Estelle Meyer, gardienne d’un art libérateur

Estelle Meyer, Une chambre Orientale, Dix Pour Cent, France 2

Crédit Photo : DR

Chanteuse et comédienne, Estelle Meyer donne à travers sa voix une véritable puissance aux mots pour débarrasser la société de tous les maux. En ce moment sur Netflix dans la saison 4 de Dix Pour cent, rencontre avec cette douce guerrière.

Pour ce nouveau portrait, je vous embarque dans l’univers mystique et poétique de la comédienne et chanteuse Estelle Meyer. Toute pétillante, vêtue d’une longue robe magnifique faite de soie bleu roi. “C’est celle que je porte dans Dix pour cent“, lance-t-elle enjouée. Estelle Meyer s’installe confortablement. Une tasse de thé à la main, elle me fait plonger dans son monde mystique…

Sa mère, chanteuse lyrique, l’ensorcelle. La petite fille se laisse envoûter par la musique et la féérie des spectacles. Elle n’a que six ans, mais quand elle met les pieds sur cette scène, elle sent cette immortalité, ce chemin de tous les possibles, ce temps suspendu. C’est décidé, elle sera elle aussi une grande artiste. “Je me rappelle avoir vu un spectacle monté par des enfants qui s’appelait ‘Les enfants de la lune’. C’étaient des enfants qui toute l’année faisaient école et théâtre. J’avais supplié mes parents : ‘Laissez-moi partir avec eux’. Je rêvais aussi d’être une enfant du cirque, une nomade“.

La nudité des mots

Estelle Meyer aime pouvoir être multiple, tout en étant elle. Incarner un personnage, c’est pour l’artiste grandir par la puissance des sentiments, traverser la puissance des situations. “Je crois que c’est l’envie d’être une reine, un homme, Dracula, pouvoir tout jouer. C’est une histoire de gourmandise de savoir ce qu’est l’humain. De connaître l’expérience humaine sous plein de formes par le pouvoir de l’imaginaire, de rentrer dans des mondes et dans des peaux pour me rendre plus vaste“.

 
 
 
 
 
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Elle tend à faire voyager son public selon son statut de chanteuse ou d’actrice. Par le chant, elle se livre comme dans un journal intime par sa propre plume. Elle parle de ses peurs, de ses prières, de ses envies, du désir, de la mélancolie. Elle leur livre des états d’âme très secrets, ce qu’il se passe dans sa chambre quand les mots lui viennent. “Par exemple, pour le titre Pour toutes mes sœurs, je sentais que j’avais besoin de crier pour mes sœurs, de jouir pour mes sœurs, comme un besoin de libérer ma lignée de femmes, de rendre la femme profondément libre. Ça parle d’un désir très profond“.

Dans la musique, elle se sent libre de créer. Personne ne l’attend, elle est maître de ses compositions. “C’est très apaisant d’être créatrice pour ensuite pouvoir se laisser faire avec beaucoup de souplesse dans les mains d’autres“. Au cinéma et à la télévision, elle représente son temps, sa modernité. ” C’est une espèce de nudité de soi-même avec des curseurs plus ou moins hauts. Je viens de tourner un film avec Chloé Bourgès et Sigrid Bouaziz, c’était vraiment moi-même. Il y avait beaucoup d’improvisation. L’histoire est basée sur deux jeunes femmes qui se posent des questions sur l’engagement, le fait d’être mère ou non. J’ai déroulé mes propres fils“.

Cœur humain

Des rôles et des femmes que la comédienne prend soin de choisir. Estelle Meyer souhaite faire passer des messages qu’elle trouve urgents. Des messages qui la touchent et correspondent à ses valeurs en tant qu’artiste, mais surtout en tant que femme et citoyenne. “Ça ne va peut-être pas paraître très humble cette phrase et c’est pour ça que je la dis avec humilité : mais ce que je peux apporter en tant que guerrière des lumières, pour faire avancer les consciences, par des personnages que j’ai joués comme dans Rêves de jeunesse d’Alain Raoust, qui était présenté à Cannes il y a deux ans. J’étais un samouraï libre qui est dans un jeu de télé-réalité. Elle veut être célèbre, réussir et va cintrer son énergie comme un fil. C’est aussi un film sur le fait de pouvoir vivre en marge. Ça se passe dans une déchèterie et ça me plaît de pouvoir ouvrir d’autres possibles“.

Une artiste à la puissance des mots et des subtilités. Notamment dans le titre de son EP Sous ma robe mon cœur. On peut y voir le fait que la femme n’est pas seulement un objet, mais un être avec des sentiments et des désirs. “La robe, c’est comme les peaux sociales.  Sous les peaux sociales, il y a l’émotif et le cœur qui est l’organe principal, c’est l’impératrice de notre être. J’ai lu cette phrase de Pythagore, que l’homme – mais j’ai envie de dire l’humanité – est sur Terre pour contempler le ciel. Je trouve ça très beau. Le cœur doit recevoir des messages plus grands que lui afin qu’il puisse exprimer sa vérité. Pas ce qu’il faut faire ou ce qui est attendu de faire. On ne doit pas avoir d’injonction, on doit être soi-même dans quelque chose qui n’est pas lisse“.

La révolte d’une femme sous-mise

Estelle Meyer a ce grand cœur qu’elle met à profit pour la gente féminine qu’elle nomme « mes sœurs ». Elle veut s’exprimer pour toutes celles qui sont privées de parole et de liberté. J’aborde avec elle ce titre Pour toutes mes sœurs. Ce sont les yeux larmoyants, la voix tremblante de peine et de colère, qu’Estelle Meyer me raconte l’origine de ce morceau : “J’étais à Meknès au Maroc, j’attendais mon train à la gare. Il faisait très chaud. Il y avait une femme entièrement voilée avec son conjoint à côté. Il buvait des litres d’eau glacée et elle ne pouvait pas boire, car elle n’avait pas de bouche. Dans ma famille, il y a des femmes voilées, je les trouve sublimes. Moi-même, j’aime être voilée, ça m’apaise. Mais là, ne pas pouvoir boire, ne pas avoir de bouche, ne pas pouvoir sourire. Nos regards se sont croisés… J’ai eu envie de pleurer, j’avais envie de dire à son conjoint : ‘Tu ne peux pas lui donner à boire !’ Ça m’a révolté”.

 
 
 
 
 
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Le soir, tout se bouscule dans sa tête : la haine, la fureur et cette envie de tendre la main à toutes ces femmes condamnées par cette supériorité masculine. Stylo à la main, sur son papier les mots s’envolent : “pour toutes mes sœurs qui ne peuvent crier je cris, pour toutes mes sœurs qui ne peuvent danser, je danse, pour toutes mes sœurs qui ne peuvent aimer, j’aime, pour toutes mes sœurs qui ne peuvent jouir, je jouis…

Un appel à toutes les femmes qui ont le pouvoir de faire évoluer les choses afin que l’on soit toutes libres de s’épanouir. “Dieu n’est pas un homme, il est autant un père qu’une mère. Il échappe à toute définition humaine. C’est tout ça qu’il faut laver avec beaucoup de tolérance, pour que des femmes puissent prêcher dans toutes les religions. Il y a Delphine Horvilleur en France qui est rabbin, il y a des imames aussi pour la première fois. Il est vraiment temps que la femme parle du divin. De son utérus, elle a un accès immédiat à la création et à la splendeur, ça va guérir tout le monde. On a besoin de retrouver le féminin de partout“.

L’artiste nous donne cette force ancrée dans une époque où le féminin se réveille peu à peu. Un combat grandissant à travers lequel les mains se lient pour former une grande solidarité sans relâche.

Une sexualité authentique

Une émancipation qu’Estelle Meyer étend à la sexualité. Elle se crispe face à cette image de l’homme qui éprouve du plaisir à regarder le corps d’une femme. Pourquoi ne pas inverser le regard ? Estelle Meyer le fait avec brio, dans son clip Donne-moi une chambre orientale.

Un clip décalé et libérateur sur la condition des femmes en tant que séductrices à part entière. “C’est montrer que la femme est sujet de son désir et non un objet. Ça fait des millénaires où l’on mate le petit cul de la femme, on mate ses seins. Même dans les pubs, on voit toujours des femmes à nu, les hommes très peu. Dans le clip, c’est le peuple des amazones qui s’empare de leur désir avec Jung qui parle de l’animus et de l’anima chez un être réalisé, on a le yin et le yang“. Estelle Meyer met en lumière une femme pénétrante, désirante. Tout comme les hommes, elles sont capables de croquer…

Par le biais de cette chanson, elle renverse les codes imposés par la société. Le sexe ne doit plus être une honte, chacun doit vivre sa sexualité comme il l’entend. On doit être cette vérité sexuelle et ne plus se laisser juger par le regard des autres. “J’ai l’impression que ce clip va m’aider à être libre. Je trouve que l’on fait des choses en art pour aider l’humain, même quand on est créatrice. La chanson parle des défauts apparents car elle dit : je suis une polygame, je suis une mythomane, je suis une cleptomane, je suis une pyromane… je fais quelque chose qui casserait les codes, les cadres, je suis une polygame en quête d’équilibre, j’aime les hommes, les femmes et aussi les chenilles. J’avais envie de faire quelque chose de décalé, mais que tous ces défauts apparents deviennent des chances de liberté, d’exploration“.

Délivrer une vérité

Il y a cette phrase qui renforce l’idée d’une société fermée au sexe : “Je suis un mensonge qui dit la vérité“. Un 21e siècle où le mensonge est partout. On ment par peur de dévoiler qui l’on est, à cause de cette frayeur d’une critique facile. “Dans un rite amoureux, c’est de savoir ce qui est vrai et ce qui est faux. J’espère que cette chanson nous permettra d’assumer toutes nos vérités. Je choisis ce que je fais de mon corps, avec qui je fais l’amour, ça me regarde. Si je ne fais pas l’amour, ça me regarde, si je ne veux pas faire l’amour, ça me regarde aussi. On doit avoir une pleine acceptation de ses choix, que ce ne soit pas dicté ou une souffrance de la société. La normalité, ça ne veut rien dire ! Personne n’est normal, on est vaste. Ça permet d’ouvrir quelque chose de plus libre et pour moi la première“.

Donne-moi une chambre orientale est un beau tableau sur le désir de l’autre. Estelle Meyer est cette muse qui délie nos passions. On lâche prise, on se laisse porter par la sonorité pour s’autoriser à intégrer la beauté de l’autre, être en fusion et ne faire qu’un.

Une conversation passionnante et bouleversante. Estelle Meyer me renvoie la flamme qui brûle en elle et son envie de s’acquitter de tous les complexes que l’on s’inflige. L’artiste boit une gorgée de thé. L’esprit apaisé après cette charge émotionnelle, elle me confie ses prochains projets, notamment le film Garçon Chiffon qui la mène à me conter sa rencontre avec le comédien et réalisateur Nicolas Maury.

2021 : une reprise marathonienne

Une aventure en quatre étapes ! La première étape : ils devaient jouer ensemble dans le spectacle Songe et Métamorphose de Guillaume Vincent. Mais Nicolas Maury n’a pas pu faire partie de la troupe. C’est au festival du film de Cabourg qu’a lieu leur première rencontre. “On a passé la soirée ensemble. On était tout content de se connaître enfin“. Un peu plus tard dans l’année et à une semaine d’intervalle, elle réussit le casting pour le film Garçon Chiffon, réalisé par Nicolas Maury, et celui de la série Dix pour cent, dans laquelle l’acteur est son partenaire principal. Tout était tracé pour que ces deux âmes artistiques s’unissent à l’écran. Le sourire aux lèvres, une voix pleine d’admiration, Estelle Meyer me décrit Nicolas Maury : “Je l’aime ce garçon. C’est tellement un être libre et tellement lui-même. Il ouvre une poésie tellement drôle. Il me rend hystérique de rire, de beauté, en même temps il a un raffinement, c’est une panthère sauvage. Son côté entre le masculin, le féminin, c’est quelque chose qui m’intéresse beaucoup. Il l’explore avec beaucoup d’intelligence et de complétude. J’ai adoré tourner avec lui, j’ai adoré l’avoir en tant que réalisateur. Il est absolument généreux, il rit à tout et en même temps il est hyper concentré, doux, subtil. Il dirige avec beaucoup de finesse et puis il se met à jouer et là tu dis ‘Ah putain, le mec il joue si bien’. C’était beau de le voir faire dans son monde“.

 
 
 
 
 
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La comédienne sera de retour sur scène avec Coriolan de Shakespeare, qu’elle jouera au Théâtre de la Bastille au mois de juin. Elle prépare un disque avec l’Orchestre national de jazz où elle jouera Dracula. Un projet dont elle est fière, en tant que femme, elle a cette chance de jouer cet incontournable vampire ! “Je me sens tellement virile, draguer une femme justement sur la sensualité et la musique est magnifique. Il y a plein de transformations…

2021 s’annonce comme une année folle pour la comédienne puisqu’elle sera aux côtés de Camélia Jordana, Zita Hanrot et Audrey Bonnet pour chanter dans la pièce Anando, à l’Institut du monde arabe le 15 juin. Toujours dans cette quête du féminisme, Estelle Meyer me confie son prochain rôle dans, Sardine, le film de Johanna Caraire, la directrice et la créatrice du Festival international du film indépendant de Bordeaux. « Ça va être sur une île volcanique au large d’Espagne. C’est trois nanas qui se questionnent sur le fait de faire des enfants ou non. C’est avec deux amies, Manon Kneusé et Jennifer Decker. » Le tournage est prévu pour mars.

 
 
 
 
 
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Une rencontre haute en couleur, enracinée par l’énergie débordante d’Estelle Meyer. Elle est cette déesse à l’engagement féroce, en même temps chargée de bienveillance, pour un monde égalitaire et rédempteur.

Pour continuer cette quête sur un monde plus libre, vous pouvez écouter la conversation en intégralité dans le podcast “Les Rencontres de PressEyes”

  • Enregistrement fait avant les nouvelles restrictions sanitaires, les dates ont évoluées se référer à l’article