Sly Johnson se connecte à la musique pour mieux se dévoiler

Crédit photo : Alexandre Lacombe
55.4, fait référence à ces 55 jours de confinement et ce 4e album solo. Un opus dans lequel Sly Johnson a pris le temps de se reconnecter avec lui-même, pour une meilleure connexion avec son public. Une œuvre intimiste, où le musicien, interprète et compositeur s’est senti libre de livrer toutes les émotions enfouies en lui. Pour PressEyes, il se confie.
Dès les premières notes, le petit garçon qu’était Sly Johnson se laisse transporter par le rythme. Autour de lui plus rien n’existe, les larmes qui coulaient quelques minutes plus tôt se sont envolées, pour laisser place au sourire et à cette vague de bonheur. “Le gamin que j’étais se sentait beaucoup mieux en présence de la musique.” Pas vraiment étonnant, quand on a un père qui ne peut lui aussi se passer de Vinyles ou de cassettes pour faire vibrer les murs de la maison familiale. “Mon père écoutait beaucoup de Jazz et de la musique latino-américaine.” Un besoin musical, qu’il ne voit pas comme un métier, d’ailleurs il n’y pense même pas. Elle est avant tout salvatrice ou synonyme de moment de joie, jusqu’à ce qu’ils se mettent à rapper et former le groupe Saïan Supa Crew. “C’est autour des années 1995/1996 que s’est devenu sérieux. Je me suis posé les bonnes questions, mais je le voyais aussi comme une chance pour découvrir des choses et grandir musicalement.” Les années passent et ses talents d’artiste se confirment, avec notamment la sortie de 4 albums en solo.
La musique avant les mots
“J’ai toujours écrit mes textes“, précise Sly Johnson. Des mots qui prennent vie dès lors que la musique bat son plein. Elle le guide dans ses émotions et le mène petit à petit vers un thème, pour laisser place à l’écriture. “Je me mets toujours devant ma petite station de son et je commence à composer. Je n’ai jamais composé en fonction d’un texte.” Sly Johnson se livre à travers les mots, mais ne se considère pas comme un raconteur d’histoire. Il prend le temps d’observer, avant de se laisser happer par un comportement, une émotion et en faire ressortir une vérité. “Il est important de ne pas tricher et c’est même l’une de mes règles centrales.” Même si parfois il est difficile d’accepter ce qui nous construit de l’intérieur, Sly Jonhson veut toujours être en phase avec ce qu’il ressent : “On est des êtres complexes, mais chanter cette complexité en réaction avec ce qui nous entoure, je trouve ça très intéressant.” Une sincérité opérant à une connexion forte avec le public, là où les barrières n’existent plus. “Plus on fait le chemin vers soi et plus ça nous permet d’aller vers l’autre et c’est ce qui est magique avec la musique.“
Avec son public, Sly Johnson réussit à tisser des liens particuliers. Du haut de la scène, ils les emportent avec lui dans ses joies, comme dans ses peines. “Je vois la scène comme un lieu de libération. Je ne cesse de découvrir des choses, de me découvrir, d’expérimenter de nouvelles facettes de la musique.” À chaque représentation, il aime découvrir ce nouveau public aux réactions différentes et à l’écoute de sa musique. Il voit la scène comme un lieu pleins de surprises. “J’aime qu’il y ait une sorte de symbiose avec le public. Je veux qu’ils ressentent ce que je ressens et leur faire vivre des instants de concert vraiment unique.“
Des représentations singulières, qui font sens avec la sortie de son dernier album 55.4, qu’il considère comme le plus intimiste.
Sly Johnson tombe le masque
Sly Jonhson est confiné, mais face à lui, il a cet horizon “assez fou“. Il est seul dans sa bulle, comme un rêve éveillé dans lequel il se retrouve avec lui-même. Il ne craint pas cette confrontation, bien au contraire. Elle lui permet de faire jaillir tout ce qu’il éprouve au fond de lui, toutes ces sonorités qui vibrent en lui et qui le font bouger. “Cette parenthèse presque hors du temps, m’a permis de faire sortir tout ce monde, de m’écouter et d’être à mon service.” Il retrouve la sérénité de composer, sans se poser de questions sur un premier ou deuxième single, sans essayer de trouver la bonne formule pour plaire aux plus grands médias. “Ce sont des questions qui peuvent bloquer le processus de création, penser à un single, c’est penser à la musique et la musique ne doit pas avoir un format type, même si bien évidemment, comme beaucoup de gens, il y a des singles radio que je peux apprécier, mais je pense que le processus créatif, lorsque l’on se lance dans un nouveau projet ne doit pas être interrompu ou bridé par des questions de ce type.“
Dans 55.4 on redécouvre l’artiste qu’il est : “Grâce à tous mes albums précédents, on peut enfin découvrir ma couleur musicale, ma touche, mon groove, ma manière de chanter, la manière dont la musique va sonner.” Dans cet album, le public accède à l’artiste qu’il est, mais aussi à l’Homme. Il se dévoile, il fait valser le masque pour une explosion d’idées artistiques, comme changer la texture de sa voix d’un morceau à un autre. “Je ne l’ai jamais fait sur les autres albums. Je voulais l’expérimenter avec ce disque, pour un lien encore plus fort entre la musique, ma voix et le texte.” Une œuvre qui renvoie à tous les genres musicaux, avec lesquels il a grandi, comme le jazz, avec lesquels il s’est forgé comme le rap, mais aussi du fun ou du gospel.
Sly Johnson est un artiste qui refuse de rester sur ses acquis, tel en est la preuve avec 55.4, pour lequel il a pris quelques risques entre expérimentations et mélange de sonorités. Mais il est aussi signe d’évolution, d’un interprète, un compositeur qui a cette soif de continuer à évoluer et se renouveler.