Odile Vuillemin : du voyage cinématographique au voyage spirituel

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Crédit photo M6

Odile Vuillemin c’est la simplicité, l’humilité et la gentillesse. Mais sous ces trois caractéristiques se cache une grande comédienne, dont le maître mot est “perfectionniste”. Dès qu’elle entreprend quelque chose, elle y va à fond et se donne à 100% humainement comme professionnellement. Désormais autrice avec son ouvrage “Latitudes”, la comédienne est en ce moment même dans la mini-série “L’homme de nos vies”. Pour PressEyes elle s’est confiée. Rencontre.

Odile Vuillemin éblouit par sa peau de porcelaine, vous transperce par son regard bleu, mais surtout elle vous fait rire. De son naturel et franc-parler elle commande un Switchel et moi un Kombucha dans le joli café Chez Judy à Paris. Les boissons commandées, nous partons sillonner la vie de l’actrice.

Issue d’une famille nombreuse “c’était plus compliqué pour aller au cinéma, que des familles moins nombreuses“, explique la comédienne. C’est avec un sourire un peu nostalgique, qu’elle se souvient d’être allée voir “ET”, “ça je sais… “. Ce n’est donc pas ses parents qui lui ont donné goût au cinéma, ni même ses études en sociologie et ethnologie.

 

 
 
 
 
 
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Curieuse, elle prend des cours de théâtre aux cours Simon et tombe amoureuse de cet art, sans compter la magnifique pièce « Le Roman de Lulu » avec Sandrine Kiberlain et Gérard Darmon qui la bouleverse. Tout devient urgent : elle aussi, elle veut devenir comédienne. “À la fin de l’année loisir adulte au cours Simon, la directrice m’a dit que j’avais du talent et qu’il fallait que je fasse la formation professionnelle.” Odile Vuillemin se laisse l’été pour y réfléchir. La réflexion en devient une obsession, jusqu’à ce que la voix de la raison ou de la folie d’exercer un tel métier qui demande de s’armer de patience, lui dit de tenter sa chance. Adieux sociologie et ethnologie, bonjour aux planches, aux plateaux de tournage et à une vie aux mille et une histoires.

Être au plus proche de l’humain

Devenir comédienne n’était pas le premier choix d’Odile Vuillemin. Et si on osait dire heureusement ? Sans sa formation en ethnologie ou sociologie, serait-elle devenue l’actrice qu’elle est ? Sûrement pas. La jeune femme qui se rêvait ethnologue, sociologue pour analyser l’humain, son développement au sein de la société, peut appliquer son savoir au sein même du cinéma, au service de ses personnages. “J’ai fait de la psychologie et ça me permet de creuser dans celle des personnages, de les voir réagir entre eux.

Venue de Province pour s’installer à Paris, ses études lui ont permis de mieux affronter les esprits plus libres des Parisiens. « Il y a une espèce d’ouverture d’esprit qui se fait sur notre société qui fait que l’on est plus à même de comprendre et de pouvoir retranscrire. » En tant qu’actrice, ce qui l’anime, c’est l’âme humaine :  elle aime construire le personnage physiquement, trouver des attitudes et porte beaucoup d’importance au costume. “Dès que je peux, je vais faire le shopping avec les costumières. On fait des essais, c’est toujours un moment génial et c’est quelque part la première prise en main du personnage.” Elle prend en exemple “L’homme de nos vies“, la mini-série diffusée en ce moment même sur M6, où elle avait imaginé une femme un peu garçonne : “Je voulais le retranscrire non pas dans le côté bourrin, mais surtout dans la silhouette.” Elle se pare alors de santiags, de jeans, de cuirs… “J’adore construire dans le détail, le petit accessoire qui fait la différence et qui peut changer la manière de jouer. J’aime aller à l’intérieur des méandres.”

 

 
 
 
 
 
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S’éprendre autant de l’être humain, c’est vouloir tout incarner et basculer d’un genre à un autre. Odile Vuillemin à cette capacité d’embarquer son public dans la comédie, du drame ou encore du fantastique.

Surprendre

J’ai de la chance d’être arrivée à un stade de ma carrière où je peux choisir, donc ça aide un peu. Ces derniers temps, j’ai fait beaucoup de drame et là je reviens à la comédie.” Un besoin pour l’actrice de changer de registre, pour éviter d’être mise dans une case, là où la télévision a tendance à offrir des rôles similaires à ses comédiens.

Un fait qu’Odile Vuillemin a du mal à nier. “C’est vrai que dès que des gens nous voient dans un personnage, ils ont tendance à nous reproposer les mêmes choses.” Pour Odile Vuillemin, c’est tout simplement une télévision, un cinéma qui a peur du risque ne voulant pas perdre son audience. “J’ose imaginer qu’à leur poste, leur stratégie normale est de se dire Odile, elle est géniale en drame, on a un drame on va lui proposer et de ne pas forcément aller le proposer à une actrice connue pour son comique.” Elle souligne tout de même les belles surprises comme Michaël Youn qui s’est révélé excellent en homme dramatique et félicite le parcours de Virginie Efira : “Elle a été très douée, car elle a su faire attention à ses choix avec une grande palette de personnages.”

Odile Vuillemin n’a rien à envier à Virginie Efira, concernant cette aptitude à être des actrices caméléons, qui n’ont pas peur de prendre des risques avec cette volonté de se surpasser continuellement.  “J’ai tendance à choisir des rôles où je me dis que je ne sais pas si j’en suis capable. J’aime me challenger, apprendre, chercher et je vais rarement vers la facilité.

En effet, le mot facilité n’est pas le mot auquel on pense lorsque l’on lit la filmographie de la comédienne. Toutes les femmes qu’elle a pu interpréter sont d’une grande complexité de par leur façon d’être, de penser ou par leur histoire.

Impacter

On revient longuement sur celles plus dramatiques. Des personnages auxquels beaucoup ont pu s’identifier et se sentir enfin soutenus/reconnus. Des femmes ayant une place cruciale au coeur de la société avec un véritable regard.  “La fonction première de comédienne est d’être un miroir de la société. C’est comme le Fou du roi, où à un moment donné on demande aux gens de se regarder dans la glace.

 Il est une évidence pour Odile Vuillemin que l’artiste doit transmettre des messages utiles. “Je crois aussi qu’une émotion ressentie est beaucoup plus éducative et parlante qu’un discours.” Une phrase qui la mène à parler de “L’Emprise“, dans lequel elle joue Alexandra Lange, une femme battue par son mari. Si mettre en lumière ce sujet pour sensibiliser le public est indispensable, un film est pour l’actrice beaucoup plus impactant. “À travers des discours, des recherches…on peut intellectualiser le sujet. Mais tant que ce n’est pas descendu dans le corps, dans les cellules, il est difficile de se sentir concernée. Avec ‘L’Emprise’ on a ouvert une porte et d’ailleurs, plein d’hommes n’ont pas réussi à regarder le film.

 

 
 
 
 
 
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Face aux images, face aux mots et à l’horreur, le public ne peut qu’être touché. Un film qui ne sert pas à diviser les hommes et les femmes, mais qui fait prendre conscience de ce clivage qu’il peut y avoir entre les deux sexes. Quand le film offre aux femmes un moment de sororité, il éveille une certaine honte pour les hommes. “Malheureusement, Je pense que peu de femmes peuvent dire qu’elles n’ont jamais rencontré de souci avec un homme… et peu d’homme ne peut se prétendre réglo, donc ça doit chatouiller une pulsion de virilité masculine, mais après je ne suis pas dans leur tête.

“L’Emprise” est bien plus qu’un film, mais un devoir. Une œuvre qui a sauvé des femmes battues et qui est aujourd’hui présentée au planning familial. “Il a marqué les esprits. C’est très chouette à son petit niveau d’avoir pu faire bouger un peu les choses.

Un rôle (comme tous) où elle s’est adonnée à 100%, bien que rien n’était gagné au départ.

Quand l’actrice se surpasse

À la lecture du scénario, elle se remet en question : sera-t-elle capable d’incarner cette femme : Alexandra Lange ? “En même temps, c’est une responsabilité que l’on nous offre que l’on a du mal à refuser et un rôle d’actrice fantastique qui est difficile de refuser.” Elle accepte, mais à deux conditions : qu’on la laisse pleurer ou qu’on la fasse pleurer pour éviter qu’elle n’explose.

J’ai beaucoup pleuré pendant ‘L’Emprise’, tous les jours, des litres de larmes.” Le producteur a été une précieuse épaule et l’a beaucoup accompagné. “Rentrer dans le rôle n’était pas la chose la plus compliquée. C’était de descendre et de rester en bas. Une fois que j’étais en bas tout se passait bien, mais il était important de rester dans des parts sombres.

Des rôles cruciaux à mettre en lumière pour la société, une responsabilité de véhiculer un message fort, mais surtout un devoir envers les familles, lorsqu’il s’agit de biopic ou de sujets sensibles de ne pas trahir les propos ou de tomber dans la caricature.

S’accompagner

Pour être la plus juste possible, Odile Vuillemin n’a pas hésité une seconde à aller voir les premiers concernés par ces histoires : “Je suis allée voir Alexandra Lange et pour ‘Pourquoi je vis’, j’ai rencontré Laurence Lemarchal. On a parlé pendant des heures. Quand j’avais des doutes sur le plateau je l’appelais, son mari était là aussi. J’ai vraiment préparé mon rôle main dans la main avec eux et ça me nourrissait.”

Pour “Il est elle”, qui n’est pas un biopic à proprement parlé, mais une histoire reflétant beaucoup d’histoires similaires sur la transidentité (un sujet qui a pu faire et fait encore polémique), Odile Vuillemin a regardé des documentaires pour se sentir le plus proche possible d’une communauté qui peut vite se sentir trompée. 

Des personnages pas toujours évidents. Odile Vuillemin, elle aussi, un être humain et non seulement une actrice a besoin de souffler et de s’évader dans ses propres voyages. Tout comme elle aime explorer ses personnages, elle aime explorer le monde, et a décidé d’en faire un ouvrage baptisé “Latitudes“.

S’ouvrir au monde

Ses personnages ne sont jamais loin d’elle, même ses voyages lui servent à les nourrir. “Quand j’ai beaucoup donné dans mes personnages, j’ai besoin de phases de repos pour m’en débarrasser, mais surtout me renouveler, voir de nouvelles choses, sinon je joue toujours le même rôle et il n’y a pas de progression. J’aime grandir, évoluer. Je retourne faire des stages à New York, à Londres ou je pars en voyage.

Des escapades qui lui permettent de se redécouvrir, tout en étant des outils pour l’actrice qu’elle est de découvrir d’autres façons de vivre, de penser : “Partir, m’offre la possibilité de prendre conscience que notre culture n’est valable qu’en France et encore pas pour tout le monde. Par exemple, le rapport à la sexualité chez nous, ce n’est pas du tout le même qu’à Tahiti…” Un pays où elle avoue ne jamais y être allée et explose de rire : “Pour ma défense j’ai appris le tahitien.” Elle prend alors un autre exemple, d’un pays qu’elle a visité : “En Inde, la sexualité fait partie des trois piliers de la santé. C’est une question d’hygiène aussi importante que bien dormir et se nourrir. En France, c’est quelque chose de très sacralisé, de tabou.

Elle voit le voyage comme un acte de tolérance, de volontariat pour comprendre qu’il y a d’autres façons de penser. “On sort de sa suprématie culturelle et on se rend compte que notre vérité n’est valable qu’à très petite échelle et qu’il y a d’autres vérités.” Des cultures qui lui donnent tout un champ de possibilités pour combiner des personnages différents. “Puis, il ne faut pas oublier que c’est beaucoup d’émerveillement, de rêve, de stimulation artistique, intellectuelle et émotionnelle.”

“Latitudes” est la continuité de son métier d’actrice. Tout comme elle nous fait voyager à travers ses films, elle nous fait voyager à travers son récit, mais cette fois-ci d’une manière plus personnelle.

L’actrice mise en pause

J’ai pu raconter mon histoire avec mes mots. En tant qu’actrice, on raconte les histoires des autres, avec les mots des autres. Avec ce livre j’étais maître de mon navire, même si j’étais accompagnée. Mais on m’a laissé choisir ce que je voulais dire et comment je voulais le dire. J’ai aimé trouver la structure, trouver du sens, transmettre du sens et avoir un style littéraire.

Une fois de plus, Odile Vuillemin pense aux gens, à ceux qui vont la lire. Elle n’a pas voulu les décevoir, comme elle ne veut pas les décevoir dans les films. Ici, c’est un peu d’elle qu’elle leur offre. Habituée à faire passer les émotions de ses personnages, là elle s’ouvre à son public en leur faisant ressentir ce qu’ELLE a vécu sur le moment présent, en passant par des situations comiques. “Je voulais que ce soit drôle, car il y avait des moments d’autodérision de Bridget Jones attitude, de bonne loose quoi…” Elle se met à rire.

 

 
 
 
 
 
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Du voyage cinématographique en passant par celui télévisuel, photographique ou encore littéraire, elle aime l’idée que sa vie soit un véritable voyage “pas toujours tranquille“, avoue-elle en rigolant : “Parfois, j’ai juste envie de me mettre sous une couette et de ne rien faire. C’est un voyage en soit, un autre voyage, mais quand même très agréable. Mais j’aime bien cette idée du mouvement. Pour moi la stabilité existe dans le mouvement, dès que l’on s’arrête on se sclérose. Dire que ma vie est un voyage j’aime bien, c’est une belle métaphore.

Prendre du temps

Nous transporter d’un univers à un autre, la comédienne n’est pas près de s’arrêter, avec une année 2023 qui s’annonce déjà très chargée avec la sortie de “Prométhée” de Christophe Campos, un projet top secret, l’envie de se remettre à écrire, l’écriture d’un long-métrage ou d’une série inspirée de “Latitudes” ou encore la création d’un blog pour nous partager tous ses voyages. Mais pour le moment, place à Noël et au repos ! “Mon projet premier est de réapprendre à vivre un peu pour moi. C’est quelque chose que j’ai perdu et je trouve qu’on le perd un peu tous, de trouver du temps pour soi. Avec le télétravail on a un peu tout mélangé et on s’est un peu tous jeté sur le travail sans cloisonnement. Par exemple, je kiffe les films de Noël, j’ai passé des années à les regarder et là je pense que si je fais ça je vais culpabiliser. Je suis donc en phase de rééducation.

Mais après cette rééducation, promis elle revient, pour continuer à transmettre des émotions.

Passer un moment avec la comédienne, qui rappelons-le a été nommée Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres en 2020, c’est s’enfermer dans une parenthèse de bonne humeur. En compagnie d’ Odile Vuillemin on se sent bien. J’aurais pu rester des heures et des heures à discuter comme avec ma meilleure amie.