Amandine Deslandes auteure de “ Simone Veil, mille vies, un destin“ : “J’ai eu le sentiment qu’elle vivait avec moi“

Amandine Deslandes, Simone Veil

Photo DR

Qui n’a pas rêvé de rencontrer Simone Veil ? En tout cas, c’était le rêve d’Amandine Deslandes, qu’elle a un peu réalisé en ayant eu l’honneur d’écrire sa biographie et plus précisément sa vie trépidante aux mille et un rebondissements. Rencontre avec une autrice qui a su retranscrire avec émotions les combats de l’une des plus grandes icônes féminines.

Écrire était un rêve et “surtout d’avoir la chance d’être publiée“, s’est confiée Amandine Deslandes. Alors quand on lui propose de mettre des mots sur la vie de Simone Veil, l’autrice n’hésite pas vraiment pour accepter. “Il se trouve que cet ouvrage sur Simone Veil est venu d’un échange.“ Amandine Deslandes travaille avec un navigateur, Christopher Pratt qui fait des courses comme la Transat Jacques Vabre. Il y a deux ans, à l’arrivée de cette compétition sportive, un journaliste et directeur de collection chez City Édition couvrait la voile.

Il y a eu une discussion un petit peu informelle avec mon associé qui a échangé avec ce journaliste, qui s’appelle Frédéric et qui lui a dit ‘je cherche des auteurs, notamment, sur des biographies’ et Christophe lui a répondu : ‘tu devrais en parler à Amandine, elle écrit’.“ 

C’est avec humilité qu’Amandine décrit sa plume. Oui, elle ne se considérait pas vraiment comme une grande autrice : “J’écrivais, mais quand je dis j’écris, j’écrivais beaucoup de choses dans le cadre de mes fonctions, soit des articles de blog, soit des communiqués de presse, ce genre de chose. Après, j’avais une écriture un peu plus intime que je gardais pour moi et que je ne partageais pas tellement. “ Le journaliste tombe sous le charme des récits de l’écrivaine et c’est tout naturellement qui lui dira “Simone Veil, ça te branche ? ” Mais qui ne serait pas branché d’écrire l’histoire de l’une des plus grandes figurines féminines ?

Redécouvrir Simone Veil

Comme tout le monde, Amandine Deslandes connaissait Simone Veil et en avait une importante admiration, bien qu’avec honnêteté, elle confesse qu’elle n’était “pas non plus une experte du sujet.“ Plus le temps passe, plus ses recherches avancent et plus son “amour“ qu’avait l’autrice pour cette femme se renforce : “Par ailleurs, je dirais aussi que c’était un peu une envie de la mettre à l’honneur, ainsi que ses combats,  parce qu’aujourd’hui on est dans une situation où l’on manque un peu d’icône.“ Pour être la plus précise possible et ne manquer aucune anecdote, l’auteur s’est plongée dans une longue période de recherches qu’elle a établi en plusieurs étapes : “Dans un premier temps, j’ai lu l’intégralité des biographies qui ont été écrites sur elle précédemment. Ensuite, j’ai fait un travail de recherche d’archives dans les journaux. Aujourd’hui, il y a beaucoup d’archives de journaux qui sont accessibles en ligne, ça va de Paris Match, Gala, Le Monde au Figaro en passant par Le Point. J’ai travaillé sur des podcasts, notamment sur Radio France, puisqu’il y a beaucoup d’émissions avec des vidéos, sur les archives de l’Ina, dans lesquelles on retrouve des pépites comme son passage dans l’émission Le Divan d’Henry Chapier. “ Une documentation accrue, qui a permis à Amandine Deslandes de confirmer que Simone Veil “ne se définirait pas comme féministe“.

Simone Veil voulait réunir les hommes et les femmes

Simone Veil était une femme engagée, un fait que tout le monde connaît. Amandine Deslandes a pu remarquer qu’elle a toujours mis la cause qu’elle défendait bien avant ses propres opinions personnelles. « Elle n’était pas à titre personnel, intimement pour l’avortement. Et pour autant elle considérait que c’était un droit naturel pour la femme et elle l’a défendu.“, a expliqué l’autrice. En effet, la loi qui a tenu le plus à cœur à cette grande figure est celle sur l’adoption. Elle aurait même aimé que ce soit cette loi qui porte son nom. Il n’est pas très étonnant que cette envie de réunir les gens fût pour cette femme qui a connu la déportation essentielle à ses yeux : “Ce qui la passionnait sur la loi de l’adoption c’était ce travail de juriste, de mettre les bons mots pour mettre en œuvre la loi.

 

 
 
 
 
 
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Si Simone Veil est aujourd’hui un modèle crucial pour la gente féminine, pour continuer à se battre sur divers problèmes sociaux, Amandine Deslandes pense qu’elle “serait mitigée“ face à certaines initiatives : “Je pense qu’elle serait heureuse que les femmes se mobilisent et qu’elles continuent à se mobiliser. Elle disait peu de temps avant sa disparition que le combat n’était pas fini, que le chemin était encore long.“ Mais si Simone Veil serait fière que les femmes ne baissent pas les bras, elle n’aurait pas forcément aimé les nouvelles méthodes :

Je ne sais pas si elle aurait trop aimé ce phénomène “me too“ ou “balance ton porc“. Elle était pour la dignité de l’Homme en toute circonstance et jeter des personnes sur la place publique, je ne sais pas trop si ça lui aurait plu. “ Parler de Simone Veil, ce n’est pas seulement évoquer les femmes en général, c’est aussi sublimer celles qui l’ont entouré et plus particulièrement sa maman, comme elle aimait l’appeler. Prénommée Yvonne, elle était le pilier, sur qui toute la famille pouvait compter. Elle était le repère qu’était le cocon que formait la famille Jacob, dans lequel la militante a grandi.

Simone Veil et les femmes de sa vie

Amandine Deslandes décrit Yvonne comme “une femme exceptionnelle, rayonnante, d’une grande justice et d’une grande bonté. “ Puis, il y avait aussi ses sœurs, qui comme elle ont été des combattantes à ses côtés, bien qu’avec Denise tout n’a pas toujours été facile. Les frangines n’ont pas vécu la déportation de la même façon : Simone Veil a été une déportée raciale, qui a enduré les camps et notamment Auschwitz. Denise a été une déportée Résistante. “ Quand elles sont rentrées, les déportés raciaux ont été traités comme des gens qui ont subi. Des personnes qui avaient survécu, on ne sait pas vraiment comment. Il y avait une ambiance assez particulière autour de ça. Là où on célébrait les résistants en considérant qu’ils s’étaient battus et je pense que ça crée un fossé. En même temps, je pense que ce n’était pas facile pour Simone de comprendre ce que sa sœur avait pu vivre et la réciproque étant vraie aussi.

Simone Veil, qui a souffert des camps, avait un peu de mal à voir sa sœur sur le devant de la scène. Quant à Denise, elle détestait être le centre de l’attention… Mais une chose est sûre, elles s’aimaient trop pour se faire du mal et se disputer. Un lien qu’elles ont créé grâce à leur famille, qui pour l’époque était assez moderne. Une modernité qui a permis à Simone Veil de s’imposer, notamment auprès des hommes et plus particulièrement aux côtés de son mari. “ Elle avait de la chance d’être entourée d’hommes qui comprenaient ça et qui valorisaient cette place particulière de la femme. Je pense qu’il n’y avait pas de sujet d’ego concernant ses combats. Même avec son mari, quand bien même au départ il y a eu un petit peu des tensions sur certains sujets, très vite, il a aussi su se mettre au service de sa femme dans les batailles qu’elle menait. “  

Oui, Simone Veil n’était pas du genre à se mettre au second plan. Elle aimait montrer son côté rebelle dans ce monde très bourgeois dans lequel elle a évolué. “La première interview que j’ai lu dans mon travail de recherche qui était une interview qu’elle a donnée vers la fin de sa vie en 2007, elle disait : ‘je suis toujours rebelle’. À l’époque, elle avait 80 ans, donc c’était assez drôle. Elle avait à la fois ce petit côté très bourgeois qu’elle ne reniait pas, mais elle avait toujours cette envie de s’indigner.

Une romance

Simon Veil était une femme libre, indépendante, qui aimait pouvoir se démarquer par ses engagements, comme Amandine Deslandes qui se démarque avec sa griffe rédactionnelle bien à elle. Nombreuses sont les biographies quelque peu barbantes qui n’en finissent plus avec les dates, sans retranscrire la moindre émotion. Au fil des pages de l’ouvrage “Simone Veil, mille vies, un destin“, la biographie n’est plus. Simone Veil est l’héroïne de son histoire, tel un véritable roman. L’autrice nous embarque dans les aventures d’une combattante, qui ne renonce à rien pour advenir à ses fins. Mais c’est aussi l’histoire d’une femme qui tombe amoureuse et qui rêve de fonder une famille. Amandine Deslandes, explique cela par la vie très romanesque de Simone Veil : “Elle a quand même une vie riche en évènements, avec des rebondissements avec des drames, une histoire d’amour qui est aussi très puissante et je pense que quelque part, c’est de la bonne matière pour un roman.

L’écrivaine ne s’est pas seulement contentée de se documenter. Elle est allée au-delà en se glissant dans la peau de cette icône féminine pour “sentir des émotions“ et faire la description de beaucoup de choses : “Quand je lis, j’aime avoir des descriptions, me mettre dans le ressenti, j’aime pleurer, rire et c’est ce que j’ai essayé de faire et peut-être aussi que secrètement, j’ai envie d’écrire un roman, donc je les fais de façon romancée.

Désormais, le livre est fermé pour laisser place à une nouvelle histoire. Bien qu’Amandine Deslandes a eu beaucoup de mal à tourner la page et faire ses adieux à Simone Veil : “ J’ai eu le sentiment qu’elle vivait avec moi. Je vous direz même plus : quand j’ai fini le livre, c’était dur un peu de la laisser, à tel point que, quand l’éditeur m’a demandé quel est ton prochain sujet, je lui ai dit : ‘attend, pour l’instant je ne veux pas encore quitter Simone’. “ Il y a certaines rencontres qui bouleversent et marquent à jamais…

Si comme Amandine Deslandes vous aimez rire, pleurer, vous attacher aux personnages, on ne peut que vous recommander de vous plonger dans l’histoire passionnante qu’est “Simone Veil, mille vies, un destin.“

On oublie trop souvent que l’homme n’est pas une machine, qu’il éprouve des sentiments que sont difficiles à prévoir, aussi la ligne de conduite qui paraissait certaine, droite, continue, se brise et prend un autre chemin et que cela soit ainsi, je crois que c’est très rassurant, il faut laisser la place à la richesse de l’homme, à sa diversité, à ses aspirations profondes et cela je crois que les politiques comme les autres ont du mal à le prévoir.“

Simone Veil