Andréa Bescond : une actrice discrète qui porte sa voix

Andréa Bescond, réalisatrice, actrice, comédienne, Mathilde Dandeu, PressEyes

Andréa Bescond

Danseuse, réalisatrice, metteur en scène, auteure, Andréa Bescond a su s’imposer dans le monde du cinéma pour faire porter sa voix. En tant que femme engagée, qui se bat pour ses convictions, il n’est pas étonnant que Quentin Delcourt, l’un des créateurs du festival Pluriel.les l’ait choisi cette année en tant que Présidente du Jury émergence. Rencontre avec une femme tout aussi passionnée que passionnante. 

De 2014 à 2017, Andréa Bescond joue dans la pièce de théâtre “Les chatouilles ou la Danse de la colère“ mise en scène par Éric Métayer. Une pièce qui aborde un sujet délicat : celui de la pédocriminalité. Fort de son succès, tous deux décident de l’adapter à l’écran en 2018. Elle y incarne Odette, victime de ce crime. Peu à peu, Andréa Bescond sort de son silence, cette petite fille que les spectateurs voient, cette femme qu’elle est devenue, c’est elle, c’est son histoire. Pourtant, Andréa Bescond incarne cette rage et cette joie de vivre. Ça ne fait que quelques secondes que je l’ai au téléphone et je peux déjà imaginer son visage solaire et son sourire. 

 
 
 
 
 
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La naissance d’une artiste 

L’art est inné chez elle, elle me dit même “qu’elle est née là-dedans“. Alors non, elle n’a pas de parents acteurs, réalisateurs… “mais elle a toujours dansé“. Aujourd’hui elle a arrêté cet art, mais elle garde en elle cette fibre et “sera toujours danseuse“. C’est un endroit dans lequel elle se sent libre pour pouvoir exprimer ses multiples émotions. Et si elle n’est plus au service des pas de deux sur scène, elle s’en sert en tant que comédienne pour aborder certains de ses rôles qui lui demandent ses prouesses de ballerine. 

Puis, elle se replonge à nouveau dans ses souvenirs d’enfance : “J’ai toujours tenté de jouer, je me souviens qu’en CM1 j’avais trouvé tellement cool ce monologue d’Harpagon dans l’Avare, que j’ai demandé à ma professeure de français que je voulais bien le jouer.“  Dès son plus jeune âge, elle sait se démarquer en voulant incarner un homme, eux qui des années plus tard, la pousseront à devenir une féministe fervente. 

 
 
 
 
 
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Excitée de pouvoir se glisser dans la peau de ce personnage, Andréa Bescond prend bien soin d’apprendre son texte, qu’elle connaîtra sur le bout de ses doigts. Et c’est ainsi que le jour de la Kermesse, elle a débarqué dans la cour en criant “au voleur“. La petite fille audacieuse qu’elle était réussit à imposer le silence. Ses parents n’ont plus de doute, leur fille sera actrice et ils n’hésiteront pas à la pousser à poursuivre ses rêves. “Ils viennent d’un milieu modeste et c’est vrai qu’ils ont tout fait pour que je puisse danser ou jouer, ils se sont vraiment sacrifiés.“ Un sacrifice qui vaut bien tout l’or du monde, surtout quand Andréa Bescond affirme avec sérénité et reconnaissance : “Heureusement que j’ai eu ça.“ Malgré quelques années de souffrances et de silence, Andréa Bescond profite de ce petit brin de bonheur, d’un métier qui lui donne cette force de se battre pour elle, mais aussi pour les autres. 

Du jeu à la plume

Désormais actrice reconnue de ses pairs, elle est aussi une grande réalisatrice et auteure. Et si elle avait confiance en elle en tant que comédienne, elle l’était moins en tant qu’écrivaine. Mais c’est une rencontre qui lui donnera les clés, pour qu’elle prenne son envol avec son encre et sa plume. 

Tout comme jouer et danser, elle aime écrire. Un art qu’elle met en second plan, pour se consacrer à sa carrière sur les planches et derrière la caméra. Jusqu’à ce jour, où elle a ce besoin grandissant de se raconter, d’expulser ce mal-être sur une feuille de papier, pour ensuite donner vie à ses mots, d’abord sur scène, puis au cinéma dans “Les chatouilles“, produit par Les films du Kiosque.J’étais enceinte de mon deuxième enfant. J’avais une petite frustration artistique, parce que enceinte deux fois d’affilée, ça réduit un peu les rôles et la scène. Je me suis mise à écrire de cette manière comme un instinct de survie, et puis parce que c’était un trauma que j’avais besoin de mettre sur papier.“

 Lors de la représentation au théâtre des “Chatouilles“, elle fait la rencontre de Caroline Marson, éditrice chez Albin Michel. Conquise par la pièce, elle tient à féliciter la comédienne, et l’encourage à écrire un roman. Pudique sur son aura d’artiste, Andréa est touchée que l’on puisse croire en elle. Mais à ce moment-là, elle traverse une période compliquée et n’a pas vraiment la tête à s’exprimer à travers un ouvrage… Caroline Marson n’a pas dit son dernier mot et ne la lâchera pas. 

 
 
 
 
 
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Andréa Bescond, contactée par Thomas Sotto pour présenter une chronique coup de gueule tous les mardis, l’éditrice ne rate pas une seule émission de sa nouvelle protégée. “Elle m’a rappelé en me disant  : ‘Andréa je reviens à la charge, il faut que vous écriviez, je vous écoute et maintenant il faut que vous écriviez votre roman.’ “ Des mots qui ne sont pas insensibles à Andréa et restent dans un petit coin de sa tête. Les idées germent… et comme tout le monde elle connaîtra la joie du confinement qui sera sa parenthèse romanesque.  Égal à sa simplicité, elle me confie “Je viens de finir mon premier roman, on verra quand il sortira, je ne suis pas pressée. Je crois que j’aime ça raconter des histoires; que ce soit par le corps, les interpréter et les inventer. J’aime puiser les histoires dans le viscéral de l’humain, dans mes propres traumas et de les rendre universel, c’est quelque chose qui me passionne du plus haut point.“

Le devoir de libérer la parole 

Une femme engagée, qui de sa place d’artiste, de conteur de récit, ressent ce besoin de devoir libérer la parole pour toutes ces personnes qui ne peuvent être entendues. Bien que discrète sur ses talents, elle ose brandir les banderoles pour défiler dans les rues, pour dénoncer les violences faites aux femmes, elle ose sur les réseaux pointer du doigt ceux qui comètes des délits et ne sont punis par la loi, elle tend à mettre en lumière dans ses films des sujets sociaux cruciaux comme : “Quand tu seras grand“ qui évoque la pression subie par le personnel soignant dans les EHPAD ou encore “À la folie“, qui parle de cette emprise narcissique que peuvent éprouver les femmes. Oui, elle ouvre “sa gueule“, comme elle le dit et tant pis si ça ne plaît pas à tout le monde et quand on lui demande, si elle n’a pas peur d’être grillée dans le milieu du cinéma, si elle n’a pas peur que des réalisateurs, des producteurs, perdent du plaisir pour elle, elle répond tout simplement : “C’est que l’on n’était pas fait pour travailler ensemble.“ Vous l’aurez compris, soit on accepte Andréa Bescond avec ses revendications, soit elle refuse de créer avec des cinéastes qui ne partagent pas les mêmes valeurs et la même vision de ce que doit être le cinéma d’aujourd’hui. 

J’ai toujours été militante, c’est ma base, c’est ma structure. Je déteste l’injustice, ça me rend malade. J’ai ce but d’utiliser ma qualité artistique à des vues, non pas forcément à une forme militante, mais sous une forme d’éveil.“  C’est naturellement qu’elle revient sur le film “À la folie”. Elle tient à préciser qu’elle ne l’a pas fait toute seule. Réalisé avec Éric Métayer “c’est surtout Eléonore Bauer, accompagnée de Guillaume Labbé, qui a décrypté tout ce phénomène d’emprise“. Lorsqu’elle est contactée par Julie Coudry, la productrice, elle avertit son mari : “Toi je ne sais pas, mais moi j’y vais…“ Touché par le sujet, son époux ne l’a pas laissé seule pour faire naître ce beau projet. “J’ai envie de faire ces oeuvres-là, qui vont nous permettre de sortir…“  elle laisse planer un petit silence, la comédienne ne veut pas paraître prétentieuse, alors je le dirais à sa place: on a besoin des artistes, des femmes, des hommes comme elle qui s’engagent artistiquement, mais surtout qui ont un bon point de vue. Voilà Andréa Bescond, vous pouvez ainsi garder votre humilité.  

L’acharnement du bien faire  

Des sujets qu’elle traite avec ardeur. Elle passe des heures à étudier les chiffres, à lire les psychiatres, à regarder les associations féministes. Et l’une de ses grandes qualités est sa remise en question permanente. Une propriété rare chez l’être Humain : “Pour ‘Les Chatouilles’, je parlais de Pédophilie et je ne savais pas ce qu’étaient la sidération et l’emprise, ni le stress post-traumatique.“ Elle n’a pas eu honte d’écouter des féministes qui lui demandent d’utiliser le terme de pédocriminalité, plus adapté. “Elles m’ont ouvert les yeux, car c’est un travail collectif.“ Et c’est avec beaucoup d’admiration qu’elle les remercie, des femmes qui sont aujourd’hui des amies avec qui elle peut partager ses combats et ses opinions. “Elles savent que je suis ouverte à toute proposition et elles m’envoient des sujets sur lesquels travailler et quel bonheur. J’ai beaucoup de chance d’être entourée de ces personnes et je le crie haut et fort. J’ai besoin de ça et je remercie aussi toutes les productions qui soutiennent des sujets comme ça.“ D’ailleurs, elle est heureuse de m’annoncer que l’on vient de lui proposer de réaliser une série sur le revenge porn “et évidemment j’y vais en courant“. Elle n’omet pas de remercier aussi son époux, qui s’engage dans cette lutte et qui la supporte dans tous ses combats “je le mal mène de temps en temps“, me dit-elle dans un éclat de rire. 

 
 
 
 
 
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Présidente de jury au Festival Pluriel.les

Des messages qui ne laissent pas indifférent grand nombre de ce monde du 7e art. Notamment Quentin Delcourt à la tête du Festival Pluriel.les. Un festival qui au départ dédié aux femmes, a évolué avec son temps. Désormais, il prône la mise en lumière certes des femmes, mais aussi des hommes, des jeunes talents essentiels pour continuer les combats mis en place, mais aussi la diversité. Des grandeurs qui correspondent à celles d’Andréa Bescond, qui est cette année, la présidente du jury de la catégorie émergence. “Ce Festival est le cinéma que j’ai envie de défendre“, puis dans un énième éclat de rire, elle m’avoue qu’elle trouve ça fort qu’on lui ait proposé la présidence : “Concrètement on a fait un film, le deuxième arrive bientôt, mais je n’ai pas encore une carrière de dingue.

Toutefois, la catégorie qu’elle se doit de défendre lui ressemble. Cette jeunesse, c’est ce qui la motive dans nombreuses de ses actions, elle veut être là pour elle et la guider dans ses démarches artistiques. “J’ai envie d’apporter aux plus jeunes. Les plus vieux, on voit bien que c’est compliqué… ils sont encore dans leurs vieux ancrages et nous, notre génération de quadra il faut que l’on soit beaucoup plus véhément pour que ça change.“ Un Festival qui pour elle, indique que le monde change et que de plus en plus de gens veulent se battre pour faire évoluer les consciences dans le milieu du cinéma. Un cinéma plus libre, sans case et qui n’a pas peur de marquer les esprits par des scénarios qui véhiculent les précipices de la société. 

Une discussion prenante et fascinante, qui se termine sur les injonctions qu’Andréa Bescond a pu recevoir en tant que femme et elle est formelle, elle en a reçu “beaucoup“ : “ Des choses que je comprends aujourd’hui. Mais j’étais encore jeune et j’étais encore sous l’emprise du patriarcat…“ Elle se souvient de ses débuts, où on lui répétait qu’elle ne devait pas se manifester, pour créer le désir… Mais très vite, la jeune fille qu’elle était a su s’affirmer comme quand elle a osé refuser de monter sur une des scènes parisiennes. La raison ? Un cachet misérable, parce qu’elle n’était pas assez connue selon les critères de quelques organisateurs, qui quelques années plus tard sont venus à nouveau la chercher. Depuis, Andréa s’est promis une chose :  elle continuerait à parler “jusqu’à ma mort“ et même si ça doit déplaire. 

Andréa Bescond est une femme d’un immense talent, mais qui ne fait pas ce métier pour les strass, les paillettes, les soirées promotions… Devenir actrice, scénariste, réalisatrice est pour elle un devoir. Courageuse, elle est dotée d’une grande humilité, oui, car celle qui est toujours étonnée que l’on puisse voir en elle une grande artiste a remporté le César de la meilleure adaptation pour “Les Chatouilles“ en 2019, qu’elle a adapté et réalisé avec Éric Metayer. Et devinez ce qu’elle a fait du trophée ? Elle l’a offert à son équipe, quand d’autres l’auraient exposé fièrement sur une belle étagère sans âme…