Tatiana-Eva Marie : muse d’un jazz intemporel et du cinéma

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Tatiana Eva-Marie (Crédit photo : Rachel Zeller)

2023 est pour Tatiana-Eva Marie signe de lumière. Chanteuse, elle nous bercera au son du Jazz manouche, avec son nouvel album “Djangology” qui sortira le 23 janvier. Une œuvre musicale au cœur de laquelle elle met un coup de projecteur sur Django Reinhardt, le créateur de cet univers qu’elle s’est réappropriée pour vagabonder d’une influence jazzy à une autre. Comédienne, elle est le personnage central de “Swing Rendez-vous”, sortie le 11 janvier 2023. Réalisé par Gérôme Barry, le film est une lettre d’amour d’un ami pour sa muse. Rencontre.

Devenir chanteuse n’était pas un rêve, ni même un choix pour Tatiana-Eva Marie. C’était tout simplement une évidence, tout comme les princesses de Disney qui ne peuvent s’empêcher de chanter. “L’élément déclencheur reste ma naissance“, dit-elle en rigolant. Dans sa famille, les générations se succèdent, faisant naître de futures étoiles musiciennes. Comme ses grands-parents, ses parents, ses oncles, ses tantes, ses cousins et cousines, elle est bercée par la musique dans le ventre de sa mère. Elle essaiera de s’adonner à d’autres loisirs, mais c’est trop tard elle est ensorcelée : tout la ramène à chanter et composer.

Faire danser

Son domaine de prédilection ? Le jazz des années 1920 à 1960. Elle veut faire tomber l’image élitiste de cette musique, afin qu’elle puisse reprendre la place qu’elle avait jadis. “Pendant cette période, le jazz était comme la pop d’aujourd’hui. C’était une musique pour boire, faire la fête, se retrouver, pour flirter, c’était une musique du peuple. Désormais, elle est réservée aux classes sociales supérieures.” Tatiana-Eva Marie, tend à en révéler toutes les facettes et fait découvrir à son public le Jazz Manouche, qu’elle considère comme le Jazz parisien. “C’est un son très particulier. C’est un son que Django Reinhardt a inventé. Pour moi, c’est la bande originale de Paris.” J’ai donc fait l’expérience. J’ai pris mes écouteurs, mon portable et j’ai écouté le dernier album de Tatiana Eva-Marie, en flânant dans les rues de Montmartre. La poésie des rues s’est renforcée et Paris ville de l’amour a pris tout son sens.

 

 
 
 
 
 
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Pourtant, sous cette musique poétique, qui donnerait presque l’envie d’aimer, se cache un monde quelque peu difficile, dans lequel règne les hordes de guitaristes.

S’imposer

Le domaine de la musique et plus particulièrement la pratique du jazz a été longtemps réservé aux hommes. Tatiana-Eva Marie décrit ce milieu comme un grand concours perpétuel entre les musiciens, qui n’hésitent pas à faire leur coup en douce pour déstabiliser leur voisin. “Les hommes sont extrêmement méchants entre eux, il ne faut pas penser que c’est les hommes contre les femmes.” Lors d’une représentation, elle en a aussi fait les frais.

La chanteuse monte sur scène, on lui tend un micro… Dès les premières notes, ses “camarades” s’amusent à le lui éteindre. “C’est juste pour se montrer plus fort que l’autre artiste” et d’une voix mécontente, elle lance : “Ce n’est pas ça la musique. Heureusement c’est en train de se calmer et les femmes sont beaucoup plus respectées.

Pour l’artiste, le respect se gagne dès lors que l’on montre son amour pour la musique. “On ne peut pas juste vouloir être chanteuse parce que c’est cool. Il faut vraiment approcher la musique comme une musicienne, presque comme une geek. Il est essentiel de montrer que l’on est là pour une vraie raison et ça force le respect.

 

 
 
 
 
 
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Un respect qui lui offre la possibilité de s’épanouir encore et encore à travers la musique. Une musicienne innée, qui aime expérimenter et se livrer à ses auditeurs par le biais de ses textes, tout comme elle l’a fait avec son nouvel album baptisé “Djangology”.

L’œuvre de Django Reinhardt sous une nouvelle corde

Fascinée par la délicatesse du Jazz Manouche, Tatiana-Eva Marie cherche comment l’intégrer à son propre univers. Chose peu simple, quand on sait que les chanteuses n’y ont pas vraiment leur place. Mais combattante ou têtue, elle y parviendra en reprenant les œuvres de Django, une musique dénuée de paroles, sur laquelle elle imposera les siennes. Une prise de risque que l’on ne peut qu’applaudir, tant l’œuvre est à la fois intimiste, tout en respectant le travail de Django que l’on (re)découvre. “J’ai envie que les gens écoutent cet album et oublient complètement que c’est la musique de Django, pour pouvoir la redécouvrir à travers d’autres histoires, à travers d’autres sons.

Elle n’hésite pas à transformer les musiques de son maître en bossanova, en leur donnant une touche tzigane ou une note de jazz français des années 1860.

Des tonalités qui s’entremêlent, donnant cette impression de mouvement, faisant écho à la bougeotte de Tatiana-Eva Marie, elle qui vit entre Paris et New York. “Je suis incapable de rester au même endroit trop longtemps, c’est mon côté Tzigane. J’aime bien bouger, je me sens bien partout, je me sens chez moi dans n’importe quelle situation. J’ai envie que cet album il soit comme un carnet de voyage.

Pari réussi.  Écouter “Djangology”, s’est se laisser porter par ses rêves, un voyage presque énigmatique qui pénètre dans son esprit pour lâcher prise. L’art d’une belle artiste, d’une femme forte qui ne se décourage devant rien.

Une femme de tête

Rédactrice en chef du magazine Shrine Magazine, chanteuse, actrice… Tatiana-Eva Marie est une femme moderne. Libre, son caractère est en opposé à ces années 1920 à 1960 qu’elle adore tant, mais qui offraient peu de place à la femme, souvent ramenée au rôle de simple ménagère. Est-ce dont une revanche pour ses pairs ? “Ce n’est pas une revanche, mais je ne crois tout simplement pas au fil du temps. Je ne vois pas ces années-là comme des années d’un autre temps, c’est absurde puisque l’on en vit les conséquences et les restes. J’ai envie de rendre hommage aux femmes de ces époques en continuant à vivre avec autant de courage qu’elles l’ont eu. Toutes les époques ont leurs problèmes et la liberté, c’est être imperméable aux problèmes d’aujourd’hui et de demain.

 

 
 
 
 
 
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Des paroles inspirantes, tout comme elle l’est. Elle en devient même une muse pour Gérôme Barry. Le réalisateur s’est inspiré de sa vie et en a fait le personnage central de son dernier film “Swing rendez-vous”.

L’inspiration d’une vie en musique

Anna Karina, muse de Jean-Luc Godard, Penélope Cruz, muse de Pedro Almodovar, Romy Schneider muse de Claude Sautet… et Tatiana-Eva Marie, Muse de Gérôme Barry.

Le réalisateur a le syndrome de la feuille blanche, l’inspiration lui manque pour raconter des nouvelles histoires. Une période difficile, de doute et de remise en question sur son art. Heureusement, il pourra compter sur la main tendue de son amie Tatiana-Eva Marie, qui ne peut le laisser ainsi et l’invite à passer quelques jours enivrant sous la folie du jazz new-yorkais.

Elle en est certaine, ce changement de décors et de rythme ne peut que réanimer sa plume. Son intuition est la bonne.

Imprégné du quotidien féérique de son amie, le réalisateur lui confie qu’il va faire une fiction, une comédie musicale, inspirée de sa vie. “Au départ, je ne savais pas qu’il allait incorporer autant d’éléments de ma vie dans ‘Swing Rendez-vous’.” Elle le découvre au fur et à mesure du tournage, quand il veut tourner chez elle, dans tous les lieux qu’elle fréquente et qu’il lui laisse la liberté de faire jouer ses amis dans leur propre rôle.  “Tout d’un coup ma vie a été projetée à l’écran. J’ai dû jouer mon propre rôle, avec une version parodique de moi-même voire cauchemardesque (rire). L’idée d’être une muse de quelqu’un c’est flatteur, mais se voir sous la loupe, et réussir à rire, avoir de la tendresse pour ses défauts, pour soi-même ou avoir de la tendresse pour son visage quand on le voit en grand écran dans une salle de cinéma, ça demande beaucoup de lâcher prise.”

Un exercice pas vraiment facile, mais qui lui a donné la chance de mieux percevoir sa personnalité et son caractère : “Je me suis rendue compte que j’étais une emmerdeuse (rire), mais vraiment… parfois il a repris des phrases que j’ai pu dire, et je me suis dit ‘ah oui c’est vraiment moi ça… ça craint’. Mais ça m’a fait beaucoup de bien.

Rebondir

Après une traversée dans le vide, ce film révèle les talents de Gérôme Barry. En quelques jours, juste en observant, il a su déceler qui était son amie, en sublimant sa personne et son art. Dans “Swing rendez-vous”, on retrouve la poésie, l’humour et la douceur des textes et de la musique de Tatiana-Eva Marie. Bien plus qu’un film, mais un témoignage d’amour pour son amie, pour celle qui lui redonnera confiance en son cinéma.

Gérôme Barry deviendra-t-il à son tour la muse de Tatiana-Eva Marie ? Pour le savoir, il suffit de continuer à suivre de près l’artiste. Tombée amoureuse de l’écriture pendant la pandémie, “il n’y avait rien d’autre à faire“, confirme t’elle, elle a le souhait de développer cette partie de son art. Un art déjà bien développé, puisqu’elle a eu la chance d’écrire un livret d’Opéra qui sera mis en scène en 2024.

De sa voix rêveuse et suave, émane de Tatiana-Eva Marie, une femme de caractère, tout en gardant en elle cette bienveillance, qui fait d’elle une belle âme, une belle artiste qui sait saisir et toucher son public.