« Game of Thrones », une œuvre d’art du XXIème siècle

SPOILER ALERT. La série « Game of Thrones » a repris cet été, le 17 juillet. Depuis, quatre épisodes ont été dévoilés au grand public. La nouvelle saison marque le retour de Daenerys Targaryen, Jon Snow et Cersei Lannister, tous à l’affût du Trône de Fer. En six ans, l’univers sombre des sept royaumes s’est imposé comme une véritable œuvre d’art de ce siècle. Entre une violence débridée, une sexualité assumée, un décor magique et des costumes intelligemment conçus, la série gagne le cœur des nouvelles générations.

© Vulture

Alors que la costumière en chef, Michele Clapton, révèle la conception de la garde-robe de la Night’s Watch en tapis IKEA, « Game of Thrones » enchaîne sa septième saison. Chaque année, la série suscite l’émoi chez les fans et dans les médias, que ce soit une mort inattendue ou l’arrivée d’un nouveau personnage. Depuis 2011, les scores d’audience ne cessent d’augmenter : 2,5 millions de spectateurs pour la saison 1 et 4 millions pour la saison 2 aux États-Unis. Aujourd’hui, les chiffres atteignent des sommets avec 9,25 millions de vues pour le troisième épisode « The Queen’s Justice » diffusé dimanche dernier. Au total, les trois premiers épisodes réunissent 28,62 millions de sériesphiles.

Capture d’écran AlloCiné

Un tel succès dû à une transformation du terme « séries télévisées ». GOT ne possède aucun filtre. Meurtre, torture, viol, immolation, … la violence est à son paroxysme. C’est précisément ce côté maléfique qui séduit. Vincent Colonna, spécialiste de la production et de la réalisation de séries, parle de « fictions immorales » dans le tome 2 de son ouvrage « L’art des séries télé ». Un phénomène qu’il explique au Figaro :

« Ma thèse est que les séries apprennent aux nouvelles générations, à travers des récits qui fonctionnent comme des fables, à se prendre davantage en main, à moins faire confiance à l’État pour les protéger et assurer leur bien-être »

Si cette analyse semble très haut perchée, elle s’avère correcte sur un point. Dans le monde du Game of Thrones, toute règle finit par être enfreinte, manipulée ou ignorée. Daenerys en est le parfait exemple. Elle change la donne lorsqu’elle libère les Unsullied et les esclaves de Meereen. Elle transforme la vision du monde avec la naissance de ses trois dragons. De la même manière, la série apprend au spectateur à se défaire de leurs propres chaînes et de leurs préjugés. Elle permet de s’identifier aux personnages qui la composent. Mais aussi de découvrir un univers surnaturel inédit.

Les femmes, des héroïnes conçues sur mesure

Après « Sex and the City » dans les années 90, il a fallu attendre « Game of Thrones » (2011) pour admirer des héroïnes dignes de ce nom. Les femmes de la série sont souvent représentées comme des icônes fortes et courageuses, des êtres supérieurs à l’adversité. Parfois victimes d’exactions, elles se relèvent et renaissent de leurs cendres. Un message que leurs costumes transmettent tout au long des saisons. Exemple : les filles de Ellaria Sand (épouse du défunt prince Oberyn Martell), des guerrières, chacune spécialiste des poignards, lances et fouées.

Obara, Nym et Tyene Sand (© Esquire © Esquire © Business Insider)

Il ne suffit pas d’être experte en l’art du combat pour devenir une « superwoman » dans GOT. Il faut également savoir manipuler, ruser et s’exprimer. Des compétences que maîtrisent les reines des sept royaumes. Progressivement, les tenues de Daenerys et Cersei s’assombrissent et s’endurcissent. Les deux souveraines passent de lady soumises à leur mari à de véritables amazones, indomptables et féroces.

© Harper’s Bazaar © Le Parisien © ew.com © Harper’s Bazaar © Watchers on the wall

 

© Pinterest © Vanity Fair

Sans oublier les mentions honorables de Missandei (Northern Islands) et Margaery Tyrell (Highgarden). La première commence en tant qu’esclave à Astapor pour devenir la main droite de la Mère des Dragons, Daenerys Targaryen. Margaery, elle, connaît une histoire de vie inversée. Elle naît dans une famille riche de Westeros et finit dans les cachots du High Sparrow (chef religieux, juge des sept dieux).

© A Game of Clothes © A Games of Style © Game of Thrones © RTL

 

© Pinterest © Play Buzz © Melty

De plus, la sexualité féminine est totalement assumée. Entre viols, prostitution et nudité, les séries contemporaines éliminent les tabous autour de leur corps. Mais, d’après Iris Brey (Sex and the series – Sexualités féminines, une révolution télévisuelle), les femmes sont traitées comme des objets de marketing : « la série ne montre jamais comment la victime va vivre avec ce traumatisme, ces scènes de viol n’existent pas pour nous pousser à réfléchir à la définition du consentement, elles ne sont pas là pour faire avancer l’intrigue ou donner du relief à des personnages. Ces scènes semblent avoir été écrites pour montrer des femmes nues et vulnérables et faire grimper l’audimat. Dans Game of Thrones, les agressions sexuelles sont érotisées et elles sont nombreuses ».

FUN FACT. Fin avril 2016, le site pornographique PornHup enregistre une fréquentation en baisse de 4% pendant la diffusion du premier épisode de la saison 6 sur HBO.

Un ouvrage historique, entre réalisme et magie

Les secrets de tournage ne sont plus si secrets. Au fur et à mesure, la direction de GOT révèle les coulisses de la réalisation sur le site makinggameofthrones.com. Dernier en date, les costumes des enfants Stark lors de leurs retrouvailles dans l’épisode 4 de la saison 7.

Capture d’écran http://www.makinggameofthrones.com

Des accoutrements qui rappellent une partie de l’Histoire. A partir de 1996, George R. R. Martin s’inspire des « Rois maudits » de Maurice Druon pour écrire « Trône de fer (A Song of Ice and Fire) ». Plusieurs scènes font référence à des événements historiques, comme le Red Wedding (mariage rouge). L’idée du massacre de la famille Stark provient du Black Dinner, la mise à mort du fils de l’ancien régent d’Écosse Earl William et de son jeune frère David pendant un dîner royal dans les années 1400. D’autres tirent leur inspiration de l’époque des Vikings ou des Tudors.

http://history-behind-game-of-thrones.com/

La base historique aide les producteurs à atteindre l’authenticité par excellence. Notamment lors des batailles. Avant de s’aventurer dans les méandres de la Guerre des sept royaumes, ils ont étudié différentes techniques de combat de l’ancien temps. Pour la Bataille de Winterfell, l’enjeu reposait sur la pile de cadavres qui s’entassent pendant un affrontement sanguinaire, conçue grâce à des mannequins. Si beaucoup de décors sont faits maison, certains sont créés par ordinateur. Un mélange absolu pour une storyline encore plus réaliste.

Les effets spéciaux, les paysages et les costumes garantissent le succès de « Game of Thrones ». Ils s’imposent comme une preuve d’un ouvrage soigneusement ficelé. Ainsi, le budget par épisode s’élève à 10 millions de dollars.

Mais, le visuel ne fait pas tout. Si les fans de GOT s’accrochent toujours à leurs écrans, c’est également grâce à la musique. D’abord, la symphonie légendaire du générique. Que ce soit les Lannister, les Stark, les Tyrell, les Targaryen, … chaque famille possède un thème instrumentale. Les mélodies participent alors à la compréhension du scénario, déjà très complexe.

 

Marie Boetti

Source Photo : Le Journal du Geek