Rabah Nait Oufella : “Je veux être acteur tout simplement”

Rabah Nait Oufella

Crédit photo : Aurélie Lamachère

C’est en 2008 que l’on découvre pour la première fois Rabah Nait Oufella, dans le film “Entre les murs” qui a reçu la Palme d’Or lors du Festival de Cannes la même année. Depuis, 15 années se sont écoulées et l’acteur poursuit son chemin dans de grandes réalisations comme “Grave”, “Nocturama”, “Ibrahim” ou encore “Arthur Rambo”… Mais ce que l’on aime chez lui, c’est la discrétion d’un acteur resté simple. Rencontre.

Tourner un film ou partir en vacances avec ses ami.es ? Le choix est vite fait pour Rabah Nait Oufella  : les vacances sont faites pour s’amuser et non pour apprendre du texte et partir en tournage ! Repéré en 2008 lors d’un casting organisé dans son collège pour le film “Entre les murs”, Laurent Cantet, le réalisateur en décidera autrement pour lui, ou peut-être le destin ?

Ses parents “convoqués”, le jeune garçon finira par partir. Et sans le savoir, ce film n’est que le premier d’une longue liste ! “Ça n’a pas été une révélation. C’était plutôt une porte qui s’est ouverte. Je pense que la révélation je ne l’ai jamais laissé naître en moi. Je ne viens pas du tout de ce milieu et je m’étais toujours dit que c’était un monde un peu inaccessible. Après “Entre les murs”, je ne pensais pas que j’allais en faire ma carrière.

 

 
 
 
 
 
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Un film dans lequel le jeune garçon qu’il était, ne laisse pas indifférent certains réalisateurs. Rabah Nait Oufella se fait rapidement remarquer et enchaîne les projets. Petit à petit il se rend à l’évidence : il est acteur. 

Faire un choix

Jouer, se glisser dans la peau d’un autre, c’est donc ça qui fait vibrer le comédien, lui qui avait pour première passion le RAP. “Il fallait faire un choix : à savoir si je voulais faire ça toute ma vie, et c’était non. Mais ce n’est pas la passion qui s’est éteinte, c’est plus un choix de vie.

Le RAP n’a pas été inutile à sa vie de comédien, puisque c’est en souriant qu’il me confie : “Je retiens très rapidement les textes, alors que je n’ai pas une si bonne mémoire dans la vie de tous les jours. Mais je pense que le fait d’avoir fait du RAP, d’avoir appris des textes, de m’appuyer sur les mots, m’a aidé.

Désormais, ces mots, il continue de se les approprier pour donner vie à un personnage, véhiculer des émotions et les transmettre d’une manière différente à chaque fois qu’il les prononce. Des mots qui changent de sens en fonction de qui il est devant la caméra. En 15 ans de carrière, Rabah Nait Oufella a eu cette force d’interpréter des rôles totalement différents, dans des genres et des univers divergents, sans jamais s’enfermer dans l’ennuie d’un profil qui se répète sans cesse.

Je fais une chose qui est la plus difficile dans ce métier : c’est refuser. On ne reçoit pas des propositions tous les quatre jeudis et des propositions cool encore moins.” Un non délicat, qui pourrait parfois s’assimiler à de la prétention et pourtant, c’est juste du courage de la part d’un acteur qui a cette soif de tout découvrir.  “Il faut réussir à avoir accès aux projets qui nous intéressent. Je pense aussi qu’en tant qu’acteur, on a cette responsabilité de ne pas se mettre nous-même dans des cases.” Un challenge difficile, mais que Rabah Nait Oufella réussit pour le moment avec brio, pour le plus grand bonheur des cinéphiles qui le suivent depuis ses débuts.

Se remettre en question, prendre le temps à la réflexion avant de se lancer tête baissée dans un projet. C’est peut-être ça, la clé de Rabah Nait Oufella pour décrocher les rôles qui le font vibrer et ce, sur n’importe quel diffuseur, que ce soit au cinéma ou dans une série.

Prendre des risques

“Ça rejoint aussi le fait de vouloir jouer des rôles différents. C’est le propre d’un acteur de se vouloir caméléon et c’est ce qu’il y a de plus beau dans ce métier, c’est de pouvoir faire des choses totalement différentes.

Mais se lancer dans une nouvelle aventure, c’est toujours un risque à prendre, comme le souligne le comédien lorsqu’il a fait ses premiers pas dans le monde de la série, en 2020 dans “Narvalo”, puis en 2023 avec “B.R.I” (disponible sur Canal+) où il décroche l’un des rôles principaux.

Je sais que j’ai eu beaucoup d’appréhension vis-à-vis de la série, parce que je n’en avais jamais fait.  Le métier d’acteur dans un long-métrage et dans une série n’est pas le même. On ne travaille pas dans les mêmes conditions.

Une réticente que l’acteur explique par ce petit retard des séries françaises, à être aussi bonnes que des productions étrangères. Mais une chose est sûre, c’est qu’elles sont de plus en plus percutantes avec des réalisations de qualités, tout comme a pu le prouver Jérémie Guez, le créateur de “B.R.I”. D’ailleurs, Rabat Nait Ouffela est “super content” d’avoir pu démarrer sa carrière dans ce programme.

Cacher les failles d’un personnage

Comme son nom l’indique, “B.R.I” met en lumière la B.R.I de Versailles, une unité historique spécialisée dans le grand banditisme. Rabah Nait Oufella incarne Badri, qui fait partie de cette élite de jeunes flics téméraires et efficaces. Avec leur nouveau chef Saïd, ils feront tout pour éviter une guerre de gangs entre la famille d’Eric, leader d’un clan de la pègre parisienne et celle des frères El Hassani. Une histoire où l’action est à son comble avec une chorégraphie de tirs, de courses et d’arrestations. Mais au-delà de cette frénésie, le réalisateur a tenu à entrer dans l’intimité de ses personnages, pour que le public puisse comprendre leur comportement, leur caractère, lié à un vécu peu évident.

 

 
 
 
 
 
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Ainsi, Badri qui se montre comme le plus bad boy de la bande, est en réalité un homme avec des failles et un lourd passé. Il vient d’une famille de banlieue, dont les histoires ne sont pas toujours très nettes et se voit dans l’obligation de leur mentir sur sa véritable profession. “C’est ce que j’ai aimé, la complexité de ce personnage. À la lecture du scénario, je ne savais pas encore le rôle que l’on allait me proposer et je suppliais le ciel pour que ce soit celui-ci.” Un Coup de chance pour Rabat Nait Oufella ou tout simplement l’art d’un comédien, qui a su s’approprier Badri avec excellence. “Jouer et interpréter ce genre de personnage, c’est chouette et c’est ce qui m’a vraiment motivé.”

Un entraînement de haut niveau

Un programme loin d’avoir été de tout repos. Pour offrir une véritable authenticité au scénario, les acteurs ont dû suivre des semaines d’entraînement avec des équipes de la B.R.I afin qu’ils leur expliquent le fonctionnement et notamment, comment bien tenir une arme. “On a eu des explications sur les techniques de maniement d’armes, parce que ça à l’air facile de prendre un pistolet et de le braquer sur des gens, mais le faire de la façon dont le fait la police c’est plus complexe. On s’est entraîné avec un formateur des forces spéciales dans des locaux militaires et c’était super intéressant.

À cette préparation physique, s’est ajoutée la manière de travailler son personnage qui n’est pas du tout la même que celle pour un long-métrage. Le format série est beaucoup plus intense, avec des prises plus courtes. “La difficulté dans une série, c’est qu’il faut être juste et bon très vite. Ce travail d’acteur, on peut le comparer à un travail d’usine : il faut savoir travailler rapidement et savoir où on est le plus efficace pour ne pas perdre de temps.” Pour ça, Rabah Nait Oufella n’a pas hésité à perfectionner son personnage en amont : “Sur le plateau tu n’as pas vraiment le temps. Un long-métrage, c’est plus cool. On a plus de temps à la réflexion et se poser les bonnes questions.

Une première expérience en tant que rôle majeur dans une série, très enthousiasmante pour le comédien, qui est tout de même formel, il ne veut pas s’enfermer dans ce format. “Je n’ai pas vocation à être acteur de série. J’ai vocation à être acteur tout simplement. Le choix des diffuseurs et des plateformes c’est complétement à part. Si on veut être le plus large possible, il faut taper un peu dans tout.Rabat Nait Ouffela, n’est donc pas prêt à s’asseoir sur ses acquis, et tend à continuer à développer sa palette de personnages et de genres.

Avant de clore cette discussion, le comédien a eu un petit mot pour les jeunes cinéastes : “Je ne pense pas qu’il y ait de chemin qui marche, comme il n’y a pas de chemin qui ne marche pas. Je pense que chaque personne à son destin. Vouloir être comédien, il faut le faire surtout pour les bonnes raisons, avec amour et passion. Et surtout, il ne faut s’obliger à rien.

Rabah Nait Oufella est l’exemple même que rien n’est impossible. La leçon que l’on pourrait retirer de l’acteur : Toujours respecter ses convictions et suivre le chemin que l’on veut prendre, tout en restant dans une grande humilité.