La réalisatrice Jézabel Marques, qui a réalisé le magnifique film “Sol“, l’actrice Annabelle Lengronne, qui a reçu le prix Plurielles l’année dernière du meilleur second rôle féminin. Une actrice que l’on a pu également retrouver au César cette année, pour son rôle dans “Fille de joie“. Et enfin, Romain Brau que certain ont découvert dans “Les Crevettes Pailletées“. Un jury qui aura la tâche difficile de récompenser l’un des six films en compétitions : “Slalom“ de Charlène Favier, “Playliste“ de Nine Antico, “Seize Printemps“ de Suzanne Lindon, “L’étreinte“ de Ludovic Bergery, “Entre deux trains“ de Pierre Filmon, “La nuit venue“ de Frédéric Farrucci. 

La catégorie Émergence donne déjà le ton du Festival Plurielles. Un Festival certes d’inclusion, mais surtout d’une grande qualité artistique et cinéphile. Pour l’année 2021, l’événement ne s’offre pas une présidente, mais deux présidentes de renom avec les actrices et réalisatrices Aïssa Maïga et Emmanuelle Béart : “C’était un rêve que j’avais depuis longtemps, un rêve de metteur en scène et finalement ça s’est fait avec le festival.“ C’est avec beaucoup d’admiration que Quentin Delcourt décrit ces figures féminines du cinéma : “Deux femmes engagées, qui n’ont jamais eu peur de leur conviction, de les affirmer, autant derrière la caméra, que devant.“ Le jury de la compétition officielle est quant à lui incarné par l’actrice et chanteuse Camélia Jordana, par la réalisatrice Anastasia Mikova qui a réalisé “Woman“ avec Yann Arthus-Bertrand, la réalisatrice Anissa Bonnefont, qui a réalisé récemment “Wonder, Boy Olivier Rousteing né sous X“, qui lui a valu une nomination au César l’année dernière, l’actrice Sarah Stern et l’actrice internationale Gaie Weiss. Le réalisateur rassure, qu’il y a aussi “un peu de testostérone“ avec l’acteur Djanis Bouzyani, qui a remporté l’année dernière le prix du meilleur second rôle masculin : “C’est un peu une tradition que nous avons depuis le début avec Plurielles. Du moment où vous entrez dans la famille du Festival Plurielles, vous n’en sortez plus. On suit tous les artistes que l’on honore, que l’on invite. On aime beaucoup que ces artistes ayant participé à des œuvres en compétition une année, se retrouvent membre du jury l’année suivante par exemple“, a expliqué Quentin Delcourt.

Le film Sœurs pour l’ouverture de la cérémonie

Si le Festival Plurielles, est le premier grand festival du cinéma à revenir sur le devant de la scène après ces mois de confinement, Quentin Delcourt et Laurence Meunier, ont choisi le film “Sœurs“ pour ouvrir les festivités. Présenté l’année dernière au Festival d’Angoulême, il sera à nouveau projeté en salle obscure pour la première fois, (depuis un an) au Festival Plurielles. Coïncidence ou non, ce long-métrage est mis en lumière par les plus grandes : Isabelle Adjani, qui sera présente, et qui soutient les cinémas. “Elle a toujours été une femme très engagée, une actrice avec de hautes convictions, et qui n’a jamais eu peur de défendre les autres quand ils étaient lynchés publiquement“. Rachida Brakni fera également le déplacement ainsi que Maïwenn,  Hafsia Herzi et bien évidemment Djanis Bouzyani. Un film puissant sur le lien du sang et plus particulièrement sur le lien fraternel de ces sœurs qui, de retour en Algérie, vont tout faire pour retrouver leur frère porté disparu depuis plusieurs années, après que leur propre père l’a fait kidnapper. “C’est un film, qui comme tous les films Plurielles, parle évidemment de femmes, parle d’identité, parle de racine et ça c’est vraiment quelque chose qui nous tient à coeur.“ 

La sélection du Festival Plurielles promet d’être éclectique, mais homogène. Il donnera la parole aux femmes, tout en laissant la place aux hommes. Un festival pour les cinéphiles tout comme le grand public.

Une conversation menée par Kevin Elarbi à retrouver dans son intégralité dans le podcast Les Rencontres de PressEyes.