Thaïs Lona : la sincérité d’une voix plurielle

Thaïs Lona fait partie de ces artistes qui se démarquent. Un univers musical propre à elle, une voix reconnaissable entre toutes. Une chanteuse, une musicienne, une compositrice qui ne cherche pas à mentir sur qui elle est… Au contraire, à travers ses textes dans son premier album « CUBE », elle élève les consciences sur les diktats que nous impose la société. Pour PressEyes elle se confie sans filtre. 

Thaïs Lona, c’est une voix qui transporte à travers de multiples vocalises. Une artiste qui s’amuse et aime expérimenter. 

« J’ai envie de tester ma voix et de voir tout ce qu’elle peut faire, c’est comme un jeu. Dans le premier morceau « Game », je fais des vocalises chelou et à chaque fois on me dit ‘ Tu as mis des effets dessus ?’ et je réponds ‘Bah non’ et je leur fais en live. À chaque fois on me dit : ‘ Mais c’est trop bizarre’.  Ça me fait beaucoup rire, car pour moi c’est juste une expérimentation de ma voix. Il n’y a aucune envie de montrer quoi que ce soit. Le plus important c’est de s’amuser, découvrir…  et si ça marche c’est cool et si ça ne marche pas, c’est cool aussi, car on saura que ça ne marche pas. »

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De nature timide, l’artiste n’a pas toujours osé s’exprimer seule à travers sa musique. Adolescente, elle aimait se cacher derrière son piano, son saxophone ou encore sa harpe. « J’ai commencé un peu à faire des chœurs, ça m’allait bien comme place. Puis, on m’a proposé des places de soliste, ça a été un peu plus compliqué au niveau de ma timidité. » C’est vers ses 18 ans que Thaïs Lona commence à s’ouvrir et faire son propre chemin en tant que soliste, même si elle m’avoue qu’elle a toujours du mal à lâcher un peu prise ! « Je suis une grande anxieuse et perfectionniste. C’est sûr qu’en interview c’est mieux de dire que je déchire (rire), mais je ne suis pas comme ça et je ne pourrais pas. » Si Thaïs Lona aime jouer avec sa voix en tant qu’artiste, humainement, elle ne joue pas et reste elle-même.

L’art sincère 

Une sincérité et une transparence qui me touchent. Une sincérité qui transparaît dans son approche de la musique.Thaïs Lona n’aime pas ceux et celles dont les compositions sont créées par effet de mode, sans y apporter leur touche, leur amour à la musique. « Je n’ai pas de style. J’ai un style de prédilection qui est la pop et la soul, mais à partir du moment où il se passe quelque chose et qu’il y a de la sincérité, je peux aimer n’importe quoi. Par exemple, j’ai un chanteur que j’aime bien, Chris Stapleton, que je trouve magnifique. Il y a la sœur de Norah Jones qui s’appelle Anoushka Shankar qui fait un style de musique complètement différent du mien, mais j’adore.  Il y a Jul par exemple, ce n’est pas à mon goût, mais je le trouve légitime. Il est authentique, c’est sa musique, et que l’on aime ou pas, il a apporté quelque chose et je trouve ça cool. Je trouve que l’on ressent de suite les gens qui ne font pas leur musique avec les tripes ou par amour. »

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Pour faire découvrir sa musique à elle, elle est poussée par Ibrahim Maalouf, trompettiste et compositeur franco-libanais. Un artiste qu’elle admire, qui lui a donné envie de dépasser sa timidité et de s’imposer en tant qu’interprète. Une première approche assez maussade. Thaïs Lona pensait à une blague et sa réaction n’a pas été des plus exhaustives : « C’est la directrice du projet du label qui m’a contactée, elle est adorable. Quand elle m’a appelée pour me proposer une rencontre, j’ai cru que c’était une blague, du coup j’étais un peu ‘Oui oui, allez salut’ et là elle m’a dit ‘Non non, mais j’aimerais vraiment te rencontrer, ce serait bien que tu nous dises si ça te tente, car on est intéressé’ et j’étais là ‘Ah pardon, je suis désolée, quand vous vous voulez je suis là’. »

Coup de foudre humain et artistique 

À sa rencontre avec Ibrahim Maalouf, le courant passe de suite. Thaïs Lona le décrit comme une personne très accessible et brillante artistiquement. Minutieuse, c’était pour elle un soulagement de travailler avec une personne autant appliquée qu’elle. « C’est abusé, il entend tout, c’est impressionnant. Moi j’ai l’habitude d’être très perfectionniste et ça été pour moi super reposant de travailler avec lui, car je savais ce que moi j’allais entendre, lui allait l’entendre trois secondes avant moi, c’est une façon de parler, mais c’est pour montrer que rien ne lui échappe. C’était très rassurant et très agréable de me dire que de toute manière rien ne passera à la trappe, car ses oreilles sont là et il y avait une confiance. »

Épris, Ibrahim Maalouf est toujours en quête de son art et cherche toujours à aller plus loin : « J’adore les musiciens passionnés, je ne veux que ça autour de moi. » 

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Ibrahim Maalouf est bien plus que son producteur et partage avec elle un de ses morceaux « Game » de son premier album « CUBE ». « Game » est une chanson qui parle d’héritage. Une composition pour laquelle la musicienne s’est entourée de personnes bienveillantes à son égard puisqu’on peut y entendre sa grand-mère et sa sœur qui parlent en Capverdien (langue créole afro-portugaise) et en Wolof  (langue parlée au Sénégal et en Mauritanie). « C’est vraiment un morceau pour nous aider sur des choses qui nous dépassent tous comme l’héritage. L’héritage, ça peut être de l’ADN, des croyances, des cheveux, de la musique… Ca peut être aussi une énergie, car il y a des choses que l’on véhicule énergiquement et qui ne nous appartiennent pas forcément. »

Des mots révélateurs d’une société figée par l’image

Tout au long de ce premier opus « CUBE », les textes dévoilent des questionnements sur ce qui nous entoure que ce soit la société ou notre entourage. Des thèmes profonds comme la condition de la femme face aux hommes au 21e siècle ou encore le regard des autres, les critiques… La chanteuse me fait part de son incompréhension face à l’engouement des réseaux sociaux et à ce qu’ils émanent. « En tant qu’artiste, j’ai beaucoup été exposée aux réseaux sociaux, Facebook et Instagram. « Game », c’est vraiment : est-ce que je dois jouer ce truc du bonheur à tout prix fake et me montrer tout le temps sur mon meilleur jour pour faire le métier que j’aime ? »

Elle se pose des questions notamment sur les adolescents d’aujourd’hui et leur rapport à Tik Tok et Instagram. Des jeunes adultes qui sont aujourd’hui sans cesse dans la comparaison. Une comparaison parfois dangereuse qui peut pousser à des actes irrévocables. Un danger que Thaïs Lona a voulu pointer du doigt. Elle parle de l’image de la femme et des  stéréotypes  que l’on en fait :  « Dans le titre « 180 » je parle de la place de la femme dans la séduction. Elle n’est trop souvent là que pour incarner un fantasme et non pas pour en être l’auteure. Et ça, ça me gêne. Une femme est tout comme un homme, capable de désirs, de fantasmes, de besoins sexuels et ce, quelque soit son statut. Nous les femmes ne sommes pas des victimes du jeu. Nous faisons parti des joueurs. »

« CUBE » ne donne pas de leçons, mais il expose des schémas répétitifs, les croyances de Thaïs Lona. Un album permettant à certains et certaines de se reconnaître dans ces interrogations et de les aider à affronter ce culte des réseaux et du regard de l’autre. Un album offrant à l’artiste un public qui pourra se sentir proche d’elle. 

Show Girl 

Au-delà des textes, c’est tout un univers lyrique qui nous transporte. Thaïs Lona est à l’image de ces artistes telles que Beyoncé ou encore Nicki Minaj.  « Ce sont deux artistes que je respecte. Je les aime vraiment beaucoup et je les ai écoutées très souvent. Ce sont clairement des références. En ce moment, j’aime beaucoup Cardi B et toutes ces meufs qui font du rap, ça fait du bien et ça fait trop plaisir. Beyoncé et Rihanna, ce sont des incontournables, des meufs que j’adore. » 

Si ce sont des artistes qu’elle admire, Thaïs Lona se démarque par sa propre vision de l’art . Et pour cause ! Elle ne se compare plus, elle suit son propre chemin, sa propre voix avec ses inspirations, ses influences, mais sans jamais se laisser influencer. « En vrai, il y a trop de gens qui déchirent et on a une tendance à ne rien faire, car on se dit que ce ne sera pas à la hauteur. À une période, j’ai réécouté mes sons et je me disais que ça ne ressemblait pas assez à ça, que c’était pas assez comme ci. »

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« Puis je me suis dit, mais qu’est-ce que tu t’en fiches que ça ressemble à un univers ou pas, car c’est déjà fait. Ce sont des gens que j’adore tant mieux pour eux, mais il faut que moi je parte de 0, que je fasse mon truc à moi sans me poser des questions. Il n’ y a pas à se poser la question de savoir si ça sera mieux ou pas, c’est de l’art et il n’y a pas cette référence du qualitatif à mettre là-dessus. C’est à partir de ce moment-là que j’ai arrêté de me poser des questions, que j’ai réussi à créer mon univers. »

L’artiste fait partie de ces voix puissantes qui entremêlent le chant au rap en passant par la pop et la soul. Une musicienne, une chanteuse, une compositrice à découvrir tant par l’intensité de ses textes que par l’énergie musicale et la virtualité d’un timbre incontournable.