Idir Azougli : la simplicité d’un acteur talentueux

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Crédit Photo : Thomas Laisne

Flâner dans les rues de sa ville peut parfois changer toute une vie. Rencontre avec Idir Azougli, un prénom et nom à retenir, tant le talent est sans mesure.

Je ne l’ai jamais su“, me confie Idir Azougli lorsque je lui demande ce qu’il l’a poussé à devenir comédien. Une profession, une passion venue à lui, alors qu’il marchait tranquillement dans les rues marseillaises, sa ville natale. Passé au bon moment, c’était son jour de chance, lorsqu’il fait la rencontre de chasseurs de têtes. Sa vie bascule ainsi du jour au lendemain… Mais si sa vie professionnelle prend un grand tournant, le jeune homme au timbre de voix cassé est resté le même. Il n’aime pas se regarder, il n’ose pas vraiment aborder les gens en premier, “sauf si je suis obligé“ et il n’est pas vraiment à l’aise en interview. Ce qu’il veut c’est “simplement jouer“. “Je n’aime pas dire que je suis un comédien.“  Pourtant, qui ne se vanterait pas de faire partie de cette nouvelle génération aux grands talents ? Idir Azougli, lui, s’est tourné vers la simplicité et l’humilité.

Jouer pour se retrouver

Sincère, il m’avoue qu’avant de faire partie de ce milieu du cinéma, il ne regardait pas vraiment de films et ne s’y intéressait pas. Désormais, jouer, incarner est devenu comme une drogue, voire une “thérapie“, pour mieux se connaître : “J’ai vécu beaucoup de choses et depuis que je suis dans le milieu du cinéma et de la télévision, ça m’a permis de mieux comprendre mon comportement quand j’étais plus jeune, mon caractère…“ Il prend conscience qu’il s’est toujours enfermé dans des rôles “mais sans m’en rendre compte, juste par instinct de survie“. Désormais, il le fait pour faire rêver les gens, leur raconter une histoire, les bousculer : “Quand je joue, je suis le plus heureux. J’ai cette impression d’apporter quelque chose dans le monde, mais à ma petite échelle et peut-être quand je ne serais plus là, j’aurais fait évoluer des choses, grâce à mes rôles.

 

 
 
 
 
 
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Bosseur, il ne fait pas de préférence entre la télévision ou le cinéma. Il travaille assidument pour les deux supports et cherche toujours à impacter et véhiculer un message.

Faire évoluer la télévision

Ce sont trois supports complètement différents, mais je pense qu’ils pourraient s’unir et créer une même énergie pour fonder un art magnifique.“ Bien qu’il incarne ses personnages avec autant d’énergie pour n’importe quel support, il se désole de voir que la télévision est peu créatrice. Pour lui, elle prime l’audience et non l’audace. Il met en lumière ces réalisateurs qui cherchent à concevoir des programmes originaux, mais qui mettent beaucoup plus de temps à sortir. Peur du risque, d’un manque de téléspectateurs, les chaînes sont parfois plus frileuses. Mais grâce au téléfilm “Comme des reines“, de Marion Vernoux, en replay sur France Télévisions, Idir Azougli a pu défendre la télévision qu’il aime : inventive, cinématographique avec un sujet sensible et nécessaire.

Dans ce téléfilm, Idir Azougli y interprète Nico, un jeune proxénète qui est à la tête d’un petit réseau avec trois jeunes filles, Samia 15 ans, Louise et Jessica, toutes deux 17 ans. Marion Vernoux n’a pas eu peur de s’introduire dans cet univers violent, dénigrant l’image de la femme. Elle en révèle des images puissantes, au plus près des comédiens, pour y voir larmes, peur, monstruosité… Mais ce que l’on aime, c’est que les trois jeunes femmes ne sont pas filmées comme de vulgaires filles qui veulent simplement se faire de l’argent. Face à elles, le spectateur est démuni…  Ensemble, elles plongent dans ce monde vicieux et ne savent plus comment s’en sortir. Cette liberté qu’elles pensaient s’offrir, devient un véritable enfer, sous les menaces de Nico.

Défendre son rôle

’Dans comme des Reines’, j’ai eu la chance d’être dirigé par Marion Vernoux qui est une réalisatrice très connue dans le milieu du cinéma. Ce que j’aime, c’est qu’elle a apporté à la télévision cet esthétisme du 7e art.“ La télévision, qui a tendance à proposer souvent les mêmes choses, la réalisatrice a su imposer un souffle nouveau, avec le risque de prendre des comédiens peu connus du grand public, mais d’un talent exceptionnel. Chacun incarne avec pureté et sincérité chaque scène : on est sensible à ces trois jeunes femmes, quand on ne peut que détester Nico.

 

 
 
 
 
 
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Un bon acteur défend toujours son rôle“, affirme Idir Azougli, avant de démontrer qu’il serait un monstre s’il existait vraiment : “ça serait malheureux et c’est quelqu’un qui fait peur.“ Mais en tant qu’acteur, il est un personnage complexe et intéressant à représenter : “Artistiquement c’était vraiment un challenge.’’ En effet, Nico est un homme à la fois violent, comme doux. Il n’autorise pas à ce que l’on frappe les trois jeunes femmes, mais se moque de ce qu’elles peuvent endurer psychologiquement… un rôle aux différentes palettes, avec une brèche d’un homme qui agit ainsi de par un passé difficile… Interprété avec brio et sans fausse note par le comédien, il a dû se battre pour l’obtenir.

Faire oublier les aprioris

J’ai eu beaucoup ‘de barrière’ dès le casting, car on ne me trouvait pas assez lice…“  Des jugements qu’il ne prend pas vraiment bien. Il se sent catalogué et se remet en question : Est-ce que je suis vraiment fait pour faire du cinéma ? Mais avec le temps, il comprend la machine de cet art :  “Je me suis dit qu’il était compréhensible que les chaînes, les productions, les distributeurs… qui misent beaucoup sur les projets, peuvent avoir peur quand ils se retrouvent avec des acteurs qui n’ont pas de noms…“ Idir Azougli n’a pas dit son dernier mot. Il n’est peut-être pas l’acteur avec le plus grand nom, mais il fait partie de ceux qui ont de la poigne. Il se bat et réussit petit à petit à se faire une place dans ce milieu très fermé. “J’ai deux handicaps pour le cinéma : je viens d’un milieu qui en est très éloigné et en plus j’ai un accent, que je travaille beaucoup pour l’effacer.

Cette force de travail paye. Idir Azougli décroche des rôles avec les grands du cinéma français, notamment dans “Bac Nord“, aux côtés de Gilles Lellouche, François Civil et Karim Leklou, mais aussi dans le cinéma américain avec “Stillwater“.

L’aisance

Réalisé par Tom McCarthy et porté par Matt Damon, le jeune acteur vit une expérience de “ouf“ avec “des moments inoubliables“ : “J’avais l’impression d’être à l’apogée.  Heureusement que j’ai toujours une petite voix qui me dit de faire attention, que c’est éphémère et que ce n’est pas donné à tout le monde…

 

 
 
 
 
 
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Sur le plateau de tournage, Idir Azougli se sent à son aise et prend le temps de plaisanter avec l’équipe du film. Une aisance liée au fait qu’il ne sait pas qui est la bête en face de lui, Matt Damon.  “Je savais que c’était un acteur américain, mais je n’avais jamais vu de film avec lui.  Et sur ce film, je pense que ça m’a aidé. Je me suis juste donné à fond dans mon rôle sans me laisser impressionner.“ Puis vient le festival de Cannes… c’est à ce moment-là qu’Idir Azougli réalise la chance qu’il a de monter les marches avec ce monstre sacré du cinéma américain.  “Aujourd’hui je regarde tout ce qu’il fait“, lance-t-il en rigolant.

Une expérience qui ne lui fera pas prendre une once de prétention. Bien au contraire, l’acteur sait la chance qu’il a eu de pouvoir tourner dans ce long-métrage, mais n’envisage pas pour le moment une grande carrière à Hollywood : “Je me dis qu’il ne faut pas brûler les étapes. Déjà j’ai eu la chance de pouvoir jouer dans Stillwater. Pour la suite je verrai bien si j’ai d’autres opportunités, mais déjà je pense qu’il faut explorer le cinéma français qui peut offrir de très beaux rôles.

Une filmographie pour le moment très dramatique, mais qu’il aimerait ouvrir à d’autres genres.

Du drame à la comédie

 “J’adore jouer dans des thrillers ou des films dramatiques, parce que j’ai vécu beaucoup de choses qui font que j’ai été direct orienté dans ça. J’ai l’impression d’exprimer tout ce que je garde au fond de moi à travers ce style de rôles.“ Pour prendre du recul sur son jeu, en loge il ne s’isole pas. Il va voir ses partenaires, rigole pour mieux se remettre dans la peau de son personnage. “Il m’est déjà arrivé de faire des rôles dans lesquels même après le tournage, j’étais encore trop ancré dans le personnage. Maintenant, quand je ne suis pas dans l’action, j’essaie de prendre du recul et de souffler un peu. Après, tout le monde aborde ses personnages différemment, chaque émotion est propre à chacun.

 Il me fait part de son envie de jouer dans des comédies ou des choses plus fantastiques. Son rêve ?  “J’espère que d’ici 15 ans, car le cinéma c’est long, j’aurais une véritable palette de rôles totalement différents.“  Alors, on se donne rendez-vous dans 15 ans…

En toute franchise, j’espère bien retrouver l’artiste bien avant, pour qu’il me parle de ses prochains projets. Au-delà de son talent, Idir Azougli a su se révéler lors de cette longue conversation sensible, drôle et bienveillant. Et s’il n’a cessé de répéter qu’il n’était qu’un “embryon“, il est selon moi un immense acteur en devenir et à (re)découvrir de toute urgence.