Constance Gay galope vers un cinéma où la femme est libre

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Constance Gay dans un extrait de "Vaincre et Mourir" (Crédit photo : ©Thibault Grabherr)

Constance Gay serait-elle la relève de ces grandes actrices, comme Nathalie Baye, Catherine Deneuve, Fanny Ardant, Virginie Efira… qui ont su montrer que l’on pouvait être une femme et continuer à obtenir de beaux rôles, même après 30 ans. Jeune actrice, les réalisateurs lui ont rapidement fait confiance, en lui attribuant non pas des personnages presque inexistants, mais l’ont imposé comme figure féminine. Une comédienne dans le vrai, qui défend l’une des plus belles valeurs pour laquelle la femme s’est battue et continue à se battre : la liberté. Rencontre avec l’une des grandes prouesses du cinéma et de la télévision française.

En tournage à Strasbourg pour la saison 2 de “Face à Face”, Constance Gay m’accorde cette interview par téléphone. Dès les premiers mots, je ressens une énergie débordante d’une jeune femme qui n’aime pas vraiment rester assise pendant des heures. Je l’imagine ayant ce besoin crucial de bouger sans cesse, pour découvrir le monde, de nouvelles activités, des sensations fortes. Je me trompe, peut-être ou peut-être ai-je décelé un des traits de caractère de cette comédienne, qui s’est longtemps “interdit” de vivre pleinement pour le cinéma et la télévision.

Elle grandit non pas dans une famille d’artistes, mais dans une famille sensible à l’art et ouvert à l’enrichissement culturel. Petite, on lui ouvre les portes de cette appétence à la curiosité, à son propre enrichissement sur le monde, l’amour, la poésie à travers les expositions, le théâtre et le cinéma.

D’ailleurs, le théâtre et le cinéma, retiennent l’attention de la petite fille, puis de l’adolescente qu’elle était.

Chercher avant de trouver

Quand elle rentre chez elle, elle s’enferme pendant des heures dans sa chambre ou la salle de bain, pour imiter les actrices qu’elle admire. “Je me faisais des scènes et je m’analysais.” En faire son métier, elle n’y pense pas vraiment, après tout, elle est comme tous ces enfants, ces adolescents qui aiment jouer. “Ma mère est ingénieure. Dans ma tête gagner ma vie en étant comédienne, c’était quelque chose à laquelle je n’y pensais même pas.” Pourtant, sa mère ne lui interdit pas, elle est tout simplement un modèle pour Constance Gay : un vrai travail est dans une entreprise, une société, non pas une récréation où il faut faire pleurer ou rire les gens.

Amoureuse des lettres, elle cherche ce métier qui pourrait la faire vibrer tous les matins en se levant. Une chose pas vraiment simple, surtout quand vient l’heure dès la terminale de choisir son orientation, alors que l’on sort à peine de l’adolescence. “Je me suis dit, je vais faire de la communication, de la pub. J’ai même pensé à faire du droit, avocate…” Finalement, elle partira en école de commerce.

Comme beaucoup d’étudiants, en parallèle de ses études, elle travaille en tant que serveuse dans un café. Un lieu fréquenté par les comédiens, qui après une répétition au théâtre, un long tournage, aiment se retrouver et s’éloigner de leurs personnages. Leurs conversations fascinent Constance Gay, qui aime les écouter parler de leurs aventures. Petit à petit, elle revoit cette petite fille et adolescente qu’elle a quitté il y a quelques années à peine, celle qui aimait s’inventer de nouvelles vies pour des voyages extraordinaires.

Mais à la fin du service, la réalité la rattrape… “J’étais en école de commerce, malheureuse.” Constance Gay n’est plus motivée. L’envie d’étudier s’est envolée : veut-elle vraiment de cette vie derrière un bureau ? Consciemment ou inconsciemment, elle rate une année de commerce et décide de se laisser le droit de faire ce qu’elle a toujours rêvé d’être : comédienne.

Accepter une vie de comédienne

Constance Gay veut rattraper ces années perdues. Elle a cette soif d’apprendre à jouer comme une grande et se retrouve du jour au lendemain sans aucune expérience – si ce n’est ses propres analyses dans la salle de bain – à jouer dans une pièce de théâtre. “Ça m’a donné l’idée de passer le concours de la classe libre au cours Florent que j’ai eu. Je ne m’y attendais vraiment pas. On en reparlait avec le directeur de la classe libre et on s’en marre encore de mon audition. Je n’avais jamais fait de théâtre et c’était quand même très spécial. ” Prise à la classe libre, sa vie professionnelle comme elle l’entend démarre enfin. “J’ai accepté la possibilité de faire ce métier et d’assumer pleinement mon envie et ma future vie.

Amoureuse du jeu, elle ne peut qu’être épanouie. L’interprétation devient son quotidien et elle aime pouvoir donner vie à des personnages qu’elle doit défendre, gentils ou méchants, pour qu’ils soient aimés des spectateurs. Un doux mélange entre le jeu et la création, où le temps d’un instant, elle doit oublier Constance Gay, au service de cette femme à qui elle doit prêter ses traits : “C’est m’extraire de moi-même pour faire vivre quelqu’un d’autre, je trouve ça génial. Quand on me dit action et que j’ai bien travaillé et répété, j’oublie tout. Et je tends à donner corps et âme à quelqu’un d’autre.

Refléter une réalité

Son rêve ? “Interpréter quelqu’un que je ne suis pas. Je fais toujours la blague, le jour où l’on me proposera une princesse délicate, douce… J’adorerais jouer ça et en même temps je ne suis pas ça.”  Par sa taille, sa voix cassée et sa grande éloquence, Constance Gay se voit proposer des rôles de femmes fortes, bien que pour elle : “Toutes les femmes sont fortes“.  De “Unité 42” à “Face à Face” en passant par “Vaincre ou Mourir”, toutes ces femmes ont le point commun de s’imposer dans des mondes d’Hommes et de ne jamais rien lâcher. “Quand je rentre dans une salle de casting, je renvoie déjà une image. Quand on est comédien, il y a des choses que l’on ne peut pas bouleverser, comme ce que l’on est. Heureusement, il y a des nuances sinon on jouerait toujours les mêmes rôles et ce serait insupportable.

Billie Vebber, Vanessa Tancelin, Céleste Bulkeley : trois femmes qui lui offrent l’opportunité de défendre la place de la femme dans la société. Des femmes qui deviennent des modèles pour les spectatrices qui n’ont peut-être pas le même courage et osent grâce à leurs héroïnes à faire valoir leurs droits d’exister en tant que femme et non seulement en tant qu’épouse, mère ou soumise à l’homme. “Le plus beau compliment que l’on puisse me faire c’est quand des femmes ou des jeunes filles me disent : ‘on adorerait être et pouvoir être comme ça.’“. Devenir comédienne, c’est au-delà de raconter des histoires, c’est également aider une partie du public à avancer, à mieux s’accepter par le biais de personnages marquants.

Dans les personnages marquants de Constance Gay, on peut citer Céleste Bulkeley dans “Vaincre ou Mourir”. Si l’actrice n’a toujours pas interprété sa douce princesse, elle a pu tout de même se glisser dans une grande robe, pour redonner vie à cette amazone de François Athanase Charette de La Contrie.

Des Femmes et des Hommes

Réalisé par Vincent Mottez et Paul Mignot, “Vaincre ou mourir”, s’inspire de faits réels et relate l’histoire de l’atrocité de la guerre de Vendée en 1793, soit plus de trois ans après le début de la Révolution française en 1789. Le héros du film : François Athanase Charette de La Contrie, incarné avec brio par Hugo Becker. Ancien officier de la Marine Royale, il prend sa retraite pour profiter pleinement de sa Vendée. Mais les paysans n’ont pas dit leurs derniers mots et n’hésitent pas à frapper à sa porte. Charrette doit les guider pour combattre la République Française et devient la figure emblématique de cette guerre : admiré par le peuple vendéen, détesté par la République Française qui le traque sans relâche.

Rythmé par des repères datés, le film suit ce combat nuit et jour, mené avec grande conviction par un brigand devenu un héros. Les images sont fortes, parfois même insupportables… Les réalisateurs mènent le public à prendre conscience de l’horreur de la guerre de Vendée. Les moments de répit se font rares, si ce n’est cette musique épique qui accompagne les chorégraphies des armes pour leur donner plus d’ampleur. Mais ce qui retiendra mon attention, c’est que contrairement au film d’épée ; on ne voit pas un combat d’homme à homme, mais celui d’un peuple prêt à tout pour reprendre le pouvoir, et ce grâce aux figures féminines de l’histoire.

On y voit des paysannes, mais surtout on y voit la sœur de Charrette, qui épaulera son frère jusqu’au bout et ces amazones, dont Céleste Bulkeley, incarnée par Constance Gay.

La douceur d’une noble guerrière

Dans le film, les femmes ne sont pas soumises au rôle de la gentille épouse qui attend son mari parti au front. Elles sont au même rang que les hommes en tant que guerrières. “Que l’on ne nous dise pas que c’est en 2023 qu’il y a des femmes fortes. Les femmes ont toujours été fortes, c’est juste qu’on ne leur a pas donné la possibilité de. Et celles qui se sont vraiment données la possibilité de… au risque de leur vie, on les met un peu en lumière.”  Tout comme les amazones de Charrette, qui ont eu un rôle crucial dans la guerre de Vendée. Notamment Céleste Bulkeley, qui fut l’une de ses plus grandes conseillères.

Pour l’incarner au plus juste, Constance Gay a cherché à comprendre la complexité de la guerre de Vendée. Puis, elle s’est documentée sur les amazones. Si elle a pu s’appuyer sur des gravures, des peintures, il était une époque où photographies et vidéos n’existaient pas. La comédienne créer donc un personnage en fonction du scénario. “Autres les scènes de combats, on est allés dans la douceur.  Elle a été les yeux de Charrette au milieu de ces hommes, elle était un peu la conseillère. On s’est raconté que cette Céleste, elle était la personne qu’il écoutait de par son calme.” Céleste est donc le visage de la sagesse, venant équilibrer la frénésie de Prudent joué par Rod Paradot, face à la guerre. Entouré par son armée, Charrette prend le temps de prendre en considération tous les conseils de ses soldats les plus fidèles, mais seule son amazone l’éclairera sur les bonnes décisions à prendre.

Féministe d’un autre temps

Céleste Bulkeley est une figure féministe de son temps. Libre, elle se fiche complètement d’être une noble. Une liberté qui plaît à Constance Gay, pouvant elle aussi être libre dans son rôle. Toutefois, cela lui demande encore plus de rigueur, car libre ne veut pas dire jouer comme bon lui semble. Elle doit tenir le rôle et se rapprocher de la vérité, pour être la plus authentique dans la peau de ce personnage qui a gagné toute l’admiration de celle qui l’a incarné. “Le film est sur Charrette, pas sur Céleste donc on ne peut pas connaître son passé, ni son futur, mais la nana est incroyable : elle a eu plein d’enfants, elle en a perdu à la guerre, elle est allée à la guerre, elle s’est fait emprisonner, elle est partie en exil. C’est un personnage assez dingue. Pour tout ça, je voulais lui rendre hommage.”

 

 
 
 
 
 
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Des décennies éloignent Céleste Bulkeley et Constance Gay, pourtant, elles mènent la même bataille :  toutes deux se battent pour les femmes, l’une sur un cheval et l’autre à travers un écran en interprétant des figures féminines importantes pour la société quelle que soit leur période de vie. Elles partagent également un grand point commun : celui de savoir galoper.

Passionnée d’équitation, Constance Gay en fait depuis l’âge de 10 ans. Un monde à elle, dans lequel elle aime se ressourcer après des semaines de tournage intense. Au milieu des chevaux, elle n’est plus Constance Gay la comédienne, mais Constance Gay la cavalière. Elle oublie les caméras et profite de ces moments auprès de la nature à papoter de son cheval pendant des heures avec ses amies. Une parenthèse, un moment de répit pour garder les pieds sur terre, loin de l’agitation des plateaux et des avant-premières où tous les regards sont braqués sur elle.

Deux mondes, deux amours, qui fait de Constance Gay une femme, une artiste et une cavalière comblée. Perdue au début de sa vie professionnelle, elle a su saisir cet échec comme une chance de pouvoir rebondir. Constance Gay est l’exemple même, qu’il ne faut pas avoir peur de se lancer, quand la passion devient obsessionnelle au point de ne vouloir vivre que pour ça.