Quentin Faure : la sensibilité d’un jeu franc

« Petit Vampire » de Joann Sfar, « Miss » de Ruben Alves, une pièce de théâtre pour ses élèves… Le comédien Quentin Faure nous offre pour cette année 2020 une belle palette artistique. Pour PressEyes, il a accepté de se confier sur sa façon de travailler ses personnages avec une approche anglophone, mais aussi sa vision du cinéma et ses messages sur la quête d’identité . 

« Juste une petite minute, je mets mes écouteurs, car je dois faire à manger en même temps », s’excuse Quentin Faure. Une fois bien équipée et les mains libres, nous commençons notre balade au cœur des souvenirs du comédien. Son père fou amoureux du théâtre lui transmet cette « maladie ». Il l’initie à une culture théâtrale et cinématographique qui le poussera dès la troisième à vouloir lui aussi raconter des histoires aux gens. « C’est aussi leur procurer de la joie, leur faire oublier leurs galères du quotidien, leurs soucis. Que l’on joue au théâtre, à la télévision, au cinéma, c’est leur offrir une pause enchantée et les voir repartir des étoiles plein les yeux… ou pas, certains trouvent que l’on est nul (rire). »

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Rendre les gens heureux est l’une des choses les plus importantes à apporter en tant qu’acteur pour Quentin Faure. C’est une motivation que l’on peut notamment ressentir quand il parle de son personnage dans le film de Ruben Alves « Miss », en salles le 28 octobre.

L’âme douce d’un sportif 

Tout débute à ses 9 ans, Alex est un petit garçon androgyne et porte en lui une finesse et une délicatesse. Il est à la fois un garçon et une fille qu’il assume avec la plus grande fierté et le soutien de ses parents. Sa vie va être chamboulée le jour où il rencontre Amanda à la fête de l’école. Elle lui procure cette envie : devenir Miss France. 15 ans plus tard, Alex (Alexandre Wetter) se retrouve orphelin. Il n’a plus confiance en lui, ses rêves se sont envolés. Mais la vie le mène sur le chemin de belles personnes qui vont devenir sa famille de cœur. Ensemble, ils feront tout pour cacher son identité de garçon et faire d’elle la nouvelle Miss France. Au-delà de ce concours exigeant, Alex part à la conquête de sa propre identité. 

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Quentin Faure y interprète Elias, un champion de boxe qui s’entraîne pour les Jeux Olympiques, mais surtout l’ami d’enfance d’Alex. Il va contribuer à l’amener en haut du podium. Pour incarner au mieux son personnage, l’acteur a eu deux mois de préparation avant le tournage. « J’avais fait des arts martiaux , mais la boxe anglaise, je n’en avais jamais fait. Pendant deux mois, j’ai regardé des vidéos de matchs de boxe, d’entraînements et j’allais refaire les mêmes à la salle. J’ai écouté des interviews de boxeurs pour savoir comment ils pensaient, dans quel état d’esprit ils rentrent sur le ring… Voilà comment je me suis complètement identifié à un boxeur. »

Mais bien plus que ce changement physique, ce sont les traits de caractère de son personnage que Quentin Faure a trouvé important de souligner. Des traits qui l’ont touché. « L’écriture de Ruben est très sensible, intelligente, très fine, dans cette façon qu’il a d’amener cette quête d’identité, car il n’est pas du tout dans les clichés. Il aurait pu faire de moi un boxeur macho et ultra viril, mais non pas du tout. Il n’y a pas une seconde où le personnage d’Elias est choqué, où il se dit ‘Merde, qu’est-ce que devient mon pote ?’ Au contraire, il lui dit oui tout de suite, ‘Oui, je vais t’aider’. »

Nous sommes bien loin de l’image du sportif et hétéronormé. Elias est un homme délicat, il voit son ami d’enfance et non un homosexuel ou un transgenre.

S’éloigner du regard des autres 

« Miss » apporte un message fort et primordial à notre société, dans ce monde où l’on a trop tendance à juger les gens, les blesser, leur montrer notre incompréhension. Certains n’osent plus s’affirmer et laissent derrière eux cette quête de leur véritable « moi ». Quentin Faure met en lumière la beauté de ce scénario plein d’espoir pour toute une génération : « Il y a plusieurs couches. La première, celle du personnage d’Alex qui incarne cette quête d’identité de soi, de qui il veut être. La deuxième couche vient des personnages qui gravitent autour et l’aident à véhiculer le message suivant :  ‘Une fois que tu as trouvé qui tu veux être, vas-y et fonce. Ce sera ta seule façon d’être heureux. On s’en fout de qui tu es, que tu te sentes homme ou femme’. »

Une histoire touchante, bouleversante et en même temps haute en couleurs grâce à des personnages qui portent en eux la joie et la bonne humeur : « Ruben a une façon de filmer à la Almodóvar, c’est très coloré ! C’est bouillonnant de vie tout le temps. » Une jouissance qu’il a retrouvée aux côtés de Joann Sfar dans un tout autre projet, aussi passionnant et chaleureux. 

Les coulisses du film animé 

Quentin Faure fera la voix de Fantomate, le bouledogue du prochain dessin animé du réalisateur et auteur Joann Sfar « Petit Vampire », dès le 21 octobre au cinéma. Une première pour le comédien qui a découvert l’univers du doublage. L’aventure ne lui était pas totalement inconnue puisqu’il a contribué à la création : « Il a fait une captation vidéo de toutes les scènes du film. Pour le coup, je jouais le capitaine des morts. En gros, ils ont filmé toutes les scènes, et après ils sont partis sur le dessin animé, pour lequel il m’a demandé de faire la voix de Fantomate, le chien. » 

Une première pour le comédien qui a découvert l’univers de la voix-off. 

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Une véritable discipline totalement différente du cinéma, de la télévision ou du théâtre. « La voix-off, c’est encore une discipline qui impose d’autres exercices.» Plongé dans le noir dans un studio, Quentin Faure est face à un écran géant où défile le texte en bas. Entouré du directeur artistique et de Joann Sfar, il est guidé pour jouer au mieux Fantomate. « C’est chouette, car dès que tu vois ton personnage, donc moi le chien qui bouge ou qui aboie, tu essaies dans le corps de reproduire la même gestuelle. C’est hyper physique, mais ce qui est génial c’est que tu es entre guillemets à l’abri. Tu peux essayer plein de trucs et, si ça ne va pas, ce n’est pas grave, ça reste entre toi et le directeur artistique. Tu peux t’amuser comme tu veux. » Même à travers mon téléphone, j’arrive à ressentir l’excitation du comédien tel un enfant émerveillé. 

Double jeu

Quentin Faure fait partie de ces comédiens qui ont envie de s’épanouir à travers un éventail de personnages. Une envie parfois limitée par cet art français qui aime attribuer une certaine étiquette à ses artistes.

« C’est pour ça que j’adore travailler avec les Anglais. En France, on ne me proposera jamais de jouer un geek à lunettes, alors que j’adorerais faire ça. Au conservatoire, on est aussi formé pour ça, pour faire le plus de rôles possible : se casser les dents sur des grands textes et des textes un peu moindres. La diversité, c’est ce qui fait la qualité d’un acteur. Si on s’enferme trop longtemps dans le même genre de rôles, on dépérit. »

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Une formation anglophone que le comédien connaît bien en jouant dans « Borgia », une série franco-allemande dont les acteurs venaient du monde entier, ou encore dans la pièce de théâtre anglaise « Alceste ». Un jeu qu’il aime par sa vision beaucoup plus directe. « La langue anglaise est plus simple, ils sont de suite dans le jeu, dans l’efficacité. Nous, on a une langue qui est très bavarde. »

Une énergie singulière et une façon de travailler sans ego que le comédien applique dans sa manière d’aborder aujourd’hui ses personnages. Deux cultures lui permettant d’apporter ce subtil mélange entre une préparation intellectuelle à la Française, indispensable pour remplir son imaginaire et une incarnation directe sur le plateau sans calculs intellectuels permettant de se laisser naviguer au cœur de l’action. « Il ne faut pas oublier que même si tu bosses beaucoup chez toi, tu ne seras qu’à 50% du travail, car après tu vas te retrouver avec tes partenaires, ton réalisateur ou ta réalisatrice. Les éclairages vont influer ton rôle et tous les autres paramètres. Il faut rester assez souple pour les prendre en compte. Sinon tu te blindes et tu n’avances pas »

Une conversation qui s’ouvre comme à son habitude sur les prochains projets du comédien. On pourra retrouver Quentin Faure dans la saison 2 de « Mortel » sur Netflix. « Cela m’a permis de rencontrer Simon Astier, j’étais vraiment content de travailler avec lui pendant deux jours. » Il écrit sa propre série avec son meilleur ami et une pièce de théâtre qu’il monte pour ses élèves.

Les plus impatients pourront voir ou revoir Quentin Faure dans « Un homme ordinaire » de Pierre Aknine, une série diffusée le 15 septembre dernier et disponible en replay sur M6. 

Une discussion passionnante avec un acteur que l’on sent tout aussi passionné et sensible à chacun de ses rôles.