Lolita Chammah, l’insatiabilité d’une actrice

La comédienne Lolita Chammah navigue entre théâtre, cinéma et télévision. Des films et des pièces qui sont le fruit de rencontres fortes et fusionnelles. Elle se confie à PressEyes sur son parcours. 

Après une année passée sur les planches du théâtre du Rond-Point à Paris, pour la pièce « La Visite » d’Anne Berest, la comédienne Lolita Chammah est partie se reposer dans le sud-ouest. Une région dans laquelle elle se sent bien, son pays d’adoption. Un court séjour avant de retrouver la caméra, qu’elle connaît depuis son plus jeune âge. « J’ai l’impression que je n’ai jamais su de façon consciente, mais le métier est venu à moi quand j’avais 15 ans, même si toute petite j’avais déjà tourné dans des films. C’est venu au fil des rencontres, au fur et à mesure. » 

Lolita Chammah est de nature timide. Devenir comédienne lui a permis de remplacer ce trait de caractère par une sensation de vertige. « Je ne me sens plus timide aujourd’hui au théâtre. Surtout en ce moment, je sors de ce monologue que j’ai joué au Rond-Point qui s’appelle « La Visite » d’Anne Berest. C’est vrai que c’était quelque chose d’extrêmement violent et de jouissif aussi. » Elle se dépasse, jusqu’à l’abandon d’elle-même pour vivre d’autres vies, d’autres histoires. « Du fait d’incarner différents personnages, on a l’impression d’être comme dans un voyage. Il y a quelque chose comme ça. C’est ce voyage qui me plaît, ce sentiment de sortir de soi-même et en même temps d’être toujours soi-même. » 

« J’aimerais bien faire des femmes amoureuses »

Au-delà de se mettre dans la peau d’un personnage, l’actrice met en lumière la puissance des états qu’il faut chercher à faire ressortir. Une vérité des sentiments, de l’âme et de la pureté. Une authenticité qu’elle dégage à travers ses rôles. Des femmes souvent solitaires, en marge de la société. « Je ne sais pas si ça me reflète, j’aimerais bien jouer des rôles qui appartiennent à des groupes maintenant. On m’a beaucoup vue dans des personnages lunaires et marginaux, avec une forme d’étrangeté, intense. Mais j’aimerais bien faire des femmes amoureuses, des femmes en couple, j’attends ça justement et c’est vrai que l’on ne me le propose pas du tout. »

Beaucoup de comédiens se nourrissent de littérature et de documentation pour construire leur personnage. Lolita Chammah n’en fait pas partie. C’est quelque chose d’assez mystérieux qui vient en elle, avec des discussions avec les réalisateurs ou les metteurs en scène. 

Les mystères de la vie 

Ses rôles sont la source de ses rencontres, voire même des personnages écrits spécialement pour elle. « Souvent avec des femmes, entre moi et une réalisatrice ou une metteur en scène qui tout d’un coup m’écrit et je deviens une sorte d’alter ego. Et ça, c’est quelque chose qui s’est beaucoup reproduit. Plus que de rencontrer des gens dans des castings ou de façon classique, mon parcours se fait surtout par des rencontres, des rencontres fortes, très intenses, c’est souvent ça qui se passe pour moi. D’ailleurs j’aimerais que les choses se passent de façons plus simples, plus légères   :  passer des castings, rencontrer des gens et hop, mais ce n’est pas souvent mon cas. Ça aussi c’est étrange, on ne sait pas trop pourquoi ». 

Une manière de jouer, de décrocher un scénario qui lui appartient et forge sa propre identité, tout comme cette rencontre avec Anne Berest qui lui a écrit ce monologue : « La visite ». 

Écris-moi une histoire 

Très jeune, Lolita Chammah rêvait qu’un jour on lui écrive son propre texte de théâtre. Un projet important demandant une grande exigence par rapport à la personne qui serait choisie pour réaliser ce souhait. « Anne, je la connais depuis très très longtemps (…) il fallait trouver la bonne personne. Elle a tout de suite eu l’idée d’écrire un texte sur la maternité. Les choses se sont enclenchées très vite entre nous, comme une grande rencontre. »

« La Visite » relate l’histoire d’une femme isolée qui vient d’avoir un bébé. Une maternité qui ne l’épanouit pas, bien au contraire. Lolita Chammah, également maman, ne s’est pas retrouvée dans ce personnage dont les sentiments sont à l’opposé de ce que peut ressentir l’actrice en tant que mère. « Forcément, ça m’a aidé puisque je suis mère. La maternité est quelque chose qui fait partie de moi depuis 7 ans et qui est quelque chose qui est très fort. »

Le monologue fait référence au début de la maternité de la metteuse en scène. Lolita Chammah a réussi à faire vivre le texte avec sa propre vision artistique et sa personnalité. « Les dernières personnes qui ont vu le spectacle m’ont fait ces compliments très beaux en me disant que personne d’autre n’aurait pu jouer que moi. C’est vrai qu’elle a écrit sur mesure comme une robe qu’elle a cousue. »

Une cohésion définie par le fait qu’une femme ait composé ce monologue, telle une solidarité féminine. Pour la comédienne, ce n’est pas une question de genre. Elle ne fait pas de différence par rapport à l’auteur. « Ce sont des projets qui nous mènent à des gens : des hommes, des femmes et forcément c’est différent. Mais en même temps, je ne dirais pas qu’il y ait plus de solidarité. Je dirais que c’est autre chose, c’est un autre rapport, mais ce n’est pas plus de solidarité. »  

Une génération d’image 

Devant la caméra dès 4 ans, avec plus de 50 films à son répertoire, Lolita Chammah confère des changements qu’elle a pu remarquer bien qu’elle soit encore jeune. « Je pense que c’est un métier de plus en plus difficile. Il y a tellement de gens qui veulent être acteurs. Il y a une foisonnance. Et même si je n’aime pas être pessimiste, je pense qu’il y a comme une sorte de manque d’exigence à des endroits qui est très triste. En tout cas, c’est ce que je peux ressentir. »

Elle a cette sensation de ne pas appartenir à certaines choses qui se font. En même temps, elle a parfois l’impression qu’elle ne peut y échapper. « Évidemment, il y a des rencontres hyper belles, mais il y a une telle quête de l’image, de la représentation à notre époque que l’on perd certainement une sorte de puissance et de vérité. » Elle ne court pas après cette quête de l’image, mais est bien consciente de son importance au cœur du 7e art. « On se voit, on se regarde, on se représente, on se change. Bien sûr, l’image fait partie de mon métier, mais il faut que ce soit à bon escient. Je pense que jouer est l’obsession de représenter en permanence. C’est en même temps intime, complexe et heureusement. »

De maman à muse 

Lolita Chammah aime pouvoir expérimenter sa passion à travers de multiples facettes notamment avec la comédie « 100% BIO » de Fabien Onteniente. Elle y joue une femme enceinte qui présente son compagnon vegan à son père charcutier ! 

Lolita Chammah est également enthousiaste de pouvoir me parler  de son rôle dans « L’Ombra Di Caravaggio », un film de Michele Placido dans lequel elle sera aux côtés du comédien Louis Garrel. Un univers qu’elle définit comme étant magnifique, mettant en valeur l’histoire d’un des plus grands peintres italiens, connu sous le pseudonyme Caravage. « Je fais un personnage incroyable, poétique, une prostituée et une muse de Caravage. C’est tout en costume avec des décors sublimes. C’est un tournage dont on un rêve un peu. Ça n’existe presque plus, c’est un grand film à l’italienne. Un sujet très fort sur la peinture et je suis très fière de le faire. »

Vous pouvez également retrouver l’actrice dans la série « Dix pour cent » dans une scène avec Jean Reno, disponible en replay sur France 2. « J’aime bien naviguer d’un univers à un autre, passer du drame à la comédie et inversement ». 

Une actrice à l’univers émotionnel éclectique, qui sait surprendre son public à chacune de ses interprétations.