Laurent Bateau : l’acteur discret qui implose et impose à l’écran

Laurent Bateau, Mathilde Dandeu, C'est Magnifique, PressEyes

Crédit Photo : Guillaume Plas

Laurent Bateau a une personnalité des plus agréables : rassurant, souriant, il se soucie de chaque personne qui l’entoure, pour que tout le monde puisse se sentir bien. À l’écran Laurent Bateau n’est plus, et incarne pleinement ses personnages. L’homme que l’on aime, peut devenir en un claquement de doigts celui que l’on déteste, celui pour lequel on a de l’empathie, celui qui nous touche, nous bouleverse… Pour PressEyes, il s’est confié en toute authenticité.

Avoir Laurent Bateau au téléphone, c’est mettre un peu de soleil dans sa journée. Il rit (beaucoup), se montre entier, vous pose des questions, se soucie de votre avis. J’en oublie le travail et l’interview se transforme alors en une véritable discussion. Une qualité qu’il tient peut-être de son papa, qu’il décrit comme une personne “très rigolote“ : “Il faisait rire tout le monde très facilement“. Un homme que l’on imagine bienveillant à l’égard des autres et qui a donné l’envie à son fils de devenir comédien, qui pourtant n’avait que pour seule ouverture au cinéma l’émission  Au théâtre ce soir, présentée par Pierre Sabbagh.

Laurent Bateau et ses parents habitent dans une banlieue. Ils vont peu au cinéma et quand le jeune homme qu’il était s’y rend, c’est souvent seul. Assis dans ce fauteuil rouge, il admire Jean-Paul Belmondo, Robert Redford, Lino Ventura ou encore Claude Brasseur. Des comédiens qu’il aime “parce qu’ils ne trichent pas“. Et c’est d’ailleurs aux côtés de Claude Brasseur, que Laurent Bateau aura sa première expérience au cinéma, en tant que silhouette dans le mythique film “La Boom“.

Se démener

Laurent Bateau se plonge dans ses souvenirs. Il décrit avec précision sa mère qui le mène devant les studios de Boulogne, où est assemblée une foule de jeunes gens : “Tout le monde se recoiffait, tout le monde étaient très bien habillés. Ils avaient l’air tous très à l’aise et moi j’avais peur.“ D’un regard, sa mère comprend, et ils repartent ainsi directement à la maison. Le soir, son père rentre de sa journée. Il prend le temps de demander à son fils comment s’est passée son audition. Le garçon avoue : “Je n’y suis pas allé.“  Sa figure paternelle ne se met pas en colère et n’en cherche pas les raisons. Il lui demande tout simplement s’il a envie d’y retourner. Laurent n’hésite pas une seconde : “Oui“. Cette fois-ci, c’est entre hommes qu’ils retournent sur les lieux.

 

 
 
 
 
 
Voir cette publication sur Instagram
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 

 

Une publication partagée par Laurent Bateau Officiel (@laurentbateau)

 Le comédien en devenir fait des essais, qui sont validés par la distribution. Timide, discret, il observe tous ces adolescents autour de lui, qui tentent de se faire remarquer : “Ils étaient un peu imbus d’eux même et il y avait un côté branleur que je n’aimais pas, ils cherchaient à exister. Je ne voulais pas être comme eux, je voulais montrer autre chose : la discrétion, la timidité, les failles“, des qualités qui ne l’ont pas vraiment quitté. Une première entrée devant la caméra, dont il garde un bon souvenir, mais n’est pas celle dont il est le plus fier : “Ce n’était pas une expérience démente, mais elle m’a permis d’avoir envie d’aller plus loin.

Et pour aller plus loin, il jouera pour de grands réalisateurs et réalisatrices, dont Maïwenn et Lisa Azuelos avec qui il a travaillé sur plusieurs films.

Une famille du cinéma

Avec le temps, entre lui et les cinéastes, une relation de confiance s’est établie. Avec elles, Laurent Bateau se sent “plus détendu, on est plus heureux, on reste nous-mêmes“. Lorsqu’il parle de Maïwenn, on sent dans sa voix beaucoup d’admiration et il se laisse alors porter par une vague de compliments à son égard : “J’adore travailler avec elle.  J’adore tous ses films, même quand je ne suis pas dedans. Je revois sur les autres acteurs la joie de jouer, la jubilation. Elle dit toujours des choses qui nous aident, nous libèrent, elle est pragmatique, elle est géniale, et c’est impossible d’être mauvais avec Maïwenn.“ Il n’en oublie pas “sa joyeuse et pétillante“ Lisa Azuelos, qui est “toujours heureuse d’être sur un plateau“. Une réalisatrice qui aime les gens, qui aime discuter et qui fait valser toutes les barrières entre la réalisatrice, les comédiens, les techniciens : “Il n’y a pas de différence entre la cantine et la scène que l’on fait. Rendre heureux les acteurs, ne pas les juger, parler avec eux devant une machine à café, avant de vite aller faire une prise, c’est aussi important que le travail, qui n’en devient que facile.

Des personnalités, qui finalement ressemblent beaucoup à celle de Laurent Bateau. Un acteur loin d’être égocentrique et faisant attention à ceux qui l’entourent sur un plateau de tournage.

Le consciencieux

J’aime le travail de groupe. J’aime bien que tout le monde prépare les lieux, le décor… et qu’au dernier moment, il y ait les comédiens qui jouent des moments de vie et font croire que ça existe. C’est comme jouer à l’école, dans la cour de récréation.“ Une similitude à un détail près : les comédiens se doivent d’être un petit peu moins naïfs que ces écoliers, qui le temps d’une pause se transforment en super-héros. Puis, il y a ce texte à apprendre. Il demande de la concentration, du temps, dont Laurent Bateau cherche vite à se débarrasser. “Je ne l’apprends pas tout de suite. J’ai envie de comprendre ce que je dis. Tant que je ne comprends pas le texte, ça ne rentre pas.“

 

 
 
 
 
 
Voir cette publication sur Instagram
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 

Une publication partagée par Laurent Bateau Officiel (@laurentbateau)

Mais tel un écolier consciencieux, il écrit tout ce qu’il pense sur des cahiers qui finissent tous gribouillés dans tous les sens, avec ses intentions de jeux. “Il faut que tout soit simple, pour donner cette vérité aux gens“. Quand la réalisation et la production le lui permettent, il se donne à la lecture, notamment quand il fait un tueur en série. Et attention, il sait  “la différence entre chaque tueur en série : ceux qui sont organisés, pas organisés, s’ils ont un Pick Up, pas de Pick Up, comment ils découpent les corps…“ Si vous avez des doutes sur votre voisin, vous pouvez directement faire appel à Laurent Bateau, qui prendra plaisir à vous éclairer. Trêve de plaisanterie, car ce travail de recherche, permet à l’acteur “de jouer n’importe quelle situation et de proposer plein de choses.“

Et s’il semble passionné par les tueurs, Laurent Bateau s’est illustré dans des personnages doux et gentils à travers de nombreuses comédies.

L’humour

 Un genre que le comédien apprécie pour “son regard sur la vie“ : “J’aime que les gens me fassent rire. J’aime être à côté de François Berléand qui dit toujours des conneries. J’aime que les scènes soient drôles.“ Il prend en exemple “Polisse“, de sa très chère Maïwenn et raconte comment elle a eu peur que ce ne soit trop sombre : “Elle mettait de l’humour dans les scènes dramatiques. C’est tout ce que j’aime : être sérieux et en même temps rajouter de l’humour dans les scènes qui sont graves.“ Laurent Bateau ne se lasse pas du sérieusement ridicule, de faire des personnages drôles à leurs dépens et de ne pas rire de ce qui fait rire. Des personnages bien évidemment réussis et authentiques, notamment Mr Humbert dans la série “Les Grands“.

Laurent Bateau fait de cet homme une personne sensible, emplie d’humour sans le vouloir, avec ce côté très enfantin. Un personnage auquel on s’attache par sa tendresse et par l’histoire qu’il raconte, d’un homme qui découvre la paternité.

 

 
 
 
 
 
Voir cette publication sur Instagram
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

Une publication partagée par Laurent Bateau Officiel (@laurentbateau)

Du tueur en série au proviseur, en passant par l’expert. De la comédie au drame, Laurent Bateau en a vu passer des rôles et des genres. Et récemment, c’est dans un conte qu’il s’est dévoilé, et non pas dans l’un des personnages les plus appréciables.

Se surpasser

Dans les Disney, il y a la princesse, le prince, les animaux, les personnages gentils et puis les méchants… Dans “C’est Magnifique“, un conte réalisé par Clovis Cornillac, on y retrouve des personnages aux mêmes similitudes. Et le méchant de l’histoire, n’est autre que Laurent Bateau. Il rit, en espérant que les gens prendront du recul entre le personnage et l’acteur : “J’ai moi-même l’impression que l’acteur est complètement con.  Si les gens me découvrent avec ce rôle-là, c’est la catastrophe… je n’ai aucune excuse, je crie tout le temps…  Je me déteste. Il signe peut-être la fin de ma carrière.“ dit-il en rigolant ! Je le rassure, lui promettant de le défendre face aux personnes qui ne feraient pas la différence entre réalité et fiction. Je jure même dès à présent, que Laurent Bateau est tout sauf horrible. Mais n’est-ce pas l’art du comédien, de se glisser dans la peau de personnages opposés à son propre caractère ? Si dans le film il est détestable, c’est la preuve formelle de ses prouesses, qui confirment son talent d’acteur. Mais rassurons Clovis Cornillac :  si Laurent Bateau n’est pas en accord avec son personnage, il a adoré le jouer : “C’était jubilatoire“.

Aurait-il été raisonnable de refuser un film de Clovis Cornillac ? À écouter l’acteur pas vraiment. Égal à lui-même, il fait le plein d’éloges de son partenaire de jeu qu’il voit comme “Un chef de bande“ : “Quand il te dit qu’il a un rôle à te proposer, tu le suis tout de suite. Il donne envie. On a toujours cette impression qu’il sait où il va et on est bien à ses côtés.“ Un acteur, un réalisateur qui sait rester simple et “à tous les niveaux, avec de vraies amitiés sincères“.

Une histoire qui fait du bien

“C’est Magnifique“ met en scène Clovis Cornillac, un homme d’une certaine prestance, qui pourtant vie en marge de la société. Il ne connaît pas la valeur de l’argent, il ne connaît pas les codes à “la mode“, il ne connaît rien aux femmes et ne sait pas à quoi servent certains papiers… Il veut simplement exister et faire le bien.

Un véritable conte pour les grands et les petits, aux couleurs flamboyantes, à la musique entraînante et indissociable des personnages, mettant ainsi en lumière cette société qui passe son temps à juger chaque individu, nous enfermant dans des cases bien soudées. Au-delà du scénario, Laurent Bateau s’est épris des personnages : “Ils n’ont pas de vices, ils sont juste gentils“. Un long-métrage, qui pour l’acteur offre une parenthèse face à cette frénésie d’une vie ou tout le monde veut tout savoir sur tout, ou tout le monde cherche à être dans les dernières tendances… “C’est épuisant. Il n’y a pas de gens qui disent je ne sais pas.. C’est épouvantable et voir des gens qui ne savent pas, je trouve ça touchant. C’est peut-être trop naïf, mais je crois que ça fait du bien.

Ainsi, en vieillissant, Laurent Bateau est porté par des films qui ont un message fort à véhiculer avec un véritable sens. “Ce n’est pas indispensable qu’il y ait toujours des messages très forts, tu prends quand même du plaisir à travailler. Mais, il est vrai que tu es content quand il y en a.“ Il a cette sensation de faire avancer les choses, “à son niveau“ tient-il à préciser, sans jamais perdre sa modestie.  “Quand il n’y a pas de sens il faut toujours le chercher et se donner une raison pour ton rôle, pas forcément pour la vie, mais que ton rôle ait raison de parler.“

Parler, j’espère que Laurent Bateau continuera encore longtemps à le faire, que ce soit par le biais de ses personnages, autant que par celui des interviews. Lors de cette rencontre, il m’a évoqué par deux fois son papa, qu’il trouvait “exceptionnel“ et je l’assure à mon tour, Laurent Bateau l’est aussi, exceptionnel.