“Kramer contre Kramer” : un fils deux batailles

Dustin Hoffman, Meryl Streep

Crédit photo : DR

Sorti en 1979, Kramer contre Kramer est un témoignage sociétal sur la place de la femme, de la mère, de la place de l’homme, du père et celle de l’enfant au cœur d’un divorce.

Inspiré du livre Le droit du père d’Avery Corman, le film Kramer contre Kramer (1979), réalisé par Robert Benton, met en lumière différents sujets sociétaux à travers le divorce. Porté par Dustin Hoffman et Meryl Streep, ils nous embarquent au cœur de leur bataille : leur fils incarné par Justin Henry. Disponible sur OCS jusqu’au 28 février prochain, PressEyes tenait à mettre en lumière ce film culte, et les raisons qui en font un immanquable.

Le Pitch

Après huit ans de mariage, Joanna Kramer a tout essayé pour être l’épouse parfaite, la mère parfaite. Elle a tenté d’être à la hauteur des exigences de son mari. Mais il en est trop, elle n’y arrive plus… Elle embrasse une dernière fois son fils avant de faire sa valise pour quitter le foyer familial et demander le divorce. Un chamboulement dans la vie de Ted Kramer au sommet de sa carrière qui ne comprend pas cette femme : elle a un foyer, un mari qui travaille d’arrache-pied pour subvenir à leur besoin.

Le film impose cette réflexion : est-ce suffisant pour combler une femme, à l’aube des années 80 et de la révolution féminine en cours dans les années 70. Une interrogation renforcée par Billy lorsque son père l’amène dans son nouveau bureau situé en plein cœur de New-York. Le petit garçon ébloui est persuadé que si son père amène sa mère ici, elle voudra revenir à la maison. Kramer contre Kramer est un film qui tend à élever les consciences : l’argent, le matériel et le superflu ne peut remplacer l’amour.

Naufrage d’un père

Le spectateur se retrouve témoin de l’abandon de Joanna Kramer. Comme Ted Kramer, nous sommes dans l’incompréhension d’un tel acte. Peut-on réellement mettre un terme à sa vie de couple, de famille du jour au lendemain sans réelle raison… Une mère peut-elle abandonner son fils sans remords.

On suit le quotidien de cet homme qui doit assumer ce « nouveau » rôle de père qu’il n’a jamais vraiment tenu. Un départ tardif et maladroit avec du pain perdu cramé, des retards à l’école et un petit garçon qui lui rappelle sans cesse que sa mère ne faisait pas comme ça.

 

 
 
 
 
 
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Au fil du temps, l’homme et le fils apprennent à vivre ensemble, se redécouvrir et naît entre eux une belle complicité. Celui qui n’était que de passage le soir, devient le socle de Billy. Ted Kramer ira même jusqu’à perdre son travail pour ne jamais manquer une réunion de parents/ élèves, pour prendre le temps d’amener son fils devant l’école sans oublier le bisou.

Révolution paternelle

Il n’est plus seulement celui qui ramène l’argent à la maison, mais un père de famille bienveillant, voire un lion avec sa progéniture. Le long métrage révolutionne cette image patriarcale. Il montre que l’homme peut travailler tout en s’attardant aux tâches ménagères et à l’éducation de ses enfants.

Dustin Hoffman rend ce personnage touchant par sa façon d’être maladroit tout en faisant de son mieux pour rendre son fils heureux. Le spectateur s’attendri devant ce duo inséparable qui va être bousculé par Joanna Kramer, alors que le film montrait une autre forme d’unité familiale centré sur un père célibataire.

Après 15 mois d’absence, la mère revient comme une fleur, sourire aux lèvres. Comme si de rien n’était, sans aucune culpabilité, elle demande la garde intégrale de Billy. Telle une antagoniste. Mais tout n’est pas si simple, et le film révèle des subtilités sur le féminisme loin de l’idée qu’une femme peut être réduite au simple rôle de mère.

L’émancipation de la femme

Kramer contre Kramer révèle la femme libre, celle des années 70 qui se bat pour s’imposer avec le mouvement de libération des femmes. Un mouvement qui va au-delà de l’égalité des droits.

Leur but était de changer les mentalités et surtout l’image que les hommes leur imposent sur elles-mêmes et qu’ils imposent à la société : celle de la ménagère. Joanna Kramer est l’exemple de ce combat qui prend forme, en soulignant tous les changements de la condition féminine : Elle ne veut plus passer ses journées seule chez elle à attendre son mari, être ramenée essentiellement à son rôle de génitrice. Joanna Kramer a envie de se découvrir, se connaître en tant que femme.

Son choix de partir choque : qu’elle femme peut demander le divorce à cette époque ? Qu’elle femme peut abandonner son enfant et revenir en demandant la garde exclusive de son fils sans considérer les efforts et implications du père auprès de son fils ?

Tout simplement celle qui s’est sentie perdue, incomprise par un mari absent, ne prenant pas le temps d’écouter son épouse. Une femme qui sait dans ce moment présent ce qu’il y a de mieux pour elle. Elle a appris à s’aimer afin de pouvoir aimer en retour.

Sans rancœur

Un divorce, une garde d’enfant, le passage devant un juge est inévitable. Cette bataille est apportée par le film avec beaucoup de délicatesse. Ted et Joanna Kramer ne véhiculent aucune haine. Ils se défendent en tant que parent sans tenter de se faire du tort.

Des scènes déchirantes avec une prestation bouleversante de Meryl Streep. Les larmes sont réelles, les blessures sont présentes. Elle ne veut pas faire de mal à son ex-mari, elle tend juste à justifier sa solitude lors des cinq dernières années de mariage. Elle évoque un mari incapable de comprendre ses peurs la laissant se perdre dans ses propres doutes. Une femme qui perd confiance en elle et se persuade qu’elle est une mauvaise mère.

Elle n’a pas abandonné son fils, Joanna Kramer avait seulement besoin de se retrouver, se prouver qu’elle était quelqu’un de bien.

Intimiste

Des discours poignants, durant lesquelles la caméra se tourne vers Ted Kramer, qui n’acquiesce pas quand elle dit ‘qu’elle pensait ne pas être une mère parfaite’. Pour lui, elle l’est sans aucun doute.

On voit l’homme prendre conscience que c’est lui qui n’a pas été à la hauteur des attentes de son épouse… transparente à ses yeux jusqu’au bout. Pendant des mois Joanna Kramer s’installe dans un café en face de l’école, il ne la remarquera jamais, sauf à la fin, mais il est déjà trop tard.

Le film Kramer contre Kramer est bien plus qu’un film sur le divorce, c’est un film intimiste sur le mariage, le couple, l’image d’un père qui apprend à le devenir pour rattraper toutes ces années perdues à se focaliser sur ses projets professionnels.

C’est aussi un film sur la femme qui cherche à se faire une place dans une société masculinisée. Le scénario, les images montrent sa puissance. La force qu’elle a eut pour les quitter, celle qu’elle a pour revenir et se battre pour Billy.

Des mois d’absences, pourtant c’est elle qui gagne le procès (il était assez rare surtout à cette époque qu’un père se voit octroyer la garde exclusive de ses enfants. Dans la jurisprudence américaine, la mère prime toujours en général sur le père).  Des mois d’absence et son fils ne lui en veut pas.

Lorsqu’il la perçoit, son père n’est plus, il court vers celle qui l’a mise au monde. La caméra accentue cette place irremplaçable de la mère, en s’éloignant de Ted Kramer que l’on voit de loin, sans emprise sur cet amour indestructible.  

Voilà pourquoi Kramer contre Kramer est une pépite du cinéma intimiste des années 80.