Kee-Yoon plaide coupable de contaminer par la voie du bonheur

Kee-Yoon, chanteuse, Palli Palli, Mathilde Dandeu, PressEyes

(Crédit Photo DR)

Pour son premier EP, baptisé “Palli Palli”, Kee-Yoon a décidé de livrer une partie d’elle, avec des textes qui révèlent son intimité, du moins ce qu’elle a décidé de chanter. Une œuvre qui bouleverse, chamboule parfois, quand les mots sont le reflet de notre vie, tout en nous transportant dans un tourbillon de gaité. Rencontre.

Rendez-vous dans un loft parisien pour rencontrer Kee-Yoon. Un lieu où le blanc domine, offrant une belle luminosité, tout comme Kee-Yoon est une femme lumineuse. Enveloppée dans son châle blanc, elle me propose un thé, que j’accepte volontiers pour me réchauffer de ce froid hivernal. On s’installe à l’étage, non loin de son piano blanc, lui aussi. Pour accompagner la boisson chaude, elle me propose des petits gâteaux coréens : “Ils sont tout légers et tellement délicieux“, précise-t-elle.  Un petit goûté improvisé, partagé par le récit de Kee-Yoon sur sa vie et sa passion pour l’univers musical.

La musique est l’élément central de la famille de Kee-Yoon. “J’ai grandi sur le piano de ma mère qui m’amenait avec elle pendant ses cours.” Une mère chanteuse d’Opéra, qui fait le conservatoire National de Paris et rêve que sa fille suive le même parcours en tant que violoniste. Originaire de Corée, elle est très exigeante et ne veut que l’excellence. Kee-Yoon doit faire partie des meilleures et rentrer au conservatoire, sinon pourquoi continuer ? Dans sa famille, la musique est cruciale et ne peut être jouée juste pour le plaisir.

Malheureusement, elle devra se faire à l’idée que sa fille n’est pas faite pour ça, en tout cas pas pour devenir la grande violoniste qu’elle rêvait tant. “J’ai eu ce sentiment que je ne serais pas artiste. Ma mère m’a dit :  ‘ce n’est pas grave tu seras avocate.’” Et elle le deviendra, l’une des plus grandes même, travaillant pour les plus gros cabinets new-yorkais. Mais au fond d’elle, elle a cette petite voix qui résonne : elle doit faire de la scène, chanter et tant pis si ce n’est pas la musique que ses parents lui avaient prédestinée. “Je pensais que je n’avais pas le droit d’appartenir à ce monde artistique. Mais au fur et à mesure, les barrières se sont levées une à une.

Du rire au chant

La scène, elle la découvre par le biais de l’humour, avec des one woman show. Elle crée son propre spectacle, dans lequel elle insert un passage où elle chante. Jusqu’au jour où elle aura ce déclic quand une personne du public vient la féliciter, tout en lui faisant prendre conscience à quel point elle a l’air “tellement heureuse” quand elle chante : “C’est vrai que c’était mon moment préféré dans le spectacle.” Elle laisse alors sa belle robe d’avocate, pour enfiler celle à paillettes et toucher non plus madame la juge et son auditoire, mais ses propres auditeurs et déclarer l’innocence de la  fête.

Prendre le risque

Désormais épanouie en chanson, il a été difficile pour elle de mettre fin à sa carrière dans le droit. Le risque de perdre une vie confortable, pour s’allouer à sa passion à ce qui la fait vibrer. Faut-il privilégier l’argent, la reconnaissance de ses pairs au profit du bonheur ? Kee-Yoon choisit le bonheur et tente sa chance en tant qu’artiste pour se réveiller tous les jours émerveillée. “J’ai eu la chance de me dire que la vie était très courte. Cette prise de conscience m’a beaucoup aidé. Je me suis demandée comment je serais le dernier jour de ma vie : est-ce que je serais heureuse, est-ce que j’aurais bien vécu ma vie, est-ce que j’ai fait ce dont je rêvais ou est-ce que j’ai attendu en me disant ce sera pour plus tard…” La seule personne qu’elle pouvait redouter c’était elle et le fait de vouloir faire plaisir à ses parents.

Kee-Yoon décide de couper le cordon et de vivre pour elle avec ses envies. “Je savais que mes parents allaient être très déçus en quittant ma carrière d’avocate et c’était compliqué. Mais finalement, ils ne m’ont pas rejeté et je ne regrette rien“, dit-elle en riant et en reprenant un petit gâteau coréen.

Au-delà de devenir interprète et compositrice, la musique est pendant des années pour Kee-Yoon un socle pour se sentir moins seule.

Loin de ses origines

Installée avec ses parents à Paris, sa famille reste en Corée. Des ami.es elle en a, mais rien ne remplace une grand-mère ou encore une cousine que l’on considère comme une sœur. Lorsque le vide prend place, elle lit des livres et écoute de la musique, beaucoup d’Opéra, avant de pouvoir se déhancher sur de la K pop lorsqu’elle retrouve enfin les siens l’été à Séoul. “La K pop avant ce n’était vraiment pas à la mode et maintenant je trouve hallucinant quand je fais les magasins et que j’en entends et l’ampleur que ce style musical a pris, c’est complètement fou.

Le quotidien de Kee-Yoon est donc rythmé par ses sons préférés ou des découvertes qui lui procurent un sentiment de “bonheur, un espèce d’orgasme des oreilles” (rire). Elle prend une voix gênée et me dit, “bon il faut que j’avoue quelque chose… Je fais un truc que beaucoup de gens trouvent bizarre. Quand je découvre une musique qui me plait et qui m’envoie des ondes positives, je peux l’écouter en boucle.” Puis, elle se sent rassurée quand je lui dis que je fais la même chose ! “Je me sens de moins en moins seule, parce que Sylvie Hoarau m’a confié qu’elle faisait aussi la même chose.” On décide alors ensemble de monter une association intitulée “One repeat”. Bien évidemment ce n’est que plaisanterie. Mais une chose est certaine : j’ai pu écouter en boucle et en avant-première son premier EP “Palli Palli”.

Se sentir vivante

Palli Palli signifie en Français “vite”. L’interprète insiste sur cette notion de l’urgence de vivre. Elle s’excuse, puis donne l’explication à cette vie qu’elle veut à 100 à l’heure : “ça peut paraître un petit peu glauque, mais je suis persuadée que l’on meurt beaucoup plus vite que ce que l’on pense. On pense que l’on est éternel. On vit comme si on avait le temps de le faire. Sans compter que l’on peut mourir du jour au lendemain par accident, une maladie… je ne veux pas que l’on m’ait par surprise, donc je me dépêche de faire tout ce que j’ai envie de faire. Ce serait dommage, que l’on m’arrête en plein cours et que l’on me dise, trop tard, c’est terminé. “

Rentrer dans l’intime

“Palli Palli”, c’est son histoire à travers des textes dans lesquels elle se raconte. Tous écrit de sa propre plume, il était impensable de chanter des mots d’autres auteurs. “Je pourrais chanter une chanson dont la musique a été composée par quelqu’un d’autre, d’ailleurs c’est le cas pour mon album puisque Sylvie Hoarau a composé deux chansons. Mais les textes ça non.

Kee-Yoon a besoin de chanter des choses qu’elle est allée puiser au plus profond de son être. Elle se veut sincère avec ce qu’elle a vécu pour une véritable connexion avec son public, comme si elle leur livrait une partie de sa vie. “Ça te permet de faire des priorités dans les sujets et de savoir ce que l’on trouve important.” Pour “Palli Palli”, elle fera de l’amour sa priorité. “Il y a des thèmes politiques qui me tiennent à cœur, mais dans lesquels je ne suis pas encore rentrée, parce que dans la musique tu as envie d’écrire des chansons d’amour.

Une œuvre très intimiste, dans laquelle elle parle de son fils, de sa famille, de sa chance d’être vivante… Une intimité presque universelle, puisque l’on peut se retrouver dans certaines des paroles avec des titres qui font écho à une partie de notre vie.

Une ode à la vie

Une soif de vivre, qui offre un album très disco aux influences des années 1970 et 1980. Avec “Palli Palli”, on pleure par la force des mots parfois si touchants. Mais les larmes sont accompagnées par une rythmique entraînante, où notre corps ne peut tenir en place. Et n’est-ce pas ça la vie : rire, pleurer, danser ? Finalement cette œuvre est le reflet même de Kee-Yoon. Une musicalité authentique, pas de sons programmés, pour laisser place à la beauté des instruments comme ses parents et notamment sa mère le lui a inculqué. “On aime les vrais les sons, celui de l’orchestre.” Les trompettes et les violons, seront alors vos alliés pour suivre vos pas les plus frénétiques.

Kee-Yoon est une femme solaire et pétillante. Peut-être parce qu’elle aime la vie et profite pleinement de chaque instant qu’elle lui donne. Être à ses côtés, discuter avec elle donne presque à se remettre en question sur ses propres choix, son bonheur tant le sien est palpable. Keen Yoon est cette petite lumière, que l’on rêve tous de croiser au moins une fois dans sa vie.