« Hollywood » : l’utopie de l’âge d’or du cinéma Hollywoodien

Disponible sur Netflix depuis le 1er mai, « Hollywood » relate l’histoire de cinq jeunes qui rêvent de gloire dans le cinéma hollywoodien.

Ségrégation, homophobie,  le code Hayes… Devenir une grande star de cinéma à Hollywood dans les années 50, n’était pas une mince affaire ! Pourtant, cinq jeunes dont les chemins vont se croiser, se battent pour faire basculer les codes du cinéma Américain. Entre fiction et réalité , « Hollywood », la nouvelle série de  Ryan Murphy (POSE, American Horror Story, The Politician, Glee) et Ian Brennan (Glee, The Politician), nous emporte dans la joie et l’enfer de ce que pouvait être cet industrie durant l’après-guerre. 

Une prison dorée

La série s’ouvre sur le magnifique visage de Jack Castello (David Corenswet). Considéré comme l’idiot de sa famille, le jeune homme veut devenir acteur pour leur prouver qu’il a réussi à devenir quelqu’un.  Il vit dans un petit appartement avec sa femme Henrietta. Tous les jours, il se rend au studio ACE, espérant obtenir un petit rôle de figurant. Mais à chaque tentative, c’est un échec. Les économies du couple sont minces. Il doit absolument trouver une solution pour subvenir aux besoins de sa femme, enceinte de jumeaux. Tout va basculer un soir de déprime, de déception : sa vie ne sera jamais celle d’un immense acteur…

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Il rencontre Ernie (Dylan McDermott), qui comme lui rêvait de paillettes, mais s’est résigné à ouvrir un réseau de prostitution dans une station à essence. Il propose à Jack de devenir l’un de ses pompistes, sans lui révéler son véritable rôle. Le lendemain, Jack Castello est surpris de devoir faire le gigolo. Il a des principes, notamment celui de ne pas faire de mal à sa femme, mais l’argent manque…

Le jeune homme se voit donc embarqué dans cette aventure qui lui changera la vie. Lors de ses services sexuels, il fait la connaissance de l’une des femmes qui deviendra l’une des plus influentes du cinéma, Avis (Patti LuPone), mariée au créateur des studios ACE, ou encore d’une jeune femme chargée des castings dans cet industrie du cinéma. Elles lui ouvrent enfin les portes de son rêve hollywoodien. Malgré son manque de talent, mais grâce à sa belle gueule, Jack Castello devient l’un des acteurs permanents des studios ACE, lui permettant de recevoir une rémunération chaque semaine, même sans tourner. Ce contrat, qui existait à l’époque, obligeait les comédiens à ne pas jouer pour d’autres studios. 

Domination féminine 

Dans la série, Jack Castello doit sa gloire à deux femmes : Avis,  à qui il a assouvi ses désirs et Ellen (Holland Taylor), la directrice de casting qui voit en lui une profondeur, alors que son premier essaie est un échec total. Mais Ellen réussit à négocier avec le producteur Dick Samuel’s (Joe Mantello), qui cédera à la sexagénaire et donnera une chance à Jack Castello. Dans la série, les femmes ont une place très importante. Ce sont elles les décisionnaires, ce sont elles qui mènent la danse face aux hommes. Dans « Hollywood », les hommes se prostituent, et non l’inverse, comme on a l’habitude de voir. 

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Avis réussit petit à petit à prendre la place de son mari Ace Amberg (Rob Reiner). Avec l’aide de Jack, Archie, Dick, Ellen, Camille et sa fille Claire, elle fait évoluer les mentalités du cinéma hollywoodien. Si cette image de la femme dominant l’homme peut être plaisante, il faut rappeler que ce n’est qu’une fiction. En réalité, à cette période, les femmes étaient peu au pouvoir. Elles étaient souvent soumises à leur mari. Elles étaient les bonnes ménagères qui attendaient sagement à la maison pour s’occuper des enfants et de la cuisine.

Celles qui avaient un soupçon d’influence restaient souvent dans l’ombre de leur époux. Tout comme l’explique si bien Kevin Elarbi dans « Ma Folle Histoire du cinéma » lorsqu’il évoque Alma, la femme d’Alfred Hitchcock. Si l’on connaît bien le réalisateur cité dans « Hollywood », et ses œuvres, peu connaissent la puissance et l’importance de son épouse au niveau de la réalisation de ses films. Dans « Hollywood », les femmes ne sont les pas les seules détentrices du pouvoir…

Prostitution et abus sexuel 

Le sexe joue également un rôle primordial dans la série. Dans les premiers, épisodes  « Hollywood » montre la réussite par le sexe comme quelque chose d’assez banal. Comme si Jack Castello ou encore son acolyte, Archie (Jeremy Pope) n’étaient pas gênés et se complaisaient dans cette réussite par le sexe , dans ces soirées « échangistes » avec les plus grands réalisateurs et producteurs, leur donnant leur chance en échange de quelques gâteries.

Mais peu à peu, on se rend compte que la sexualité à ses limites. Jack Castello se refuse à Henry Leroy Wilson (Jim Parsons), l’un des plus grands agents de l’histoire du cinéma ayant réellement existé. Un agent connu pour avoir propulsé au devant de la scène des bellâtres comme Tab Hunter, Robert Wagner ou encore notre Rock Hudson (Jack Picking). Ce dernier, sous l’influence totale d’Henry, est abusé par l’homme d’affaires, alors qu’il promet de faire de lui la plus grande star du cinéma hollywoodien. Rock Hudson est ici dépeint comme un garçon sans réel caractère, se pliant aux exigences de son agent. Il assouvit ses besoins, tente d’être toujours le plus beau, cache son homosexualité.

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Durant ces années, le jeune homme vit un véritable enfer, qui le traumatisera comme on peut le voir dans l’une des dernières scènes. Pendant que Henry vient s’excuser pour tout ce lui a fait endurer, il lui répond qu’il ne pourra jamais lui pardonner, les larmes aux yeux. Marqué à vie par le cauchemar de ses années d’abus sexuel, il se retrouve dans la catégorie des acteurs oubliés. Oublié parce qu’homosexuel… Dans la série, la vie de Rock Hudson n’est que fictive. Le comédien est devenu l’une des plus grandes stars du cinéma, il a notamment joué dans « Géant » aux côtés de James Dean.

Une Amérique raciste et puritaine 

Rappelons-le, nous sommes dans les années 50, face à une Amérique totalement contradictoire ! Il y a d’un côté cette vie festive et délabrée, et de l’autre cette vie angélique et chaste sur l’écran, liée au code Hayes. Même si de nombreux réalisateurs ont réussi à déjouer quelques règles comme dans « Sept ans de réflexion » de Billy Wilder. Ce code permettait de contrôler l’image au cinéma, d’interdire de dévoiler des scènes de sexe ou montrant des homosexuels. D’où l’interdiction d’Henry envers Rock Hudson de dévoiler son homosexualité. Mais le jeune homme finit par s’assumer, éperdument amoureux du scénariste Archie. Lors des Oscars, les deux hommes décident de dévoiler leur amour. Un geste de « rébellion » qui coûte la carrière de Rock Hudson. Ici aussi, nous sommes dans de la pure fiction.  En réalité, l’homme était marié avec la secrétaire de Willson, Phyllis Gates.

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C’est sans compter la ségrégation, l’un des thèmes principaux d’ « Hollywood ». Nous sommes en plein cœur du racisme américain. Les noirs ne sont pas acceptés dans la vraie vie comme à l’image. Un grand combat que va mener Archie, noir et homosexuel, et Camille (Laura Harrier) qui refuse de faire des rôles de bonne toute sa vie à l’accent caricaturé. La jeune femme rêve de devenir la première femme noire des États-Unis à avoir un premier rôle au cinéma.

Son combat sera long. Elle le mènera avec Raymond (Darren Criss), son petit-ami réalisateur. Il fera tout pour la mettre au devant de la scène. Mais Ace Amberg refuse que son studio fasse faillite à cause d’une actrice noire. Ses avocats sont avec lui et feront barrage à Camille, Raymond et Archie. Fort heureusement, ils ne sont pas seuls dans cette bataille. Dick Samuel et Ellen s’y opposent afin que le cinéma puisse  donner la chance à tout le monde afin d’être représentatif d’une société plus libre et tolérante. Camille aura la chance de rencontrer Hattie McDaniel (Queen Latifah), la première femme noire à avoir remporté un Oscar pour « Autant en emporte le vent ». Elle lui donnera des conseils précieux pour que la jeune femme ne commette pas les mêmes erreurs qu’elle. On peut évoquer cette scène quand Hattie McDaniel n’est pas autorisée à entrer dans la salle des Oscars alors qu’elle y nommée. L’actrice fait promettre à Camille de s’imposer et de s’installer comme toutes les autres actrices au premier rang.  

Entre fiction et réalité 

Cette série ne met aucune rivalité entre ces jeunes prodiges. Pas de rapport de force entre Rock Hudson et Jack Castello, ou encore entre Camille et Claire Amberg (Samara Weaving). Ils se soutiennent et acceptent l’idée que l’un d’entre eux sera mis au devant de la scène. Claire, que l’on pensait jalouse,  admet que Camille est meilleure qu’elle. Quant à Rock Hudson, il se contente de ses petits rôles et n’a aucune aigreur envers Jack Castello, qui devient peu à peu le nouveau visage hollywoodien.

« Hollywood » s’appuie sur une histoire romancée, bien qu’il y ait beaucoup de références cinématographiques pour le plus grand bonheur des cinéphiles. Ces derniers peuvent profiter des faits historiques existants ainsi que de réelles personnalités du cinéma. Durant ces 7 épisodes, vous pourrez y croiser Hattie Mcdaniel, évoquée plus haut, Henry Willson, Vivien Leigh (Katie McGuinness), Joan Croawford, Alfred Hitchcock, Roger Cukor (Daniel London)… C’est un savoureux mélange entre fiction et réalité, dans laquelle on retrouve la signature de Ryan Murphy. Les épisodes sont haut en couleur, rythmés par une musique toujours entraînante. Chaque émotion est captivée par la caméra : joie, colère, tristesse, solitude.

Certains qualifieront la série d’utopique : les femmes qui prennent le pouvoir, les personnes de couleur qui deviennent de stars, les homosexuels qui s’assument alors que nous sommes dans les années 50. D’autres diront au contraire que Ryan Murphy a tout simplement modifié quelques passages de l’histoire pour rendre hommage à toutes ces personnes qui ont vécu ces années folles, et en même temps cauchemardesques. Un hommage offrant aux générations actuelles l’opportunité de mieux s’identifier aux personnages et de continuer à croire en leurs rêves. Se dire que rien n’est impossible.